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Beth-el. Il y avait done, dans leur opinion, des Dieux revêtus de la forme de la pierre.

A côté de cette croyance qui se propageait, l'observation fesait connaître aux contemplateurs assidus du cours des astres, c'est-à-dire à ceux qui, déjà, s'étaient proclamés les adorateurs des corps célestes, un phénomène dont personne aujourd'hui n'ignore l'existence. C'est que des pierres qui s'embrasent dans les hautes régions de l'air,— et qui proviennent, nous ne savons de quelle origine (4), tombent sur notre planète en affectant dans leur chute la forme d'étoiles filantes. Ce sont là les pierres que la science appelle de nos jours les aérolithes ou les Bolides.

Or, puisqu'il y avait des pierres-Dieu, et puisque les étoiles, qui étaient reconnues pour Divinités, tomba ent de la voûte des cieux et laissaient des pierres à la place où elles avaient frappé le sol en s'éteignant, il devenait incontestable, pour les Sabéistes, que dieux étaient des astres descendus d'en haut sous la substance de la pierre, afin de se placer à la portée des mortels.

les

Mais, à côté du Sabéisme, la religion du Naturalisme venait d'éclore. L'oeuf et les organes de la génération étaient les emblèmes qu'elle s'était attribués, et cela bien naturellement; car, si tout être qui vit ne sort point sensiblement de là, d'où sort-il?

Cette religion, dont la conséquence prochaine et

(1) Ici les savants se combattent : Lire la Cosmogonie de Moïse, et De la Création de la Terre, par M. Marcel de Serres, excellents ouvrages, chez Lagny frères, Paris.

rigoureuse était le panthéisme (1), eut cependant l'inconséquence d'adopter des Dieux particuliers, quoique le Sabéisme, aussi, lui prêtât fréquemment les siens. Mais ce fut, de la part du Naturalisme, à la condition d'y apposer l'empreinte de son cachet. Sous la loi de cet accord fraternel, la pierre Beth-el, ou le Bétyle aérolithe, revêtit donc la forme symbolique de l'œuf, puis encore la figure plus ou moins adoucie du Phallus, ou du Lingam, c'est-à-dire de l'organe måle générateur. Quelquefois cette empreinte était celle du Ctéïs, ou du Mullos, équivalent à celle du Yoni, qui est l'organe générateur femelle. Enfin, et assez souvent encore, le Phallus et le Ctéïs s'associèrent dans ces figures obscènes, que l'Asie continue d'adorer de nos jours sous le nom du Dieu Yoni-Lingam! Car, il faut le dire avant de le développer, voilà presque les premiers Dieux que façonna la main de l'homme; et le culte de ces Dieux se conforma rapidement aux idées que provoquait leur lubrique image.

Un peu plus tard, l'art intervint; et, tantôt il déguisa l'obscène idée sous la mysticité de certaines figures conventionnelles; tantôt il sut la mitiger en la perdant, avec plus ou moins de convenance, dans l'ensemble de la forme humaine. Alors le Beth-el-Phallus s'allongea, devint cône, cippe, colonnette, obélisque; ou plutôt il se fit gaîne et prit une tête; puis des pieds sortirent de sa base! Les organes générateurs reparurent, il est vrai, avec une énergique affectation au milieu de cette

(1) Doctrine qui se résume à peu près dans ces mots : Dieu est tout ce qui est; tout ce qui est, fait partie de Dieu, en sort, en émane, y rentre.

pierre; mais ils amoindrirent enfin leur importance, souvent brutale encore, en se bornant à tenir leur place dans l'ordre des membres humains. On les vit donc reproduire les deux sexes en un, dans le symbole de la Divinité hermaphrodite, ou ne s'offrir que tour à tour pour en représenter un seul.

En un mot, les Dieux redevinrent statues comme dans le principe de l'adoration des simulacres; car les premiers objets du culte idolâtre avaient été les images d'hommes célèbres reproduites et consacrées par leurs familles ou par leurs sujets. Il convient d'ajouter que les premiers adorateurs qui se prosternèrent devant les images de ces hommes sur la terre, paraissent les avoir identifiés dans le firmament avec les astres, de telle sorte que les premiers de tous les idolâtres auraient appartenu à la religion du Sabéisme (1).

Ce cercle parcouru à vol d'éclair, voilà, nous dirat-on peut-être, bien peu de lignes et beaucoup de choses; mais beaucoup de choses très-hasardées. Nous comprenons qu'il ne suffit point de les avancer ou de les exposer isolément et dans leur ingrate sécheresse. Il faut que, procédant avec le lecteur dans les voies ardues et ténébreuses où nous l'engageons, nous appelions à notre aide toute sa complaisante attention. Tenant le flambeau de l'histoire, et maniant à propos le levier du raisonnement, nous marcherons l'un et l'autre de concert, et nous avancerons en vigilants explorateurs. Apprenant, sur un sol presque vierge et inhospitalier, à nous faire arme de tout bois, nous

(1) C'est ce que nous verrous plus bas.

fortifierons, chemin fesant, l'une par l'autre, les conjectures, les probabilités et les preuves incontestables au milieu desquelles les difficultés du parcours nous forceront à prendre position. Sans doute, que, tout à coup, le moment viendra où, frappée par la baguette magique de la vérité, la pierre, semblable à celle de Moïse dans le désert, laissera s'échapper pour nous, sous les rayons de la lumière, les sources abondantes d'une eau vive.

Cependant, notre but étant de poursuivre, à la faveur de l'occasion, un certain nombre de vérités que nous nous attendons à rencontrer sur la ligne tracée par notre route, permettons-nous, au sujet de la multiplicité des religions, une remarque dont le souvenir devra souvent tenir nos yeux ouverts et attentifs. C'est qu'en portant son attention sur la foi, sur le culte des différents peuples, l'esprit investigateur saisit et démêle l'origine de leur sang.

Le monde idolâtre offre, en effet, à notre examen, des croyances qui sont ou simplement collatérales les unes des autres, ou d'une filiation manifeste. Ces croyances progressent ou s'avancent dans les régions qu'elles envahissent, soit avec des peuples issus d'un comunun patriarche, soit avec des peuples engendrés les uns des autres. Enlacées qu'elles sont aux plus antiques annales de ces nations, elles accusent donc une source identique à celle des hommes qui les propagent, ce qui est dire, évidemment, une même patrie originaire.

Comparer, suivre les déviations de ces croyances en remontant leur cours, et passer de leurs embranchements divers à leur artère principale, c'est remonter de la diversité vers l'unité; c'est fortifier en soi, à chaque

pas, la conviction de l'existence d'une foi primitive et unique. Ces paroles équivalent à dire que la généalogie des croyances devient celle des peuples, qui leur ont donné pour véhicule leur propre courant, et qui, par conséquent, aboutissent comme ces croyances à une

source commune.

Mais aussi, à mesure que la vérité se corrompait et subissait les envahissements de l'erreur, des nations séparées depuis longtemps d'une même souche mêlaient leurs croyances dégénérées en mêlant leur sang, par le fait de colonisations qui les constituaient en état de voisinage, ou par suite d'invasions qui confondaient le victorieux et le vaincu. De là des composés nouveaux et une confusion étrange; de là les difficultés des recherches et les efforts nécessaires du discernement, mais non pas l'insolubilité du problème.

Et ne nous imaginons point qu'il soit indifférent d'admettre que la généalogie des croyances démontre, en même temps que leur unité d'origine, celle des nations. de la terre. Car, si cette vérité vient à briller, nous voyons l'invention de la multiplicité des races humaines s'évaporer comme un brouillard qui n'attendait, pour cesser d'être, que la chaleur et la lumière du jour. Ce n'est plus même une vision décevante; c'est une apparition bizarre dont l'oeil suit les caprices sans s'y tromper, au milieu des régions et des labyrinthes de la science. Quiconque, joignant la rectitude du cœur à celle de l'esprit, multipliera les recherches sur ce point, verra se multiplier à chaque pas les clartés de cette évidence.

Mais, sans nous aventurer d'abord, avec une témé

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