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Juifs, profcrits tour-à-tour de chaque pays, trouverent le moyen de fauver leurs effets. Par-là ils rendirent pour jamais leurs retraites fixes; car tel prince qui voudroit bien fe défaire d'eux ne feroit pas pour cela d'humeur à fe défaire de leur argent.

Ils (t) inventerent les lettres de change: & par ce moyen le commerce put éluder la violence, & fe maintenir partout; le négociant le plus riche n'ayant que des biens invifibles, qui pouvoient être envoyés par tout, & ne laiffoient de trace nulle part.

Les théologiens furent obligés de restreindre leurs principes; & le commerce, qu'on avoit violemment lié avec la mauvaife foi, rentra, pour ainfi dire, dans le fein de la probité.

Ainfi nous devons aux fpéculations des fcholaftiques tous les malheurs (44) qui

ont

(tt) On fait que, fous Philippe - Augufte & fous Philippe le Long, les Juifs, chaffés de France, fe réfugierent en Lombardie; & que là ils donnerent aux négocians étrangers & aux voyageurs des lettres fecrettes fur ceux à qui ils avoient confié leurs effets en France, qui furent acquittées.

(44) Voyez, dans le cours du droit, la quatrevingt troifieme novelle de Léon, qui révoque la

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ont accompagnés la deftruction du commerce; & à l'avarice des princes l'établis fement d'une chofe qui le met en quel que façon hors de leur pouvoir.

Il a fallu, depuis ce temps, que les princes fe gouvernaffent avec plus de fageffe qu'ils n'auroient eux-mêmes penfé: car, par l'événement, les grands coups d'autorité fe font trouvés fi mala-droits, que c'eft une expérience reconnue, qu'il n'y a plus que la bonté du gouvernement qui donne de la profpérité.

On a commencé à fe guérir du Machiavellifme, & on s'en guérira tous les jours. Il faut plus de modération dans les confeils. Ce qu'on appelloit autrefois des coups d'état, ne feroit aujourd'hui, indépendamment de l'horreur, que des imprudences.

Et il est heureux pour les hommes d'ètre dans une fituation, où, pendant que leurs paffions leur infpirent la pensée d'ètre méchans, ils ont pourtant intérêt de ne pas l'être.

СНА

loi de Bafile fon pere. Cette loi de Bafile eft dans Herménopule, fous le nom de Léon, Liv. III, tit. 7. §. 27.

L

CHAPITRE XXI.

Découverte de deux nouveaux mondes:
état de l'Europe à cet égard.

A bouffole ouvrit, pour ainfi dire, l'univers. On trouva l'Afie & l'Afrique dont on ne connoiffoit que quelques bords, & l'Amérique dont on connoiffoit rien du

tout.

Les Portugais navigeant fur l'Océan Atlantique, découvrirent la pointe la plus méridionale de l'Afrique; ils virent une vaste mer; elle les porta aux Indes Orientales. Leurs périls fur cette mer, & la découverte de Mozambique, de Mélinde & de Calicut, ont été chantés par le Camoëns, dont le poëme fait fentir quelque chofe des charmes de l'Odiffée & de la magnificence de l'Enéïde.

Les Vénitiens avoient fait jufques - là le commerce des Indes par les pays des Turcs, & l'avoient pourfuivi au milieu des avanies & des outrages. Par la découverte du cap de bonne-Efpérance, & celles qu'on fit quelque temps après, l'Italie ne fut plus au centre du monde commerçant, elle fut, pour ainfi dire, dans

un

un coin de l'univers & elle y eft encore. Le commerce mème du levant dépendant aujourd'hui de celui que les grandes nations font aux deux Indes, l'Italie ne le fait plus qu'acceffoirement.

Les Portugais trafiquerent aux Indes en conquérans Les loix gênantes (§§ ) que les Hollandois impofent aujourd'hui aux petits princes Indiens fur le commerce, les Portugais les avoient établies avant eux. La fortune de la maifon d'Autriche fut prodigieufe. Charles Quint recueillit la fucceffion de Bourgogne, de Caftille & d'Arragon; il parvint à l'empire; & pour lui procurer un nouveau genre de grandeur, l'univers s'étendit, & l'on vit paroître un monde nouveau fous fon obéiflance.

Chriftophe Colomb découvrit l'Améri que ; & quoique l'Espagne n'y envoyât point de forces qu'un petit prince de l'Europe n'eût pu y envoyer tout de même, elle foumit deux grands empires & d'autres grands états.

Pendant que les Espagnols découvroient & conquéroient du côté de l'occident, les Portugais pouffoient leurs conquêtes & leurs découvertes du côté de l'orient: ces deux nations

(§§) Voyez la relation de François Pyrard, deuxieme partie, ch. XV.

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nations fe rencontrerent; elles eurent recours au Pape Alexandre VI, qui fit la célebre ligne de démarquation, & jugea un grand procès.

Mais les autres nations de l'Europe ne les laifferent pas jouir tranquillement de leur partage: les Hollandois chafferent les Portugais de prefque toutes les Indes orientales, & diverfes nations firent en Amérique des établissemens.

Les Espagnols regarderent d'abord les terres découvertes comme des objets de conquête des peuples plus rafinés qu'eux trouverent qu'elles étoient des objets de commerce, & c'eft là- deffus qu'ils dirigerent leurs vues. Plufieurs peuples fe font conduits avec tant de fagelfe, qu'ils ont donné l'empire à des compagnies de négocians, qui, gouvernant ces états éloignés uniquement pour le négoce, ont fait une grande puiffance acceffoire, fans embarraffer l'état principal.

Les colonies qu'on y a formées, font fous un genre de dépendance dont on ne trouve que peu d'exemples dans les colonies anciennes, foit que celles d'aujourd'hui relevent de l'état même, ou de quelque compagnie commerçante établie dans cet état.

Tom. II.

S

L'objet

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