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qui s'en faifoit aux Indes. Que fi les marchandises de ce pays fe vendoient à Rome le centuple; ce profit des Romains fe faifoit fur les Romains mêmes, & n'enrichiffoit point l'empire.

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On pourra dire, d'un autre côté, que ce commerce procuroit aux Romains une grande navigation c'est-à-dire, grande puiffance; que des marchandifes nouvelles augmentoient le commerce intérieur, favorifoient les arts, entretenoient l'induftrie; que le nombre des citoiens fe multiplioit à proportion des nouveaux mdyens qu'on avoit de vivre; que ce nouveau commerce produifoit le luxe que nous avons prouvé être auffi favorable au gouvernement d'un feul, que fatal à celui de plufieurs; que cet établiffement fut de même date que la chûte de leur républi que; que le luxe à Rome étoit néceffaire'; & qu'il falloit bien qu'une ville qui attiroit à elle toutes les richeffes de l'univers, les rendit par fon luxe.

Strabon (f) dit que le commerce des Romains aux Indes étoit beaucoup plus

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(tt) Il dit, au Liv. XII, que les Romains y employoient cent vingt navires; & au Liv. XVII, que les rois Grecs y en envoyoient à peine vingt.

confidérable que celui des rois d'Egypte : & il eft fingulier que les Romains, qui connoiffoient peu le commerce, aient eu, pour celui des Indes, plus d'attention que n'en eurent les rois d'Egypte, qui l'avoient, pour ainfi dire, fous les yeux. Il faut expliquer ceci.

Après la mort d'Alexandre, les rois d'Egypte établirent aux Indes un commerce maritime; & les rois de Syrie, qui eurent les provinces les plus orientales de l'empire & par conféquent les Indes, maintinrent ce commerce dont nous avons parlé au chapitre VI, qui fe faifoit par les terres & par les fleuves, & qui avoit reçu de nouvelles facilités par l'établiffement des colonies Macédoniennes: de forte que l'Europe communiquoit avec les Indes, & par P'Egypte, & par le royaume de Syrie. Le démembrement qui fe fit du Royaume de Syrie, d'où fe forma celui de Bactriane, ne fit aucun tort à ce commerce. Marin Tyrien, cité par Ptolémée (H), parle des découvertes faites aux Indes par le moyen de quelques marchands Macédoniens. Celles que les expéditions des rois n'avoient pas faites, les marchands les firent. Nous voyons

(44) Liv. E, ch. II.

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voyons dans Ptolémée (SS), qu'ils allerent depuis la tour de Pierre (***) jusqu'à Séra & la découverte faite par les marchands d'une étape fi reculée, fituée dans la partie orientale & femptentrionale de la Chine, fut une espece de prodige. Ainfi, fous les rois de Syrie & de Bactriane, les marchandifes du midi de l'Inde paffoient, par l'Indus, l'Oxus & la Mer Cafpienne en occident; & celles des contrées plus orientales & plus feptentrionales étoient portées depuis Séra, la tour de Pierre, & autres étapes, jufqu'à l'Euphrate. Ces marchands faifoient leur route, tenant, peu près, le quarantieme degré de latitude nord, par des pays qui font au couchant de la Chine, plus policés qu'ils ne font aujourd'hui, , parce que les Tartares ne les avoient pas encore infeftés.

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Or, pendant que l'empire de Syrie étendoit fi fort fon commerce du côté des terres, l'Egypte n'augmenta pas beaucoup fon commerce maritime.

Les Parthes parurent, & fonderent leur empire: & lorfque l'Egypte tomba fous

(SS) Liv. VI, ch. XIII.

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(***) Nos meilleures cartes placent la tour de Pierre au centienie degré de longitude, & environ le quarantieme de latitude.

la puiffance des Romains, cet empire étoit dans fa force, & avoit reçu fon extenfion.

Les Romains & les Parthes furent deux puiffances rivales, qui combattirent, non pas pour fçavoir qui devoit régner, mais exifter. Entre les deux empires. il fe forma des déferts; entre les deux empires, on fut toujours fous les armes; bien loin qu'il y eût commerce, il n'y eut pas même de communication. L'ambition, la jalou fie, la religion, la haine, les mœurs, féparerent tout. Ainfi le commerce entre l'occident & l'orient, qui avoit eu plusieurs routes, n'en eut plus qu'une; & Alexandrie étant devenue la feule étape, cette étape groffit.

Je ne dirai qu'un mot du commerce intérieur. Sa branche principale fut celle des bleds qu'on faifoit venir pour la fubfiftance du peuple de Rome: ce qui étoit une matiere de police, plutôt qu'un objet de commerce. A cette occafion, les nautoniers recurent quelques privileges (tt); parce que le falut de l'empire dépendoit de leur vigilance.

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·(tft) Suet. in Claudio. Leg. VII, cod. Theodof. de naviculariis.

CHAPITRE XVII

Du commerce après la deftruction des
Romains en occident.

L'EMPIRE Romain fut envahi; & l'un des effets de la calamité générale, fut la deftruction du commerce. Les barba res ne le regarderent d'abord que comme un objet de leurs brigandages; & quand ils furent établis, ils ne l'honorerent pas plus que l'agriculture & les autres profes fions du peuple vaincu.

..Bientôt il n'y eut prefque plus de commerce en Europe; la nobleffe qui regnoit par-tout, ne s'en mettoit point en peine.

La loi (*) des Wifigoths permettoit aux particuliers d'occuper la moitié du lit des grands fleuves, pourvu que l'autre restât libre pour les filets & pour les bateaux; il falloit qu'il y eût bien peu de commerce dans les pays qu'ils avoient conquis.

Dans ces temps - là s'établirent les droits infenfés d'aubaine & de naufrage: les hommes penferent que les étrangers ne leur étant unis par aucune communication du

(*) Liv. VIII, tit. 4, §. 9.

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