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toujours aux Indes des métaux précieux, et que l'on n'en rapporte (1) point: les flottes juives, qui rapportoient par la mer Rouge de l'or et de l'argent, revenoient d'Afrique, et non pas des Indes.

Je dis plus: cette navigation se faisoit sur la côte orientale de l'Afrique; et l'état où étoit la marine pour lors prouve assez qu'on n'alloit pas dans des lieux bien reculés.

Je sais que les flottes de Salomon et de Josaphat ne revenoient que la troisieme année; mais je ne vois pas que la longueur du voyage prouve la grandeur de l'éloignement.

Pline et Strabon nous disent que le chemin qu'un navire des Indes et de la mer Rouge, fabriqué de jones, faisoit en vingt jours, un navire grec ou romain le faisoit en sept (2). Dans cette proportion, un voyage d'un an pour les flottes grecques et romaines étoit à peu près de trois pour celles de Salomon.

Deux navires d'une vitesse inégale ne font pas leur voyage dans un temps proportionné à leur vitesse: la lenteur produit souvent une plus grande lenteur. Quand il s'agit de suivre les côtes, et qu'on se trouve sans cesse dans une différente position, qu'il faut attendre un bon vent pour sortir d'un golfe, en avoir un

(1) La proportion établie en Europe entre l'or et l'argent peut quelquefois faire trouver du profit à prendre dans les Indes de l'or pour de l'argent.—— (2) Voyez Pline, 1. VI, ch. XXII; et Strabon, I. XV.

autre pour aller en avant, un navire bon voilier profite de tous les temps favorables, tandis que l'autre reste dans un endroit difficile, et attend plusieurs jours un autre changement,

Cette lenteur des navires des Indes qui, dans un teinps égal, pouvoient faire que le tiers du chemin que faisoient les vaisseaux grecs et romains, peut s'expliquer par ce que nous voyons aujourd'hui dans notre marine. Les navires des Indes, qui étoient de jonc, tiroient moins d'eau que les vaisseaux grecs et romains, qui étoient de bois et joints avec du fer.

On peut comparer ces navires des Indes à ceux de quelques nations d'aujourd'hui dont les ports ont peu de fond; tels sont ceux de Venise, et même en général ceux de l'Italie (1), de la mer Baltique, et de la province de Hollande (2). Leurs navires, qui doivent en sortir et y rentrer, sont d'une fabrique rònde et large de fond; au lieu que les navires d'autres nations qui ont de bons ports sont par le bas d'une forme qui les fait entrer profondément dans l'eau. Cette méchanique fait que ces der→ niers navires naviguent plus près du vent, et que les premiers ne naviguent presque que quand ils ont le vent en pouppe. Un navire qui entre beaucoup dans l'eau navigue vers le

(1) Elle n'a presque que des rades: mais la Sicile a de très bons ports.(2) Je dis de la province de Hollande; car les ports de celle de Zélande sont assez profonds.

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férence excessive du climat fait que les besoins

relatifs sont nuls.

CHAPITRE V.

Autres différences.

Le commerce, tantôt détruit par les conquérants, tantôt gêné par les monarques, parcourt la terre, fuit d'où il est opprimé, se repose où on le laisse respirer: il regne aujourd'hui où l'on ne voyoit que des déserts, des mers et des rochers; là où il régnoit il n'y a que des déserts.

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A voir aujourd'hui la Colchide, qui n'est plus qu'une vaste forêt où le peuple, qui diminue tous les jours, ne défend sa liberté que pour se vendre en détail aux Turcs et aux Persans, on ne diroit jamais que cette contrée eût été, du temps des Romains, pleine de villes où le commerce appeloit toutes les nations du monde. On n'en trouve aucun monument dans le pays; il n'y en a de traces que dans Pline (1) et Strabon (2).

L'histoire du commerce est celle de la communication des peuples. Leurs destructions diverses, et de certains flux et reflux de populations et de dévastations, en forment les plus grands évènements.

(1) Liv. VI.—(2) Liv. II.

CHAPITRE VI

Du commerce des anciens.

LE s trésors immenses de (1) Sémiramis, qui ne pouvoient avoir été acquis en un jour, nous font penser que les Assyriens avoient eux-mêmes pillé d'autres nations riches, comme les autres nations les pillerent après.

L'effet du commerce sont les richesses; la suite des richesses, le luxe; celle du luxe, la perfection des arts. Les arts, portés au point où on les trouve du temps de Sémiramis (2), nous marquent un grand commerce déja établi.

Il y avoit un grand commerce de luxe dans les empires d'Asie. Ce seroit une belle partie de l'histoire du commerce que l'histoire du luxe : le luxe des Perses étoit celui des Medes, comme celui des Medes étoit celui des Assyriens.

Il est arrivé de grands changements en Asie. La partie de la Perse qui est au nord-est, l'Hyrcanie, la Margiane, la Bactriane, etc., étoient autrefois pleines de villes florissantes (3) qui ne sont plus; et le nord (4) de cet empire, c'est-à-dire l'isthme qui sépare la mer Caspienne du Pont-Euxin, étoit couvert de

(1) Diodore, liv. II.—(2) Ibid.—(3) Voyez Pline, liv. VI, chap. XVI; et Strabon, liv. XI.—(4) Strahon, liv. XI.

villes et de nations qui ne sont plus encore.

Eratosthene (1) et Aristobule tenoient de Patrocle (2) que les marchandises des Indes passoient par l'Oxus dans la mer du Pont. Marc Varron (3) nous dit que l'on apprit du temps de Pompée, dans la guerre contre Mithridate, que l'on alloit en sept jours de l'Inde dans le pays des Bactriens, et au fleuve Icarus qui se jette dans l'Oxus; que par-là les marchandises de l'Inde pouvoient traverser la mer Caspienne, entrer de là dans l'embouchure du Cyrus; que de ce fleuve il ne falloit qu'un trajet par terre de cinq jours pour aller au Phase qui conduisoit dans le Pont-Euxin. C'est sans doute par les nations qui peuploient ces divers pays que les grands empires des Assyriens, des Medes et des Perses, avoient une communication avec les parties de l'orient et de l'occident les plus reculées.

Cette communication n'est plus. Tous ces pays ont été dévastés par les Tartares (4), et

(1) Strabon, liv. XI-(2) L'autorité de Patrocle est considérable, comme il paroit par un récit de Strabon, liv. II.-(3) Dans Pline, liv. VI, ch. XVII. Voyez aussi Strabon, liv. XI, 'sur le trajet des marchandises du Phase au Cyrus.—(4) Il faut que, depuis le temps de Ptolomée, qui nous décrit tant de rivieres qui se jettent dans la partié orientale de la m-raspienne, il y ait eu de grands changements dans ce pays. La carte du czar ne met de ce côté-là la riviere d'Astrabat ; et celle de M. Bathalsi,

t.

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