Page images
PDF
EPUB

tranquille, et qu'il fût laborieux et industrieux, Par la nature du ciimat et du terrain, il a une vie précaire; on n'y est assuré de sa vie qu'à force d'industrie et de travail.

Quand tout le monde obéit et que tout le monde travaille, l'état est dans une heureuse situation. C'est la nécessité, et peut-être la nature du climat, qui ont donné à tous les Chinois une avidité inconcevable pour le gain; et les lois n'ont pas songé à l'arrêter. Tout a été défendu quand il a été question d'acquérir par violence; tout a été permis quand il s'est agi d'obtenir par artifice ou par industrie. Ne comparons donc pas la morale des Chinois avec celle de l'Europe. Chacun, à la Chine, a dû être attentif à ce qui lui étoit utile; sile frippon a veillé à ses intérêts, celui qui est dupe devoit penser aux siens. A Lacédémone, il étoit permis de voler; à la Chine, il est permis de tromper.

CHAPITRE XXI.

Comment les lois doivent être relatives aux mœurs et aux manieres.

IL

L n'y a que des institutions singulieres qui confondent ainsi des choses naturellement séparées, les lois, les mœurs, et les manieres: mais, quoiqu'elles soient séparées, elles ne laissent d'avoir entre elles de grands rap

ports.

pas

On demanda à Solon si les lois qu'il avoit

données aux Athéniens étoient les meilleures. « Je leur ai donné, répondit-il, les meilleures a de celles qu'ils pouvoient souffrir. » Belle parole, qui devroit être entendue de tous les législateurs. Quand la sagesse divine dit au peuple juif: «Je vous ai donné des préceptes qui << ne sont pas bons »: cela signifie qu'ils n'avoient qu'une bonté relative; ce qui est l'éponge de toutes les difficultés que l'on peut faire sur les lois de Moïse.

CHAPITRE XXII.

Continuation du même sujet.

QUAND UAND un peuple a de bonnes mœurs, les lois deviennent simples. Platon (1) dit que Rhadamante, qui gouvernoit un peuple extrême→ ment religieux, expédioit tous les procès avec célérité, déférant seulement le serment sur chaque chef. Mais, dit le même Platon (2), quand un peuple n'est pas réligieux, on ne peut faire usage du serment que dans les occasions où celui qui jure est sans intérêt, comme un juge et des témoins.

CHAPITRE XXIII.

Comment les lois suivent les mœurs."

DAN'S le temps que les mœurs des Romains étoient pures, il n'y avoit point de loi particu

(r) Des lois, liv. XII. (2) Ibid.

ceur,

gens (1) de village observer entre eux des cérémonies comme les gens d'une condition relevée moyen très propre à inspirer la douà maintenir parmi le peuple la paix et le bon ordre, et à ôter tous les vices qui viennent d'un esprit dur. En effet, s'affranchir des regles de la civilité, n'est-ce pas chercher le moyen de mettre ses défauts plus à l'aise?

La civilité vaut mieux à cet égard que la politesse. La politesse flatte les vices des autres, et la civilité nous empêche de mettre les nôtres au jour: c'est une barriere que les hommes mettent entre eux pour s'empêcher de se corrompre.

Lycurgue, dont les institutions étoient dures, n'eut point la civilité pour objet lorsqu'il forma les manieres: il eut en vue cet esprit belliqueux qu'il vouloit donner à son peuple. Des gens toujours corrigeants ou toujours corrigés, qui instruisoient toujours et étoient toujours instruits, également simples et rigides, exerçoient plutôt entre eux des vertus qu'ils n'avoient des égards.

CHAPITRE XVII.

Propriété particuliere au gouvernement de la Chine. Les législateurs de la Chine firent plus (2);

(1) Voyez le P. du Halde.

(2) Voyez les livres classiques, dont le P. du Halde nous a donné de si

beaux morceaux.

ils confondirent la religion, les lois, les mœurs et les manieres: tout cela fut la morale, tout cela fut la vertu. Les préceptes qui regardoient ces quatre points furent ce que l'on appela les rites. Ce fut dans l'observation exacte de ces

rites que le gouvernement chinois triompha.

On passa toute sa jeunesse à les apprendre, toute sa vie à les pratiquer. Les lettrés les enseignerent, les magistrats les prêcherent; et, comme ils enveloppoient toutes les petites actions de la vie, lorsqu'on trouva le moyen de les faire observer exactement, la Chine fut bien gouvernée.

Deux choses ont pu aisément graver les rites dans le cœur et l'esprit des Chinois; l'uné, l leur maniere d'écrire extrêmement composée, qui a fait que, pendant une très grande partie de la vie, l'esprit a été uniquement (1) occupé de ces rites, parcequ'il a fallu apprendre à lire dans les livres et pour les livres qui les contenoient; l'autre, que les préceptes des rites n'ayant rien de spirituel, mais simplement des regles d'une pratique commune, il est plus aisé d'en convaincre et d'en frapper les esprits que d'une chose intellectuelle.

Les princes qui, au lieu de gouverner par les rites, gouvernerent par la force des supplices, voulurent faire faire aux supplices ce qui n'est pas dans leur pouvoir, qui est de

(1) C'est ce qui a établi l'émulation, la fuite de l'oisiveté, et l'estime pour le savoir.

gens (1) de village observer entre eux des cérémonies comme les gens d'une condition relevée moyen très propre à inspirer la douceur, à maintenir parmi le peuple la paix et le bon ordre, et à ôter tous les vices qui viennent d'un esprit dur. En effet, s'affranchir des regles de la civilité, n'est-ce pas chercher le moyen de mettre ses défauts plus à l'aise?

La civilité vaut mieux à cet égard que la politesse. La politesse flatte les vices des autres, et la civilité nous empêche de mettre les nôtres au jour: c'est une barriere que les hommes mettent entre eux pour s'empêcher de se corrompre.

Lycurgue, dont les institutions étoient dures, n'eut point la civilité pour objet lorsqu'il forma les manieres: il eut en vue cet esprit belliqueux qu'il vouloit donner à son peuple. Des gens toujours corrigeants ou toujours corrigés, qui instruisoient toujours et étoient toujours instruits, également simples et rigides, exerçoient plutôt entre eux des vertus qu'ils n'avoient des égards.

CHAPITRE XVII.

Propriété particuliere au gouvernement de la Chine.

Les législateurs de la Chine firent plus (2);

(1) Voyez le P. du Halde. —(2) Voyez les livres classiques, dont le P. du Halde nous a donné de si beaux morceaux.

« PreviousContinue »