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lurent (1) même être censeurs. Ils firent divers réglements: César (2) donna des récompenses à ceux qui avoient beaucoup d'enfants; il défendit (3) aux femmes qui avoient moins de quarante-cinq ans, et qui n'avoient ni maris ni enfants, de porter des pierreries et de se servir de litiere: méthode excellente d'attaquer le célibat par la vanité. Les lois d'Auguste (4) furent plus pressantes ; il imposa (5) des peines nouvelles à ceux qui n'étoient point mariés, et augmenta les récompenses de ceux qui l'étoient et de ceux qui avoient des enfants. Tacite appelle ces lois Juliennes(6). Il y a apparence qu'on y avoit fondu les anciens réglements faits par le sénat, le peuple et les censeurs."

La loi d'Auguste trouva mille obstacles; et, trente-quatre ans (7) après qu'elle eut été faite,' les chevaliers romains lui en demanderent la révocation. Il fit mettre d'un côté ceux qui étoient mariés, et de l'autre ceux qui ne l'étoient pas : ces derniers parurent en plus grand nombre, ce qui étonna les citoyens et les confondit. Auguste, avec la gravité des anciens censeurs, leur parla ainsi (8):

(1) Voyez Dion, liv. XLIII, et Xiphil. in August. -(2) Dion, liv. XLIII; Suétone, Vie de César, ch. XX; Appien, 1. II de la guerre civile.-(3) Eusebe, dans sa Chronique.—(4) Dion, liv. LIV.—(5) L'an 736 de Rome.-(6) Julias rogationes, Annal. 1. III. —(7) L'an 762 de Rome. Dion, liv. LVI.—(8) J'ai abrégé cette harangue, qui est d'une longueur accablante: elle est rapportée dans Dion, liv. LVI.

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<< Pendant que les maladies et les guerres « nous enlevent tant de citoyens, que deviendra la ville si on ne contracte plus de mariages? « La cité ne consiste point dans les maisons, les « portiques, les places publiques; ce sont les hommes qui font la cité. Vous ne verrez point, << comme dans les fables, sortir des hommes de «dessous la terre pour prendre soin de vos af« faires. Ce n'est point pour vivre seuls que « vous restez dans le célibat: chacun de vous a « des

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compagnes de sa table et de son lit, et << vous ne cherchez que la paix dans vos déréglements. Citerez-vous ici l'exemple des vier<< ges vestales? Donc, si vous ne gardiez pas « les lois de la pudicité, il faudroit vous punir «< comme elles. Vous êtes également mauvais citoyens, soit que tout le monde imite votre exemple, soit que personne ne le suive. Mon unique objet est la perpétuité de la républi«que. J'ai augmenté les peines de ceux qui « n'ont point obéi; et, à l'égard des récom«penses, elles sont telles que je ne sache pas que la vertu en ait encore eu de plus grandes: il y en a de moindres, qui portent mille gens à exposer leur vie ; et celles-ci ne vous engage << roient pas à prendre une femme et à nourrir « des enfants! »

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Il donna la loi qu'on nomma de son nom Julia, et Pappia Poppea, du nom des consuls (1) d'une partie de cette année-là. La gran

(1) Marcus Pappius Mutilus, et Q. Poppœns Sa

deur du mal paroissoit dans leur élection même. Dion (1) nous dit qu'ils n'étoient point mariés, et qu'ils n'avoient point d'enfants.

Cette loi d'Auguste fut proprement un code de lois et un corps systématique de tous les réglements qu'on pouvoit faire sur ce sujet. On y refondit les lois Juliennes (2), et on leur donna plus de force: elles ont tant de vues, elles influent sur tant de choses, qu'elles forment la plus belle partie des lois civiles des Romains.

On en trouve (3) les morceaux dispersés dans les précieux Fragments d'Ulpien; dans les lois du Digeste, tirées des auteurs qui ont écrit sur les lois Pappiennes; dans les historiens et les autres auteurs qui les ont citées; dans le code Théodosien qui les a abrogées; dans les peres qui les ont censurées sans doute avec un zele louable pour les choses de l'autre vie, mais avec très peu de connoissance des affaires de celle-ci.

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Ces lois avoient plusieurs chefs, et l'on en connoît trente-cinq (4). Mais, allant à mon sujet le plus directement qu'il me sera possible, je commencerai par le chef qu'Aulu-Gelle (5) nous dit être le septieme, et qui regarde les

binus. Dion, liv. LVI.—(1) Liv. LVI.—(2) Le titre XIV des Fragments d'Ulpien distingue fort bien la loi Julienne de la Pappienne.-(3) Jacques Godefroi en a fait une compilation.--(4) Le trente-cinquieme est cité dans la loi XIX, ff. de ritu nuptiarum.— (5) Liv. II, ch. XV.

honneurs et les récompenses accordés par cette loi.

Les Romains, sortis pour la plupart des villes latines, qui étoient des colonies lacédémoniennes (1), et qui avoient même tiré de ces villes (2) une partie de leurs lois, eurent, comme les Lacédémoniens, pour la vieillessè ce respect qui donne tous les honneurs et toutes les préséances. Lorsque la république manqua de citoyens, on accorda au mariage et au nombre des enfants les prérogatives que l'on avoit données à l'âge (3); on en attacha quelques unes au mariage seul, indépendamment des enfants qui en pourroient naître: cela s'appeloit le droit des maris. On en donna d'autres à ceux qui avoient des enfants, de plus grandes à ceux qui avoient trois enfants. Il ne faut pas confondre ces trois choses. Il y avoit de ces privileges dont les gens mariés jouissoient toujours, comme par exemple une place particuliere au théâtre (4); il y en avoit dont ils ne jouissoient que lorsque des gens qui avoient des enfants ou qui en avoient plus qu'eux ne les leur ôtoient pas.

Ces privileges étoient très étendus. Les gens mariés qui avoient le plus grand nombre d'en

(1) Denys d'Halicarnasse. —(2) Les députés de Rome qui furent envoyés pour chercher des lois. grecques allerent à Athenes et dans les villes d'Italie. -(3) Aulu-Gelle, liv. II, ch. XV.—(4) Suétone, in Augusto, ch. XLIV.

fants étoient toujours préférés (1), soit dans la poursuite des honneurs, soit dans l'exercice de ces honneurs mêmes. Le consul qui avoit le plus d'enfants prenoit le premier les faisceaux (2); il avoit le choix des provinces (3): le sénateur qui avoit le plus d'enfants étoit écrit le premier dans le catalogue des sénateurs; il disoit au sénat son avis le premier (4). L'on pouvoit parvenir avant l'âge aux magistratures, parceque chaque enfant donnoit dispense d'un an (5). Si l'on avoit trois enfants à Rome, on étoit exempt de toutes charges personnelles (6). Les femmes ingénues qui avoient trois enfants, et les affranchies qui en avoient quatre, sortoient (7) de cette perpétuelle tutele où les retenoient (8) les anciennes lois de Rome. Que s'il y avoit des récompenses, il y avoit aussi des peines (9). Ceux qui n'étoient point mariés ne pouvoient rien recevoir par le testament des (10) étrangers,et ceux qui étant mariés

(1) Tacite, liv. II. Ut numerus liberorum in candidatis præpolleret, quod lex jubebat.—(2) AuluGelle, liv. II, ch. XV.—(3) Tacite, Annal. I. XV. -(4) Voyez la loi VI, §. 5, de decurion.—(5) Voyez la loi II, ff. de minorib.-(6) Loi I, §. 3; et II, S. 1, ff. de vacat. et excusat. muner.—(7) Fragm. d'Ulpien, tit. XXIX, §. 3.—(8) Plutarque, Vie de Numa.-(9) Voyez les Fragments d'Ulpien, aux tit. XIV, XV, XVI, XVII, et XVIII, qui sont un des beaux morceaux de l'ancienne jurisprudence romaine. (10) Sozom, liv. I, ch. IX. On recevoit de ses parents. Fragm. d'Ulpien, tit. XVI, §. 1.

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