Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE VIII.

De la mauvaife application du nom de crime de facrilege de lefe- majesté.

-1

C'EST

"EST encore un violent abus, de donner le nom de crime de lefe - majesté à une action qui ne l'eft pas. Une loi des empereurs (*) pourfuivoit comme facrileges ceux qui mettoient en queftion le jugement du prince, & doutoient du mérite de ceux qu'il avoit choifis pour quelque emploi (†). Ce furent bien le cabinet & les favoris qui établirent ce crime.

Une

autre loi avoit déclaré que ceux qui attentent contre les miniftres & les officiers du prince font criminels de lefe-majefté, comme s'ils attentoient contre le prince mê'me (). Nous devons cette loi à deux princes (S) dont la foibleffe eft célebre dans l'his

(*) Gratien, Valentinien & Théodofe. C'eft la feconde au code de crimin. fàcril.

(†) Sacrilegii inftar eft dubitare an is dignus fit quem elegerit imperator, ibid. Cette loi a fervi de modele à celle de Roger, dans les conftitu. tions de Naples, tit. 4.

(4) La loi cinquieme, au code ad leg. Jul. maj. (9) Arcadius & Honorius.

l'hiftoire; deux princes qui furent menés par leurs miniftres, comme les troupeaux font conduits par les pafteurs; deux princes efclaves dans le palais, enfans dans le confeil, étrangers aux armées; qui ne conferverent l'empire, que parce qu'ils le donnerent tous les jours. Quelques-uns de ces favoris confpirerent contre leurs empereurs. Ils firent plus, ils confpirerent contre l'empire, ils y appellerent les barbares: & quand on voulut les arrêter, l'état étoit fi foible, qu'il fallut violer leur loi & s'expofer au crime de lefe - majesté pour les punir.

4

[ocr errors]

C'eft pourtant fur cette loi que fe fondoit le rapporteur de monfieur de CinqMars (**), lorfque, voulant prouver qu'il étoit coupable du crime de lefe - majesté pour avoir voulu chaffer le cardinal de Richelieu des affaires, il dit : Le crime ,, qui touche la perfonne des miniftres des » princes, eft réputé, par les conftitutions des empereurs, de pareil poids que celui qui touche leur perfonne. Un miniftre fert bien fon prince & fon état; on l'ôte à tous les deux; c'est comme fi l'on privoit le premier d'un bras (tt),

[ocr errors]

"

دو

دو

[ocr errors]

(**) Mémoires de Montréfor, tom. I.

[ocr errors][merged small]

(tt) Nam ipfi pars corporis noftri funt. Même loi au code ad leg. Jul. maj.

"

& le fecond d'une partie de fa puiffance. Quand la fervitude elle-même viendroit fur la terre, elle ne parleroit pas

[ocr errors]
[ocr errors]

autrement.

Une autre loi de Valentinien, Théodofe & Arcadius (44), déclare les faux - monnoyeurs coupables du crime de lefe-majefté. Mais n'étoit - ce pas confondre les idées des chofes ? Porter fur un autre crime le nom de lefe- majesté, n'eft-ce pas diminuer l'horreur du crime de lefe- majesté?

[ocr errors]
[ocr errors]

!

[ocr errors]

CHAPITRE IX.

Continuation du même fujet..

PAULIN ayant mandé à l'empereur Alexandre qu'il fe préparoit à pourfuivre comme criminel de lefe- majefté un juge qui avoit prononcé contre fes ordonnances; l'empereur lui répondit, » que dans un fiecle comme le fien, les crimes de majefté indirects n'avoient point de lieu (*).

"

Faus

(+) C'eft la neuvieme au code Théod. de falfà monetâ.

Etiam ex aliis cauffis majeftatis crimina cesfant meo faculo. Leg. 1, cod, ad leg. Jul. maj..cl

Faustinien ayant écrit au même empereur, qu'ayant juré, par la vie du prince, qu'il ne pardonneroit jamais à fon esclave; il fe voyoit obligé de perpétuer fa colere, pour ne pas fe rendre coupable du crime de lefe- majefté : Vous avez pris de vai,, nes terreurs (t), lui répondit l'empereur; & vous ne connoiffez pas mes maximes “.

כל

[ocr errors]

دو

Un fénatus- confulte (4) ordonna que celui qui avoit fondu des ftatues de l'empereur, qui auroient été réprouvées, ne feroit point coupable de lefe - majesté. Les empereurs Sévere & Antonin écrivirent à Pontius (S) que celui qui vendroit des statues de l'empereur non confacrées, ne tomberoit point dans le crime de lefe - majefté. Les mêmes empereurs écrivirent à Julius Caffianus, que celui qui jetteroit, par hazard, une pierre contre une ftatue de l'empereur, ne devoit point être poursuivi comme criminel de lefe- majefté (**). La loi Julie demandoit ces fortes de modifications: car elle avoit rendu coupables de lefe majefté, non-feulement ceux qui fon.

[ocr errors]

(†) Alienam fecta mea folicitudinem concepifti. Leg. 2, cod. ad leg. Jul. maj.

(4) Voyez la loi 4, au ff. ad leg. Jul. maj. (S) Voyez la lois, au ff. ad leg. Jul. maj. (**) Ibid.

fondoient les ftatues des empereurs, mais ceux qui commettoient quelque action femblable (tt); ce qui rendoit ce crime arbitraire. Quand on eut établi bien des crimes de lefe - majefté, il fallut néceffairement diftinguer ces crimes. Auffi le jurisconfulte Ulpien, après avoir dit que l'accufation du crime de lefe - majesté ne s'éteignoit point par la mort du coupable, ajoute-t-il, que cela ne regarde pas tous (4) les crimes de lefe - majesté établis par la loi Julie; mais feulement celui qui contient un attentat contre l'empire, ou contre la vie de l'empereur.

UNE

CHAPITRE X.

Continuation du même sujet.

NE loi d'Angleterre paffée fous Henri VIII, déclaroit coupable de haute trahifon tous ceux qui prédiroient la mort du roi. Cette loi étoit bien vague. Le defpotifme eft fi terrible, qu'il fe tourne

même

(tt) Aliudve quid fimile admiferint. Leg. 6. ff. ad leg. Jul. maj.

(+4) Dans la loi derniere, au ff. ad leg. Jul. maj.

« PreviousContinue »