enfantés, avec une douleur infinie pour moi. Quand ils le veulent, ils rentrent dans le sein qui les nourrit; ils hurlent et rongent mes entrailles, leur festin; puis sortant derechef, ils m'assiègent de si vives terreurs, que je ne trouve ni repos ni relâche. « Devant mes yeux, assise en face de moi, l'effrayante Mort, mon fils et mon ennemi, excite ces chiens. Et moi, sa mère, elle m'auroit bientôt dévorée, faute d'une autre proie, si elle ne savoit que sa fin est enveloppée dans la mienne, si elle ne savoit que je deviendrai pour elle un morceau amer, son poison, quand jamais cela arrivera: ainsi l'a prononcé le destin. Mais toi, ô mon père, je t'en préviens, évite sa flèche mortelle; ne te flatte pas vainement d'être invulnérable sous cette armure brillante, quoique de trempe céleste : car à cette pointe mortelle, hors celui qui règne là-haut, nul ne peut résister. » Elle dit; et le subtile ennemi profite aussitôt de la leçon; il se radoucit, et répond ainsi avec calme : « Chère fille, puisque tu me réclames pour ton père et que tu me fais voir mon fils si beau (ce cher gage des plaisirs que nous avons eus ensemble dans le Ciel, de ces joies alors douces, aujourd'hui tristes à rappeler à cause du changement cruel tombé sur nous d'une manière imprévue, et auquel nous n'avions pas pensé), chère fille, apprends que je ne viens pas en ennemi, mais pour vous délivrer de ce morne et affreux séjour des peines, vous deux, mon fils et toi, et toute la troupe des esprits célestes qui, pour nos justes prétentions armés, tombèrent avec nous. Envoyé par eux, j'entreprends seul cette rude course, m'exposant seul pour tous; je vais poser mes pas solitaires sur l'abîme sans fond, et, dans mon enquête errante, chercher à travers l'immense vide s'il ne seroit pas un lieu prédit, lequel, à en juger par le concours de plusieurs signes, doit être maintenant créé vaste et rond. C'est un séjour de délices, placé sur la lisière du Ciel, habité par des êtres de droite stature, destinés peut-être à remplir nos places vacantes; mais ils sont tenus plus éloignés, de peur que le Ciel, surchargé d'une puissante multitude, ne vînt à exciter de nouveaux troubles. Que ce soit cela, ou quelque chose de plus secret, je cours m'en instruire; le secret une fois connu, je reviendrai aussitôt, et je Vous transporterai, Toi et la Mort, dans un séjour où vous demeurerez à l'aise, où en haut et en bas vous volerez silencieusement, sans être vus, dans un doux air embaumé de parfums. Là vous serez nourris et repus sans mesure; tout sera votre proie. »> 11 se tut, car les deux formes parurent hautement satisfaites, et la Mort grimaça horrible un sourire épouvantable, en apprenant que sa His famine should be fill'd, and bless'd his maw To sit in hateful office, here confined, With terrors and with clamors compass'd round With impetuous recoil and jarring sound She open'd, but to shut Excell'd her power; the gates wide open stood, So wide they stood, and like a furnace mouth Cast forth redounding smoke and ruddy flame. Without dimension, where length, breadth, and height, And Chaos, ancestors of Nature, hold faim seroit rassasiée; elle bénit ses dents, réservées à cette bonne heure d'abondance. Sa mauvaise mère ne se réjouit pas moins, et tint ce discours à son père: « Je garde la clef de ce puits infernal par mon droit, et par l'ordre du Roi tout-puissant du Ciel; il m'a défendu d'ouvrir ces portes adamantines contre toute violence la Mort se tient prête à interposer son dard, sans crainte d'être vaincue d'aucun pouvoir vivant. Mais que dois-je aux ordres d'en haut, au commandement de celui qui me hait, et qui m'a poussée ici en bas dans ces ombres du profond Tartare, pour y demeurer assise dans un emploi odieux, ici confinée, moi habitante du Ciel et née du Ciel, ici plongée dans une perpétuelle agonie, environnée des terreurs et des clameurs de ma propre géìture, qui se nourrit de mes entrailles? Tu es mon père, tu es mon auteur, tu m'as donné l'être : à qui dois-je obéir, si ce n'est à toi? Qui dois-je suivre? Tu me transporteras bientôt dans ce nouveau monde de lumière et de bonheur, parmi les dieux qui vivent tranquilles, où voluptueuse, assise à ta droite, comme il convient à ta fille et à ton amour, je régnerai sans fin. >> Elle dit, et prit à son côté la clef fatale, triste instrument de tous nos maux; et, traînant vers la porte sa croupe bestiale, elle lève sans délai l'énorme herse qu'elle seule pouvoit lever, et que toute la puissance stygienne n'auroit pu ébranler. Ensuite elle tourne dans le trou de la clef les gardes compliquées, et détache sans peine les barres et les verrous de fer massif ou de solide roc. Soudain volent ouvertes, avec un impétueux recul et un son discordant, les portes infernales : leurs gonds firent gronder un rude tonnerre, qui ébranla le creux le plus profond de l'Erèbe. Le Péché les ouvrit, mais les fermer surpassoit son pouvoir; elles demeurent toutes grandes ouvertes : une armée, ailes étendues, marchant enseignes déployées, auroit pu passer à travers avec ses chevaux et ses chars rangés en ordre sans être serrés; si larges sont ces portes! comme la bouche d'une fournaise, elles vomissent une surabondante fumée et une flamme rouge. Aux yeux de Satan et des deux Spectres apparoissent soudain les secrets du vieil abîme: sombre et illimité océan, sans borne, sans dimension, où la longueur, la largeur et la profondeur, le temps et l'espace sont perdus, où la Nuit aînée et le CHAOS, aïeux de la nature, Eternal anarchy, amidst the noise Of endless wars, and by confusion stand. For hot, cold, moist, and dry, four champions fierce, Strive here for mastery, and to battle bring Their embryon atoms; they around the flag Of Barca or Cyrene's torrid soil, Levied to side with warring winds, and poise Their lighter wings. To whom these most adhere, He rules a moment: Chaos umpire sits, And by decision more embroils the fray By which he reigns: next him, high arbiter, Into this wild abyss, Great things with small) than when Bellona storms, Of heaven were falling, and these elements In mutiny had from her axle torn The stedfast earth. At last his sail-broad vans Thence many a league, As in a cloudy chair, ascending rides Audacious; but, that seat soon failing, meets A vast vacuity: all unawares Fluttering his pennons vain, plumb down he drops Down had been falling, had not by ill chance maintiennent une éternelle anarchie au milieu du bruit des éternelles guerres, et se soutiennent par la confusion. Le chaud, le froid, l'humide et le sec, quatre fiers champions, se disputent la supériorité, et mènent au combat leurs embryons d'atomes. Ceux-ci, autour de l'enseigne de leurs factions, dans leurs clans divers, pesamment ou légèrement armés, aigus, émoussés, rapides ou Tents, essèment leurs populations, aussi innombrables que les sables de Barca ou que l'arène torride de Cyrène, enlevés pour prendre parti dans la lutte des vents, et pour servir de lest à leurs ailes légères. L'atome auquel adhèrent un plus grand nombre d'atomes gouverne un moment. Le Chaos siège surarbitre, et ses décisions embrouillent de plus en plus le désordre par lequel il règne : après lui, juge suprême, le Hasard gouverne tout. Dans ce sauvage abime, berceau de la nature, et peut-être son tombeau; dans cet abîme qui n'est ni mer, ni terre, ni air, ni feu, mais tous ces éléments qui, confusément mêlés dans leurs causes fécondes, doivent ainsi se combattre toujours, à moins que le toutpuissant Créateur n'arrange ses noirs matériaux pour former de nouveaux mondes; dans ce sauvage abîme, Satan, le prudent ennemi, arrêté sur le bord de l'Enfer, regarde quelque temps: il réfléchit sur son voyage, car ce n'est pas un petit détroit qu'il lui faudra traverser. Son oreille est assourdie de bruits éclatants et destructeurs non moins violents (pour comparer les grandes choses aux petites) que ceux des tempêtes de Bellone quand elle dresse ses foudroyantes machines pour raser quelque grande cité; ou moins grand seroit le fracas si cette structure du Ciel s'écrouloit, et si les éléments mutinés avoient arraché de son axe la terre immobile. Enfin, Satan, pour prendre son vol, déploie ses ailes égales à de larges voiles; et enlevé dans la fumée ascendante, il repousse du pied le sol. Pendant plusieurs lieues porté comme sur une chaire de nuages, il monte audacieux; mais ce siége lui manquant bientôt, il rencontre un vaste vide : tout surpris, agitant en vain ses ailes, il tombe comme un plomb à dix mille brasses de profondeur. Il seroit encore tombant à cette heure si par un hasard malheureux la forte explosion de quelque nuée tumultueuse imprégnée de feu et de nitre ne l'eût rejeté d'autant de milles en haut. Cet orage s'arrêta, éteint dans une syrte spongieuse, qui n'étoit ni mer ni terre sèche. Satan, presque englouti, traverse la substance crue, moitié à pied, moitié en volant; il lui faut alors rames et voiles. Un griffon, dans le désert, poursuit d'une course |