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même contre ceux qui l'exercent.

Dans

la derniere maladie de ce roi, les médeeins n'oferent jamais dire qu'il fût en danger; & ils agirent, fans doute, en con féquence (*).

UN

CHAPITRE XI.

Des pensées.

N Marfias fongea qu'il coupoit la gorge à Denys (†). Celui-ci le fit mourir, difant qu'il n'y auroit pas fongé la nuit, s'il n'y eût penfé le jour. C'étoit une grande tirannie: car, quand même il y auroit penfé, il n'avoit pas attenté (4). Les loix ne fe chargent de punir que les actions extérieures.

CHA.

(*) Voyez l'hiftoire de la réformation par Mr. Burnet.

(†) Plutarque, vie de Denys.

(4) Il faut que la pensée foit jointe à quelque forte d'action.

Tom. II.

CHAPITRE XII.

Des paroles indifcrettes.

RIEN ne rend encore le crime de lefemajefté plus arbitraire, que quand des paroles indifcrettes en deviennent la matiere. Les difcours font fi fujets à interprétation, il y a tant de différence entre l'indifcrétion & la malice, & il y en a fi peu dans les expreffions qu'elles emploient, que la loi ne peut guere foumettre les paroles à une peine capitale, à moins qu'elle ne déclare expreffément celles qu'elle y foumet (*).

Les paroles ne forment point un corps de délit; elles ne reftent que dans l'idée. La plupart du temps elles ne fignifient point par elles-mêmes, mais par le ton dont on les dit. Souvent, en redifant les mêmes paroles, on ne rend pas le même fens: ce fens dépend de la liaison qu'elles ont avec d'autres chofes.. Quelquefois le filence exprime plus que tous les difcours. Il

(*) Si non tale fit delictum, in quod vel scriptura legis defcendit, vel ad exemplum legis vindicandum eft, dit Modeftinus dans la loi 7, au ff. ad leg. Jul. maj.

Il n'y a rien de fi équivoque que tout cela. Comment donc en faire un crime de lefemajefté? Partout où cette loi eft établie, non feulement la liberté n'eft plus, mais fon ombre même.

Dans le manifefte de la feue czarine donné contre la famille d'Olgourouki (†), un de ces princes eft condamné à mort, pour avoir proféré des paroles indécentes qui avoient du rapport à fa perfonne; un autre pour avoir malignement interprété fes fages difpofitions pour l'empire, & of fenfé fa perfonne facrée par des paroles peu refpectueuses.

Je ne prétends point diminuer l'indignation que l'on doit avoir contre ceux qui veulent flétrir la gloire de leur prince: mais je dirai bien que, fi l'on veut modérer le defpotifme, une fimple punition correctionnelle conviendra mieux dans ces occafions, qu'une accufation de lefe - majefté toujours terrible à l'innocence mème (4).

Les actions ne font pas de tous les jours; bien des gens peuvent les remarquer; une fauffe

(†) En 1740.

(4) Nec lubricum lingua ad pœnam facilè trabendum eft, Modeftin dans la loi 7, au ff. ad leg. Jul.

maj.

fauffe accufation fur des faits peut être aifément éclaircie. Les paroles qui font jointes à une action, prennent la nature de cette action. Ainfi un homme qui va dans la place publique exhorter les fujets à la révolte, devient coupable de lefe - majesté, parce que les paroles font jointes à l'action, & y participent. Ce ne font point les paroles que l'on punit; mais une action commife, dans laquelle on emploie les paroles. Elles ne deviennent des crimes que lorfqu'elles préparent, qu'elles accompagnent, ou qu'elles fuivent une action criminelle. On renverse tout, fi l'on fait des paroles un crime capital, au lieu de les regarder comme le figne d'un crime capital. Les empereurs Théodofe, Arcadius, & Honorius, écrivirent à Ruffin, préfet du prétoire: » Si quelqu'un parle mal de notre perfonne ou de notre gouvernement, nous ne voulons point le punir (§): s'il a parlé par légéreté, il faut le méprifer; fi c'eft par folie, il faut le plaindre; fi c'eft une injure, il faut lui pardonner. Ainfi laiffant les chofes dans leur entier, vous nous en donnerez

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(§) Si id ex levitate procefferit, contemnendun eft; fi ex infanià, miferatione dignissimum ; fi ab injuria, remittendum. Leg. unicâ, cod. fi quis imperat. maled.

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connoiffance; afin que nous jugions des » paroles par les perfonnes, & que nous penfions bien fi nous devons les foumettre au jugement ou les négliger ".

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CHAPITRE XIII.

Des écrits.

Es écrits contiennent quelque chofe de plus permanent que les paroles: mais lorfqu'ils ne préparent pas au crime de lefe-majefté, ils ne font point une matiere. du crime de lefe - majesté.

Augufte & Tibere y attacherent pourtant la peine de ce crime (*); Augufte, à l'occafion de certains écrits faits contre des hommes & des femmes illuftres; Tibere, à caufe de ceux qu'il crut faits contre lui. Rien ne fut plus fatal à la liberté RomaiCremutius Cordus fut accufé, parce que dans fes annales il avoit appellé Caffius le dernier des Romains (†).

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(*) Tacite, Annales, liv. I. Cela continua fous Tes regnes fuivans. Voyez la loi premiere au code de famof. libellis.

(†) Tacite, Annales, liv. IV.

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