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la fureté, ou du moins dans l'opinion que l'on a de fa fureté.

Cette fureté n'eft jamais plus attaquée que dans les accufations publiques ou privées. C'est donc de la bonté des loix cri

minelles que dépend principalement la liberté du citoyen (b).

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tivement à la conftitution, c'eft à-dire, relativement aux loix fondamentales; maintenant il va la confidérer relativement aux loix civiles: & nous trouverons qu'il manque d'exactitude fur ce fecond point, comme il en a manqué fur le premier. (R. d'un A.)

(b) Nous avons vu que Mr. de MONTESQUIEU nous a dit que la liberté politique confifte à pouvoir faire ce que l'on doit vouloir, &c. maintenant il nous apprend qu'elle confifte dans la fureté ou du moins dans l'opinion que l'on a de fa fureté. A quoi bon ces différences? La liberté naturelle eft la faculté de faire ce que l'on peut vouloir : lorfqu'elle eft entiere, elle exclut tout autre du droit de nous en empêcher l'afage, ou de la restreindre: c'est cette fituation relative que Mr. de MONTESQUIEU nomme fureté; or les accufations publiques ou privées fuppofant le droit de nous attaquer fur l'ufage de la liberté naturelle: il eft donc vrai que cette fureté n'eft jamais plus atta. quée que dans les accufations publiques ou privées; & puifque les loix criminelles font celles qui limitent la liberté naturelle avec menace de quelque peine grave, il eft encore vrai que c'eft de la bonté des loix criminelles, que dépend principalement la liberté du citoyen. (R. d'un A.)

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Les loix criminelles n'ont pas été perfectionnées tout d'un coup. Dans les lieux mêmes où l'on a le plus cherché la liberté, on ne l'a pas toujours trouvée. Ariftote (*) nous dit qu'à Cumes, les parens de l'accufateur pouvoient être témoins. Sous les rois de Rome, la loi étoit fi imparfaite, que Servius Tullius prononça la fentence contre les enfans d'Ancus Martius accufé d'avoir affalfiné le roi fon beaupere (†). Sous les premiers rois des Francs, Clotaire fit une loi (4), pour qu'un accufé ne pût être condamné fans être oui; ce qui prouve une pratique contraire dans quelque cas particulier, ou chez quelque peuple barbare. Ce fut Charondas qui introduifit les jugemens contre les faux témoignages (S). Quand l'innocence des citoyens n'eft pas affurée, la liberté ne l'eft pas non plus.

Les connoiffances que l'on a acquifes dans que que pays, & que l'on acquerra dans d'autres, fur les regles les plus fures que l'on puiffe tenir dans les jugemens criminels,

(*) Politique, liv. II.

(t) Tarquinius Prifcus. Voyez Denys d'Hali carnaffe, liv. IV.

(4) De l'an 560.

(5) Ariftote, Polit. liv. II. ch. XII. Il donna fes loix à Thurium, dans la quatre-vingt-quatrieme olympiade.

minels, intéreffent le genre humain plus qu'aucune chofe qu'il y ait au monde. Ce n'est que fur la pratique de ces connoiffances, que la liberté peut être fondée; & dans un état qui auroit là · deffus les meilleures loix poffibles, un homme à qui on feroit fon procès, & qui devroit être pendu le lendemain, feroit plus libre qu'un bacha ne l'est en Turquie (c).

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CHAPITRE III.

Continuation du même fujet.

LES loix qui font périr un homme fur la dépofition d'un feul témoin, font fatales

(c) Mr. de MONTESQUIEU Confond ici visible. ment les loix criminelles avec celles qui reglent la forme judiciaire. Car tous les exemples qu'il rapporte ici & dans le chapitre fuivant, ne font point tirés des loix criminelles, mais de la maniere dont un accufé peut être pourfuivi en justice: or à cet égard Mr. de MONTESQUIEU a rai. fon de dire que c'eft d'elle que dépend principalement la liberté du citoyen; parce que la liberté naturelle laiffe à ceux qui font attaqués tout che. min ouvert pour la défense, & qu'elle eft direc tement attaquée par tout ce qui reftreint cette dé. fense. (R. d'un A.)

fatales à la liberté (d).

La raifon en exige deux; parce qu'un témoin qui affirme, & un accufé qui nie, font un partage; & il faut un tiers pour le vuider.

Les Grecs (*) & les Romains (†) exigeoient une voix de plus pour condamner. Nos loix Françoifes en demandent deux.. Les Grecs prétendoient que leur usage avoit été établi par les dieux (); mais c'est le nôtre (e).

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(d) Autre inadvertance. La loi porte punition de mort pour tel crime; la forme judiciaire permet de juger fur la dépofition d'un feul témoin; ce n'eft pas la loi, mais la maniere de procéder contre l'accufé qui attaque la liberté. Quelquefois, à la vérité, les loix qui ftatuent quelque peine, portent en même temps comment il fera jugé de la vérité du fait, & comment on procédera contre le criminel; mais dans ces cas mêmes il faut diftinguer la partie de la loi qui ftatue la peine d'avec celle qui regle la façon dont un accufé peut être attaqué & défendu, & comment il faut procé der dans l'adminiftration de la juftice. (R. d'un A.) (*) Voyez Ariftide, orat, in Minervam.

(1) Denys d'Halicarnaffe, fur le jugement de Coriolan, liv. VII.

(4) Minerva calculus.

(e) Tout cela regarde non pas les loix criminelles proprement dites; mais la forme judiciaire, la maniere d'adminiftrer la juftice. (R. d'un A.)

CHAPITRE IV.

Que la liberté eft favorisée par la nature des peines, & leur proportion.

C'ES

EST le triomphe de la liberté, lorfque les loix criminelles tirent chaque peine de la nature particuliere du crime (f). Tout l'arbitraire, la peine ne defcend point du caprice du législateur, mais de la chofe; & ce n'eft point l'homme qui fait violence à l'homme.

Il y a quatre fortes de crimes. Ceux de la premire efpece choquent la religion; ceux de la feconde, les mœurs; ceux de la troifieme, la tranquillité; ceux de la quatrieme, la fureté des citoyens. Les peines que l'on inflige, doivent dériver de la nature de chacune de ces efpeces.

Je ne mets dans la claffe des crimes qui intéreffent la religion, que ceux qui l'attaquent directement, comme font tous les facrileges fimples. Car les crimes qui en

trou

(f) C'est ici proprement que notre auteur commence à parler de l'effet des loix criminelles fur la liberté. Tout ce qu'il dit dans le refte de ce livre mérite la plus grande attention. „ (R. d'un A.)

AS

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