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plutôt fiscales que politiques et civiles. Le dégoût que l'on avoit déja pour une chose qui paroissoit accablante fut augmenté par celui de se voir continuellement en proie à l'avidité du fisc. Cela fit que, sous Tibere, on fut obligé de modifier (1) ces lois, que Néron diminua les récompenses des (2) délateurs au fisc, que Trajan (3) arrêta leurs brigandages, que Sévere (4) modifia ces lois, et que les jurisconsultes les regarderent comme odieuses, et, dans leurs décisions, en abandonnerent la rigueur.

D'ailleurs les empereurs énerverent ces lois (5) par les privileges qu'ils donnerent des droits de maris, d'enfants, et de trois enfants. Ils firent plus: ils dispenserent les particuliers (6) des peines de ces lois. Mais des regles établies pour l'utilité publique sembloient ne devoir point admettre de dispense.

(1) Relatum de moderanda Pappia Poppoa. Tac. Annal. liv. III, p. 117. —(2) Il les réduisit à la quatrieme partie. Suétone, in Nerone, ch. X.(3) Voyez le panegyrique de Pline.-(4) Sévere re cula jusqu'à vingt-cinq ans pour les mâles, et vingt pour les filles, le temps des dispositions de la loi Pappienne, comme on le voit en conférant le Fragment d'Ulpien, tit. XVI, avec ce que dit Tertullien, Apologet., ch. IV.-(5) P. Scipion, censeur, dans sa harangue au peuple sur les mœurs, se plaint de l'abus qui déja s'étoit introduit, que le fils adoptif dounoit le même privilege que le fils naturel. AuluGelle, liv. V, ch. XIX.--(6) Voyez la loi XXXI, ff. de ritu nupt.

Il avoit été raisonnable d'accorder le droit d'enfants aux vestales (1) que la religion retenoit dans une virginité nécessaire: on donna (2) de même le privilege de maris aux soldats, parcequ'ils ne pouvoient pas se marier, C'étoit la coutume d'exempter les empereurs de la gêne de certaines lois civiles. Ainsi Auguste fut exempté de la gêne de la loi qui limitoit la faculté (3) d'affranchir, et de celle qui bornoit la faculté (4) de léguer. Tout cela n'étoit que des cas particuliers; mais dans la suite les dispenses furent données sans ménagement, et la regle ne fut plus qu'une exception.

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Des sectes de philosophie avoient déja introduit dans l'empire un esprit d'éloignement pour les affaires, qui n'auroit pu gagner à point dans le temps de la république (5) où tout le monde étoit occupé des arts de la guerre et de la paix. De là une idée de perfection attachée à tout ce qui mene à une vie spéculative: de là l'éloignement pour les soins et les embarras d'une famille.. La religion chrétienne, venant après la philosophie, fixa pour ainsi dire

(1) Auguste, par la loi Pappienue, leur donna le même privilege qu'aux meres. Voyez Dion, 1. LVI. Numa leur avoit donné l'ancien privilege des femmes qui avoient trois enfants, qui est de n'avoir point de curateur. Plutarque, dans la Vie de Numa.

(2) Claude le leur accorda. Dion, 1. LX. (3) Leg. apud eum, ff. de manumissionib. §. 1.—(4) Dion, liv. LV.-(5) Voyez, dans les Offices de Cicéron, ses idées sur cet esprit de spéculation.

des idées que celle-ci n'avoit fait que préparer.

Le christianisme donna son caractere à la jurisprudence: car l'empire a toujours du rapport avec le sacerdoce. On peut voir le code Théodosien, qui n'est qu'une compilation des ordonnances des empereurs chrétiens.

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Un panégyriste (1) de Constantin dit à cet empereur: «< Vos lois n'ont été faites que pour corriger les vices et régler les mœurs : vous « avez ôté l'artifice des anciennes lois qui sem<«< bloient n'avoir d'autres vues que de tendre « des pieges à la simplicité.

>>

Il est certain que les changements de Constantin furent faits ou sur des idées qui se rapportoient à l'établissement du christianisme, ou sur des idées prises de sa perfection. De ce premier objet vinrent ces lois qui donnerent une telle autorité aux évêques, qu'elles ont été le fondement de la juridiction ecclésiastique; de là ces lois qui affoiblirent l'autorité paternelle (2) en ôtant au pere la propriété des biens 'de ses enfants. Pour étendre une religion nouvelle il faut ôter l'extrême dépendance des enfants, qui tiennent toujours moins à ce qui est établi.

(1) Nazaire, in panegyrico Constantini, anno 321-2) Voyez la loi I, II, et III, au cod. Theodos. de bonis maternis, maternique generis, etc.; et a loi unique, au même code, de bonis quæ filiis famil. acquiruntur.

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Les lois faites dans l'objet de la perfection chrétienne furent sur-tout celles par lesquelles il ôta les peines des lois Pappiennes (1), et en exempta, tant ceux qui n'étoient point mariés, que ceux qui, étant mariés, n'avoient pas d'enfants.

« Ces lois avoient été établies, dit un histo~ << rien (2) ecclésiastique, comme si la multiplica«tion de l'espece humaine pouvoit être un ef<«< fet de nos soins; au lieu de voir que ce nom«bre croît et décroît selon l'ordre de la Provi«dence. >>

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Les principes de la religion ont extrêmement influé sur la propagation de l'espece humaine tantôt ils l'ont encouragée, comme chez les Juifs, les Mahometans, les Guebres, les Chinois; tantôt ils l'ont choquée, comme ils firent chez les Romains devenus chrétiens.

On ne cessa de prêcher par-tout la continence, c'est-à-dire cette vertu qui est plus parfaite; parceque, par sa nature, elle doit être pratiquée par très peu de gens.

Constantin n'avoit point ôté les lois décimaires, qui donnoient une plus grande extension aux dons que le mari et la femme pouvoient se faire à proportion du nombre de leurs enfants. Théodose le jeune abrogea (3) encore ces lois.

(1) Leg. unic. cod. Theod. de infirm.pœn.cœlib. et orbit,(2) Sozom, lib. 1, cap. 9-(3) Leg. Il et III, cod. Theod. de jure lib.

honneurs et les récompenses accordés par cette loi.

Les Romains, sortis pour la plupart des villes latines, qui étoient des colonies lacédémoniennes (1), et qui avoient même tiré de ces villes (2) une partie de leurs lois, eurent, comme les Lacédémoniens, pour la vieillessè ce respect qui donne tous les honneurs et toutes les préséances. Lorsque la république manqua de citoyens, on accorda au mariage et au nombre des enfants les prérogatives que l'on avoit données à l'âge (3); on en attacha quelques unes au mariage seul, indépendamment des enfants qui en pourroient naître : cela s'appeloit le droit des maris. On en donna d'autres à ceux qui avoient des enfants, de plus grandes à ceux qui avoient trois enfants. Il ne faut pas confondre ces trois choses. Il y avoit de ces privileges dont les gens mariés jouissoient toujours, comme par exemple une place particuliere au théâtre (4); il y en avoit dont ils ne jouissoient que lorsque des gens qui avoient des enfants ou qui en avoient plus qu'eux ne les leur ôtoient pas.

Ces privileges étoient très étendus. Les gens mariés qui avoient le plus grand nombre d'en

(1) Denys d'Halicarnasse. —(2) Les députés de Rome qui furent envoyés pour chercher des lois grecques allerent à Athenes et dans les villes d'Italie. -(3) Aulu-Gelle, liv. II, ch. XV.—(4) Suétone, in Augusto, ch. XLIV.

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