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séparations des femmes, la clôture, les eunuques, les verroux, rendent la chose si difficile, que la loi la juge impossible. D'ailleurs, le même glaive extermineroit la mere et l'enfant. CHAPITRE VI.

Des bâtards dans les divers gouvernements.

ON N ne connoit donc guere les bâtards dans les pays où la polygamie est permise; on les connoît dans ceux où la loi d'une seule femme est établie. Il a fallu, dans ces pays, flétrir le concubinage; il a donc fallu flétrir les enfants qui en étoient nés.

les bâtards doidans les mo→

Dans les républiques, où il est nécessaire que les mœurs soient pures, vent être encore plus odieux narchies.

que

On fit peut-être à Rome des dispositions trop dures contre eux. Mais les institutions anciennes mettant tous les citoyens dans la nécessité de se marier, les mariages étant d'ail leurs adoucis par la permission de répudier ou de faire divorce, il n'y avoit qu'une très grande corruption de mœurs qui pût porter au concubinage.

Il faut remarquer que la qualité de citoyen étant considérable dans les démocraties où elle emportoit avec elle la souveraine puissance, il s'y faisoit souvent des lois sur l'état des bâtards, qui avoient moins de rapport à la chose même et à l'honnêteté du mariage qu'à la con

stitution particuliere de la république. Ainsi le peuple a quelquefois reçu pour citoyens (1) les bâtards, afin d'augmenter sa puissance contre les grands. Ainsi, à Athenes, le peuple retrancha les bâtards du nombre des citoyens, pour avoir une plus grande portion du bled que lui avoit envoyé le roi d'Egypte. Enfin Aristote (2) nous apprend que dans plusieurs villes, lorsqu'il n'y avoit pas assez de citoyens, les bâtards succédoient, et que, quand il y en avoit assez, ils ne succédoient pas.

CHAPITRE VII.

Du consentement des peres au mariage. Le consentement des peres est fondé sur leur puissance, c'est-à-dire sur leur droit de propriété; il est encore fondé sur leur amour, sur leur raison, et sur l'incertitude de celle de leurs enfants, que l'âge tient dans l'état d'ignorance, et les passions dans l'état d'ivresse.

Dans les petites républiques ou institutions singulieres dont nous avons parlé, il peut y avoir des lois qui donnent aux magistrats une inspection sur les mariages des enfants des citoyens, que la nature avoit déja donnée aux peres. L'amour du bien public y peut être tel qu'il égale ou surpasse tout autre amour. Ainsi Platon vouloit que les magistrats réglassent

(1) Voyez Aristote, Politique, liv. VI, ch. IV.(2) Ibid. liv. III, ch. III.

les mariages: ainsi les magistrats lacédémo¬ niens les dirigeoient-ils.

Mais, dans les institutions ordinaires, c'est aux peres à marier leurs enfants; leur prudence à cet égard sera toujours au-dessus de toute autre prudence. La nature donne aux peres un desir de procurer à leurs enfants des successeurs, qu'ils sentent à peine pour euxmêmes dans les divers degrés de progéni ture, ils se voient avancer insensiblement vers l'avenir. Mais que seroit-ce si la vexation et l'avarice alloient au point d'usurper l'autorité des peres? Ecoutons Thomas Gage (1) sur la conduite des Espagnols dans les Indes.

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« Pour augmenter le nombre des gens qui paient le tribut, il faut que tous les Indiens qui ont quinze ans se marient; et même on a « réglé le temps du mariage des Indiens à qua<< torze ans pour les mâles, et à treize pour les « filles. On se fonde sur un canon qui dit que « la malice peut suppléer à l'âge. » Il vit faire un de ces dénombrements: c'étoit, dit-il, une chose honteuse. Ainsi, dans l'action du monde qui doit être la plus libre, les Indiens sont encore esclaves.

EN

CHAPITRE VIII.

Continuation du même sujet.

N Angleterre, les filles abusent souvent de (1) Relation de Thomas Gage, p. 171.

la loi pour se marier à leur fantaisie, sans consulter leurs parents. Je ne sais pas si cet usage n'y pourroit pas être plus toléré qu'ailleurs, par la raison que les lois n'y ayant point établi un célibat monastique, les filles n'y ont d'état à prendre que celui du mariage, et ne peuvent s'y refuser. En France, au contraire, où le monachisme est établi, les filles ont toujours la ressource du célibat; et la loi qui leur ordonne d'attendre le consentement des peres y pourroit être plus convenable. Dans cette idée, l'usage d'Italie et d'Espagne seroit le moins raisonnable: le monachisme y est établi, et l'on peut s'y marier sans le consentement des peres.

CHAPITRE IX.

Des filles.

Les filles, que l'on ne conduit que par le mariage aux plaisirs et à la liberté, qui ont un esprit qui n'ose penser, un cœur qui n'ose sentir, des yeux qui n'osent voir, des oreilles qui n'osent entendre, qui ne se présentent que pour se montrer stupides, condamnées sans relâche à des bagatelles et à des préceptes, sont assez portées au mariage: ce sont les garçons qu'il faut encourager.

humaine, la maniere de penser, le caractere, les passions, les fantaisies, les caprices, l'idée de conserver sa beauté, l'embarras de la grossesse, celui d'une famille trop nombreuse, troublent la propagation de mille manieres.

CHAPITRE II.

Des mariages.

L'OBLIGATION naturelle qu'a le pere de nourrir ses enfants a fait établir le mariage, qui déclare celui qui doit remplir cette obligation. Les peuples (1) dont parle Pomponius Mela (2) ne le fixoient que par la ressem blance.

Chez les peuples bien policés le pere est celui que les lois, par la cérémonie du mariage, ont déclaré devoir être tel (3), parcequ'elles trouvent en lui la personne qu'elles cherchent.

Cette obligation, chez les animaux, est telle, que la mere peut ordinairement Ꭹ suffire. Elle a beaucoup plus d'étendue chez les hommes: leurs enfants ont de la raison; mais elle ne leur vient que par degrés: il ne suffit pas de les nourrir, il faut encore les conduire : déja ils pourroient vivre, et ils ne peuvent pas se gou

verner.

Les conjonctions illicites contribuent peu à la propagation de l'espece. Le pere, qui a l'o

(1) Les Garamantes.-(2) Liv. I, chap. III.(3) Pater est quem nuptiæ demonstrant.

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