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moyens d'acquérir: or les hommes efperent beaucoup de leur fortune.

Je ne veux pas dire qu'il y ait aucune monarchie qui foit totalement exclue du commerce d'économie; mais elle y eft moins portée par fa nature. Je ne veux pas dire que les républiques que nous connoiffons foient entiérement privées du commerce de luxe, mais il a moins de rapport à leur conftitution.

Quant à l'état defpotique, il eft inutile d'en parler. Regle générale: dans une nation qui eft dans la fervitude, on travaille plus à conferver qu'à acquérir: dans une nation libre, on travaille plus à acquérir qu'à conferver (c.)

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(c) Je doute que tout le monde foit content de cette divifion en commerce d'économie & commerce de luxe, du moins on n'a pas raifon de l'être de ce que Mr. le Préfident nous laiffe à deviner ce que nous devons entendre par ces deux efpeces de com. merce. L'Auteur de l'Esprit des loix quintessencié lui reproche ici le manque de définition, & lui allegue un paffage de Ciceron; nous l'avons fait plus d'une fois. Mais nous n'en fommes pas plus avancés, dans le fens qu'il faut donner à ce que Mr. de MONTESQUIEU dit ici. 11 ne me paroit pas, par exemple, pourquoi ces deux branches de commerce ne pourroient pas fe faire dans un Etat, de quelque forme qu'en fût le gouvernement, pourvu que les négocians puffent étre affurés d'une poffeffion

CHAPITRE V.

De peuples qui ont fait le commerce® d'économie.

MARSEILLE

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retraite néceffaire au

milieu d'une mer orageufe; Marfeille, ce lieu où tous les vents, les bancs de la mer, la difpofition des côtes ordonnent de toucher, fut fréquentée par les gens de mer. La ftérilité (*) de fon territoire détermina fes citoyens au commerce d'économie. Il fallut qu'ils fuffent laborieux, pour fuppléer à la nature qui fe refufoit; qu'ils fuffent juftes, pour vivre parmi les nations barbares qui devoient faire leur profpérité; qu'ils fuffent modérés, pour que leur gouvernement fût toujours tranquille; enfin qu'ils euffent des mœurs frugales, pour qu'ils puffent toujours vivre d'un commerce qu'ils conferveroient plus furement lorsqu'il feroit moins avantageux.

On a vu par tout la violence & la vexation donner naiffance au commerce d'écono

poffeffion paisible de tout ce qu'ils acquierent. (R. d'un A.)

(*) Juftin, Liv. XLIII, ch. III.

d'économie, lorfque les hommes font contraints de fe réfugier dans les marais, dans les isles, les bas fonds de la mer & fes écueils mêmes. C'eft ainfi que Tyr, Venife & les villes de Hollande furent fondées; les fugitifs y trouverent leur fureté. Il fallut fubfifter; ils tirerent leur fubfistance de tout l'univers (d).

CHAPITRE VI.

Quelques effets d'une grande navigation. IL arrive quelquefois qu'une nation qui fait le commerce d'économie, ayant befoin d'une marchandise d'un pays qui lui ferve de fonds pour fe procurer les marchandifes d'un autre, fe contente de gagner très-peu, & quelquefois rien, fur le unes; dans l'efpérance ou la certitude de gagner beaucoup fur les autres. Ainfi, lorfque la Hollande faifoit prefque feule le com

merce

le

(d) Il y a des marchandifes qui fervent uniquement au luxe, d'autres aux néceffités de la vie ; il y en a dont on ufe pour le luxe, & pour néceffaire, &c. Une nation commerçante embraffe tout, travaille à contenter tous les defirs & s'embaraffe fort peu fi on en tire un ufage frivole ou utile. Qu'eft-ce donc que le commerce de luxe, le commerce d'économie ? (R. d'un A.)

merce du midi au nord de l'Europe, les vins de France, qu'elle portoit au nord, ne lui fervoient en quelque maniere que de fonds pour faire fon commerce dans

le nord.

On fait que fouvent en Hollande, de: certains genres de marchandise venue de. loin, ne s'y vendent pas plus cher qu'ils n'ont coûté fur les lieux mêmes. Voici la raifon qu'on en donne. Un capitaine, qui a befoin de lefter fon vaiffeau, prendra du marbre; il a befoin de bois pour l'arrimage, il en achetera: & pourvu qu'il n'y perde rien, il croira avoir beaucoup fait.' C'eft ainfi que la Hollande a auffi fes carrieres, fes forêts.

Non feulement un commerce qui ne donne rien peut être utile; un commerce même defavantageux peut l'ètre. J'ai oui dire en Hollande, que la pêche de la ba-' leine, en général, ne rend prefque jamais ce qu'elle coûte: mais ceux qui ont été employés à la conftruction du vaiffeau, ceux qui ont fourni les agrêts, les appareaux, les vivres, font auffi ceux qui prennent le principal intérêt à cette pêche. Perdiffent-ils fur la pêche, ils ont gagné fur les fournitures. Ce commerce eft un espece de lotterie, & chacun eft féduit par l'espérance d'un billet noir. Tout le monde

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aime à jouer; & les gens les plus fages jouent volontiers, lorfqu'ils ne voient point les apparences du jeu, fes égaremens, fes violences, fes diffipations, la perte du temps, & même de toute la vie.

CHAPITRE VII.

Efprit de l'Angleterre fur le commerce.

L'ANGLETERRE n'a guere de tarif réglé avec les autres nations; fon tarif change, pour ainsi dire, à chaque parlement, par les droits particuliers qu'elle ôte, ou qu'elle impofe. Elle a voulu encore conferver fur cela fon indépendance. Souverainement jaloufe du commerce qu'on fait chez elle, elle fe lie peu par des traités, & ne dépend que de fes loix.

D'autres nations ont fait céder des intérêts du commerce à des intérêts politiques : celle-ci a toujours fait céder fes intérêts politiques aux intérêts de fon commerce.

C'est le peuple du monde qui a le mieux fu fe prévaloir à la fois de ces trois grandes chofes, la religion, le commerce & la liberté.

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