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CHAPITRE XXIII

Comment les loix fuivant les mœurs.

DANS le temps que les mœurs des Romains étoient pures, il n'y avoit point de loi particuliere contre le péculat. Quand ce erime commença à paroître, il fut trouvé fi infame, que d'être condamné à reftituer (*) ce qu'on avoit pris, fut regardé comme une grande peine; témoin le jugement de L. Scipion (†):

I

CHAPITRE XXIV.

Continuation du même fujet.

L's loix qui donnent la tutelle à la mere ont plus d'attention à la confervation de la perfonne du pupile; celles qui la donnent au plus proche héritier, ont plus d'attention à la confervation des biens. Chez les peuples dont les mœurs font cor

(*) In fimplum.
(t) Tite Live, Liv. XXXVII

rompues,

rompues, il faut mieux donner la tutelle à la mere. Chez ceux où les loix doivent avoir de la confiance dans les mœurs des citoyens, on donne la tutelle à l'héritier des biens, ou à la mere, & quelquefois à tous les deux.

Si l'on réfléchit fur les loix Romaines, on trouvera que leur efprit eft conforme à ce que je dis. Dans le temps où l'on fit la loi des douze tables, les mœurs à Rome étoient admirables. On déféra la tutelle au plus proche parent du pupile, penfant que celui-là devoit avoir la charge de la tutelle, qui pouvoit avoir. l'avantage de la fucceffion. On ne crut point la vie du pupile en danger, quoiqu'elle fût mife entre les mains de celui à qui fa mort devoit être utile. Mais lorsque les moeurs changerent à Rome, on vit les législateurs changer auffi de façon de penfer. Si dans la fubftitution pupillaire, difent Caius (*) & Juslinien (†), le tefta teur craint que le fubftitué ne dreffe des embuches au pupile, il peut laiffer à dé Couvert la fubftitution, vulgaire (+), &

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(*) Inft Liv. Il, tit. 6. §. 2. la compilation d'Ozel, à Leyde, 1658.

"

(†) Inftitut. Liv. II. de pupil. fubftit § 3
(4) La fubfiftitution vulgaire eft:fi un tel ne

prend

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mettre la pupillaire dans une partie du teftament qu'on ne pourra ouvrir qu'après un certain temps. Voila des craintes & des précautions inconnues aux premiers Romains (f).

L

CHAPITRE XXV. 1

Continuation du même sujet.

Aloi Romaine donnoit la liberté de fe faire des dons avant le mariage; après le mariage elle ne le permettoit plus. Cela étoit fondé fur les mœurs des Romains, qui n'étoient portés au mariage que par la frugalité, la fimplicité & la modeftie; mais qui pouvoient fe laiffer féduire par les foins domeftiques, les complaifances & le bonheur de toute une vie..

La loi de Wifigots (*) vouloit que l'époux ne pût donner à celle qu'il devoit époufer, au delà du dixieme de fes biens;

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&

prend pas l'hérédité, je lui fubftitue &c. La pupillaire eft: fi un tel meurt avant fa puberté, je lui fubftitue, &c.

(f)Ce Chapitre eft cenfuré dans l'Esprit des loix quinteffencié ainsi que tout le refte, mais felon moi très-mal à propos. (R. d'un A.)

(*) Liv. III, tit. 1, §. 5.

& qu'il ne pût lui rien donner la premiere année de fon mariage. Cela venoit encore des mœurs du pays. Les législateurs vouloient arrêter cette jactance Espagnole uniquement portée à faire des libéralités exceffives dans une action d'éclat.

t

Les Romains, par leurs loix, arrêterent quelques inconvéniens de l'empire du monde le plus durable, qui eft celui de la vertu les Efpagnols, par les leurs ; vouloient empêcher les mauvais effets de la tirannie du monde la plus fragile, qui eft celle de la beauté.,

LA

CHAPITRE XXVI.

Continuation du méme fujet."

A

1

A loi (*) de Théodofe & de Valentinien tira les caufes de répudiation des anciennes mœurs (t) & des manieres des Romains. Elle mit au nombre de ces causes, l'action du mari (†) qui châtieroit

Legs VIII. cod. de repudiis.

fa

(†) Et de la loi des douze tables. Voyez Cicéron, feconde Philippique.

(4) Si verberibus, qué ingenuis alienæ funt, afficientem probaverit.

fa femme d'une maniere indigne d'une perfonne ingénue. Cette caufe fut omife dans les loix fuivantes ($): c'est que les mœurs avoient changé à cet égard; les ufages d'orient avoient pris la place de Ceux d'Europe. Le premier eunuque de l'impératrice femme de Juftinien II, la menaça, dit l'hiftoire, de ce châtiment dont on punit les enfans dans les écoles. Il n'y a que des mœurs établies, ou des moeurs qui cherchent à s'établir, qui puisfent faire imaginer une pareille chofe.

Nous avons vu comment les loix fuivent les mœurs: voyons ä préfent comment les mœurs fuivent les loix.

CHAPITRE XXVII.

le

Comment les loix peuvent contribuer à former les mœurs, les manieres caractere d'une nation.

LES coutumes d'un peuple efclave font une partie de fa fervitude: celles d'un peuple libre font une partie de fa liberté. J'ai parlé au livre XI (*) d'un peuple libre; j'ai donné les principes de fa confti

(S) Dans la novelle 117, ch. XIV.
(*) Chapitre VI.

tution,

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