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L'objet de ces colonies eft de faire le commerce à de meilleures conditions qu'on ne le fait avec les peuples voisins, lefquels tous les avantages font réciproques. On a établi que la métropole feule pour roit négocier dans la colonie; & cela avec grande raifon, parce que le but de l'établissement a été l'extenfion du commerce, non la fondation d'une ville ou d'un nouvel empire.

Ainfi c'eft encore une loi fondamentale de l'Europe, que tout commerce avec une colonie étrangere, eft regardé comme un pur monopole puniffable par les loix du pays: & il ne faut pas juger de cela par les loix & les exemples des anciens (†) peu. ples qui n'y font guere applicables.

Il est encore reçu que le commerce établi entre les métropoles, n'entraîne point une permiffion pour les colonies, qui res tent toujours en état de prohibition.

Le défavantage des colonies qui perdent la liberté du commerce, eft vifiblement compenfé par la protection de la métro

pole

(†) Excepté les Carthaginois, comme on voit par le traité qui termina la premiere guerre Panique.

pole (4), qui la défend par fes armes, ou la maintient par fes loix.

De là fuit une troifieme loi de l'Europe, que quand le commerce étranger eft défendu avec la colonie, on ne peut navi ger dans fes mers, que dans les cas établis par les traités.

Les nations, qui font à l'égard de tout l'univers ce que les particuliers font dans un état, fe gouvernent comme eux par le droit naturel & par les loix qu'elles fe font faites. Un peuple peut céder à un autre la mer, comme il peut céder la terre. Les Carthaginois exigerent (S) des Romains qu'ils ne navigeroient pas au-delà de certaines limites, comme les Grecs avoient exigé du roi de Perfe qu'il fe tiendroit toujours éloigné des côtes de la mer (**) de la carriere d'un cheval.

L'extrême éloignement de nos colonies n'eft point un inconvénient pour leur fu reté: car fi la métropole eft éloignée pour

les

(4) Métropole eft, dans le langage des anciens, l'état qui a fondé la colonie.

(S) Polybe, Liv. III.

(**) Le roi de Perfe s'obligea, par un traité, de ne naviger avec aucun vaiffeau de guerre au. delà des roches Scyanées & des isles Chelidoniennes. Plutarque, Vie de Cimon.

les défendre, les nations rivales de la métropole ne font pas moins éloignés pour les conquérir.

De plus, cet éloignement fait que ceux qui vont s'y établir ne peuvent prendre la maniere de vivre d'un climat fi différent, ils font obligés de tirer toutes les commodités de la vie du pays d'où ils font venus. Les Carthaginois (tt), pour rendre les Sardes & les Corfes plus dépendans, leur avoient défendu, fous peine de la vie, de planter, de femer & de faire rien de femblable; ils leur envoyoient d'Afrique des vivres. Nous fommes parvenus au même point, fans faire des loix fi dures. Nos colonies des isles Antilles font admirables; elles ont des objets de commerce que nous n'avons ni ne pouvons avoir; elles manquent de ce qui fait l'objet du notre.

L'effet de la découverte de l'Amérique fut de lier à l'Europe l'Afie & l'Afrique; l'Amérique fournit à l'Europe la matiere de fon commerce avec cette vaste partie de l'Afie qu'on appella les Indes Orientales. L'argent, ce métal fi utile au commerce comme figne, fut encore la base

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du

(tt) Ariftote, des chofes merveilleuses. Tite Live, Liv. VII, de la feconde Décade.

du plus grand commerce de l'univers comme marchandise. Enfin la navigation d'Afrique devint néceffaire; elle fourniffoit des hommes pour le travail des mines & des terres de l'Amérique.

L'Europe eft parvenue à un fi haut degré de puiffance, que l'hiftoire n'a rien à comparer là-deffus; fi l'on confidere l'immenfité des dépenfes, la grandeur des engagemens, le nombre des troupes, & la continuité de leur entretien, même lorsqu'elles font les plus inutiles, & qu'on ne les a que pour l'oftentation.

Le pere du Halde (4) dit que le commerce intérieur de la Chine eft plus grand que celui de toute l'Europe. Cela pourroit être, fi notre commerce extérieur n'augmentoit pas l'intérieur. L'Europe fait le commerce & la navigation des trois autres parties du monde; comme la France, l'Angleterre & la Hollande font à peu près la navigation & le commerce de l'Europe.

СНА

(++) Tome II, pag. 170.

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S'

CHAPITRE XXII.

Des richefes que l'Espagne tira de
PAmérique.

Si l'Europe (*) a trouvé tant d'avantages dans le commerce de l'Amérique, il feroit naturel de croire que l'Espagne en auroit reçu de plus grands. Elle tira du monde nouvellement découvert une quantité d'or & d'argent fi prodigieufe, que ce que l'on en avoit eu jufqu'alors ne pouvoit y être comparé.

Mais ce qu'on n'auroit jamais foupçonné) la mifere la fit échouer prefque par-tout. Philippe II, qui fuccéda à Charles-Quint, fut obligé de faire la célebre banqueroute que tout le monde fait ; & il n'y a guere jamais eu de prince qui ait plus fouffert que lui des murmures, l'infolence & de la révolte de fes troupes toujours mal payées.

de

Depuis ce temps, la monarchie d'Elpagne déclina fans ceffe. C'eft qu'il y avoit

un

(*) Ceci parut il y a plus de vingt ans, dans un petit ouvrage manufcrit de l'auteur, qui a été prefque out fondu dans celui-ci.

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