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sance d'un autre. Mais, dans les conventions qui dérivent du commerce, la loi doit faire plus de cas de l'aisance publique que de la liberté d'un citoyen; ce qui n'empêche pas les restrictions et les limitations que peuvent demander l'humanité et la bonne police.

CHAPITRE XVI.

Belle loi.

La loi de Geneve qui exclut des magistratures et mêine de l'entrée dans le grand conseil les enfants de ceux qui ont vécu ou qui sont morts insolvables, à moins qu'ils n'acquittent les dettes de leur pere, est très bonne. Elle a cet effet, qu'elle donne de la confiance pour les négociants; elle en donne pour les magistrats; elle en donne pour la cité même. La foi particuliere y a encore la force de la foi publique.

CHAPITRE XVII.

Loi de Rhodes.

LES Rhodiens allerent plus loin. Sextus Empiricus (1) dit que chez eux un fils ne pouvoit se dispenser de payer les dettes de son pere en renonçant à sa succession. La loi de Rhodes étoit donnée à une république fondée sur le commerce: or je crois que la raison du com

(1) Hypotyposes, liv. I, chap. XIV.

que

merce même y devoit mettre cette limitation, que les dettes contractées par le pere depuis le fils avoit commencé à faire le commerce n'affecteroient point les biens acquis par celui-ci. Un négociant doit toujours connoître ses obligations, et se conduire à chaque instant suivant l'état de sa fortune.

CHAPITRE XVIII.

Des juges pour le commerce.

XENOPHON, au livre des Revenus, voudroit qu'on donnât des récompenses à ceux des préfets du commerce qui expédient le plus vite les procès. Il sentoit le besoin de notre juridiction consulaire.

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Les affaires du commerce sont très peu susceptibles de formalités : ce sont des actions de chaque jour, que d'autres de même nature doivent suivre chaque jour; il faut done qu'elles puissent être décidées chaque jour. Il en est autrement des actions de la vie qui influent beaucoup sur l'avenir, mais qui arrivent rarement. On ne se marie guere qu'une fois; on ne fait pas tous les jours des donations ou des testaments; on n'est majeur qu'une fois.

Platon (1) dit que, dans une ville où il n'y a point de commerce maritime, il faut la moitié moins de lois civiles; et cela est très vrai. Le commerce introduit dans le même pays diffé

(1) Des lois, liv. VIII,

rentes sortes de peuples, un grand nombre de conventions, d'especes de biens, et de manieres d'acquérir.

Ainsi, dans une ville commerçante, il moins de juges et plus de lois.

CHAPITRE XIX.

y a

Que le prince ne doit point faire le commerce. THEOPHILE (1) voyant un vaisseau où il y avoit des marchandises pour sa femme Théodora, le fit brûler. « Je suis empereur, lui dit-il, « et vous me faites patron de galere. En quoi « les pauvres gens pourront-ils gagner leur «vie, si nous faisons encore leur métier ? » Il auroit pu ajouter: Qui pourra nous réprimer si nous faisons des monopoles? Qui nous obligera de remplir nos engagements ? Ce commerce que nous faisons, les courtisans voudront le faire; ils seront plus avides et plus injustes que nous. Le peuple a de la confiance en notre justice; il n'en a point en notre opulence tant d'impôts qui font sa misere sont des preuves certaines de la nôtre.

CHAPITRE XX,

Continuation du même sujet.

LORSQUE les Portugais et les Castillans dominoient dans les Indes orientales,

le com

(1) Zonare.

merce avoit des branches si riches que leurs princes ne manquerent pas de s'en saisir. Cela ruina leurs établissements dans ces parties-là.

Le viceroi de Goa accordoit à des particùliers des privileges exclusifs. On n'a point de confiance en de pareilles gens; le commerce est discontinué par le changement perpétuel de ceux à qui on le confie; personne ne ménagè ce commerce et ne se soucie de le laisser perdu à son successeur; le profit reste dans des mains particulieres, et ne s'étend pas assez.

CHAPITRE XXI..

Du commerce de la noblesse dans la monarchie.

Il est contre l'esprit du commerce que la

noblesse le fasse dans la monarchie. « Cela << seroit pernicieux aux villes, disent (1) les « empereurs Honorius et Théodose, et ôteroit << entre les marchands et les plébéiens la facilité «d'acheter et de vendré. »

Il est contre l'esprit de la monarchie que la noblesse y fasse le commerce. L'usage qui a permis en Angleterre le commerce à la noblesse est une des choses qui ont le plus contribué à y affoiblir le gouvernement monar

chique.

(1) Leg. nobiliores, cod. de commerc. et leg. ult. de rescind. vendit.

CHAPITRE XXII.

Réflexion particuliere.

DES Es gens frappés de ce qui se pratique dans quelques états pensent qu'il faudroit qu'en France il y eût des lois qui engageassent les nobles à faire le commerce. Ce seroit le moyen d'y détruire la noblesse sans aucune utilité pour le commerce. La pratique de ce pays est très sage: les négociants n'y sont pas nobles, mais ils peuvent le devenir; ils ont l'espérance d'obtenir la noblesse sans en avoir l'inconvénient actuel; ils n'ont pas de moyens plus sûrs de sortir de leur profession que de la bien faire, ou de la faire avec honneur: chose qui est ordinairement attachée à la suffisance.

Les lois qui ordonnent que chacun reste dans sa profession, et la fasse passer à ses enfants, ne sont et ne peuvent être utiles que dans les états (1) despotiques, où personne ne peut ni ne doit avoir d'émulation.

Qu'on ne dise pas que chacun fera mieux sa profession lorsqu'on ne pourra pas la quitter pour une autre. Je dis qu'on fera mieux sa profession lorsque ceux qui y auront excellé espéreront de parvenir à une autre.

L'acquisition qu'on peut faire de la noblesse à prix d'argent encourage beaucoup les négociants à se mettre en état d'y parvenir. Je

(1) Effectivement cela y est souvent ainsi établi. 'ESPR. DES LO:8. 3.

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