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Mais l'idolâtrie a-t-elle son histoire? Nous ne le croyons pas. Rien de complet en ce genre! Un jour on l'écrira sans doute; car le vent des siècles qui passent, semble enfin soulever la poussière qui s'était accumulée sur ses éléments. Ce que nous savons c'est que, si nous nous prêtous à l'étudier sérieusement dans les monuments étranges et mystiques dont elle a semé, dont elle a écrasé la terre, notre curiosité découvre mille sources abondantes et inconnues; c'est que, de chaque point où elles jaillissent, nous voyons naître et courir sur des lignes parallèles à celles de l'erreur, l'histoire des vérités religieuses. Pour le moment, nous citerons comme exemple le langage révélateur qui parle à nos yeux attentifs, et qui semble s'échapper de la substance des pierres que la main des premiers hommes a dressées; pierres vraiment monumentales, et dont la mission fut d'annoncer aux siècles suivants l'existence et la violation d'une loi religieuse, c'est à dire de la règle à laquelle doit se soumettre toute intelligence humaine, lorsqu'elle veut progresser à la clarté de toutes ses lumières.

Ce n'est point que notre sujet nous séduise toujours par ses prévenances, ou par la vivacité de ses splendeurs. Il serait téméraire de le soutenir. Non nous ne pouvons contester que, de nos jours encore, cette fille de ténèbres et de passions, l'idolâtrie, vieille de tant de siècles, ne se soit fortement retranchée dans une portion d son dédale. Tournant une de ses faces du côté de la nuit, elle continue à jeter le sarcasme et le défi au visage de frivoles investigateurs. Les énigmes dont elle s'entoure, sont autant de sphynx qui dévorent toute patience chez l'homme qui marche vers elle le front rampant vers la matière. Mais, qu'un rayon d'en haut éclaire l'homme de progrès et de vérité, nous le verrons, guidé par des jalons épars et brisés, démêler les traces qu'elle a laissées, la poursuivre et l'atteindre aux pieds même du berceau où elle s'est enveloppée de ses premiers mystères.

Ces mystères, ce sont les mythes dont tous les peuples de la terre, dans toutes les régions du globe, ont affublé les traditions primitives. Car, partout où se rencontrent ces mythes, il suffit de les démasquer, pour reconnaître les traditions divines, faciles à démêler aux traits généraux dont la fiction n'a jamais pu totalement les dépouiller.

En effet, dans la prodigieuse bigarrure des croyances du paganisme, il est à peine un dogme idolâtre qui ne s'adapte, par une de ses faces, à la vérité primitive, centre commun de gravitation. Et, soit que nous considérions ces croyances dans leur isolement ou dans leur ensemble, les faits sur lesquels elles appuient leur marche, semblent se présenter avec une mission pareille, celle de placer sous les rayons de la lumière, ces trois vérités entourées des débris de tant de sys

tèmes Une seule famille humaine (1), une seule religion, un seul Dieu.

Mais quel est ce Dieu ? Est-ce le Dieu du catholicisme, le Dieu des chrétiens? Est-ce le Verbe qui s'incarna dans la chair, et dont ces mêmes chrétiens prétendent que le symbole tout particulier fut la pierre Beth-el, la pierre ointe? L'examen de cette proposition est de notre compétence, et renoue le fil direct de notre sujet.

(1) Vérité que prouve de son côté, par l'unité primitive des langues, le discours second de Wiseman: Rapports entre la science et la vérité révélée. — Il la démontre encore par l'Histoire naturelle de la race humaine, idem, discours troisième, premier volume.

CHAPITRE IV.

Idée des chrétiens sur la pierre Beth-el, et faits à l'appui.

Mais tournons les yeux du côté du christianisme! La pierre, et sans doute elle est le plus ancien symbole que la tradition mentionne, la pierre, c'était le symbole de la Divinité, mais surtout de la seconde personne de la Trinité chrétienne, ou du Christ promis comme Rédempteur au père de la race unique qui a peuplé le monde. Elle fut le symbole évident du Christ, et cela est in

contestable à partir du moment où la promesse du Messie fut réitérée au patriarche Jacob. Voici beaucoup en de mots! examinons :

peu

Dans tous les lieux où les colonies issues des fils de

Noé portèrent leurs pas, le souvenir de la promesse du Rédempteur se propagea. Bientôt la pierre devint, sous l'onction de Jacob, un symbole du Messie. Les Israélites ne purent s'y tromper, et le disciple du pharisien Gamaliel, saint Paul, le grand apôtre, donne à sa parole la précision la plus parfaite en nous rappelant cette tradition la pierre, dit-il, c'était le Christ!

Cependant, le flot successif des émigrations s'écoula et se répandit sur la surface du sol, en prenant sa source aux contrées qui avoisinaient la résidence des patriarches. Les émigrants emportèrent avec eux, dans leurs diverses étapes, cette idée, et surtout ce symbole, qui s'établit à leur suite sur le sol où ils s'implantèrent. Mais à mesure que l'homme s'abrutit, que l'intelligence se dégrada, le symbole matériel prévalut sur l'idée dont il n'avait été que le memento. De l'idée, bientôt il ne subsista plus que le signe, monument de la décadence de l'esprit, témoin accusateur de l'abaissement de l'intelligence et du triomphe des passions.

Que toute la question soit, pour le moment, de réunir et de coordonner les preuves que la pierre fut bien véritablement le symbole du Christ! De ces blocs consacrés si longtemps au mensonge, peut-être alors serait-il facile de reconstruire un édifice auguste en l'honneur de la vérité.

Le patriarche Jacob, né quinze ans avant la mort de

son aïeul Abraham (1), et fidèle, on peut se le figurer, aux leçons et aux croyances de ses pères, s'écrie après avoir parlé des tribulations de Joseph Mais son nom est sa force, ses bras et ses mains ont conservé leur souplesse par les mains du puissant Dieu de Jacob, d'où vient le pasteur, la pierre d'Israël (2).

Ailleurs, Jacob veut conserver le souvenir de sa fameuse vision, c'est-à-dire de l'échelle mystérieuse composée des trois degrés de la Divinité dans laquelle il a reconnu l'homme Dieu, médiateur entre son père et les enfants d'Abraham. Dans ce dessein, Jacob prend la pierre qui avait été sous sa tête, et qui devait figurer celui qui est le pain de vie. Sur cette pierre, il offre du vin, et y répandant de l'huile, il en fait un oint, c'est-àdire un Messie; car Messie, en hébreu, et Christ, en grec, signifient celui qui est oint (voyez la Genèse, xxxv, 14, 15). Puis il ajoute cette pierre, que j'ai érigée en monument, sera la maison de Dieu; ce qu'il exprime en lui donnant le nom de Beth-El.

Or, comment une seule pierre peut-elle être la maison de Dieu, si vous ne pensez qu'elle est la figure de l'oint divin qui dit de sa personne : détruisez ce temple, et, en trois jours, je le rebâtirai (3).

(4) Contemporain d'Abraham, d'après l'Art de vérifier les dates, l'an 2206 avant le Christ; et, selon le Sage, atlas, 1836 ans avant cette ère.

(2) Pastor egressus est lapis Israel, Genèse, XLIX, 24. Et ce puissant Dieu de Jacob, le peuple qu'il s'était choisi l'appelait lui-même son rocher (Liv. des Rois, xxu, vol. 2o, 5. Bible de Vence).

(3) Lettres d'un rabbin converti, vol. 2o, pages 494-495-196. Il le rebâtira par la résurrection; id. Harmonie entre l'Église et la synagogue. Voyez sur cette pierre encore, saint Jérôme, Lettres : tome 2o,

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