» Ses flancs sont ceux d'un loup; et de ce monstre, enfin, » La queue en s'alongeant se termine en dauphin. » Il vaut mieux t'éloigner, et, rasant la Sicile, » Prolonger tes détours et ta lenteur utile, » Pour atteindre le but, l'éviter avec art, » Et près de Pachinum, par un prudent écart, » Dans ton cours prolongé décrire un arc immense, » Que d'aller, de Charybde affrontant l'inclémence, » Braver ses tourbillons, ses gouffres écumans, » Et de ses chiens hideux les rauques hurlemens. » Enfin, dans l'avenir s'il m'est permis de lire, » Hélénus ne peut trop le dire et le redire: » Junon fit tous tes maux et les prolonge tous: » De la reine des dieux désarme le courroux; » N'épargne point l'encens, les vœux, ni la prière: » Ainsi tu fléchiras cette déesse altière, » Et tes vaisseaux vainqueurs, des bords Siciliens » Parviendront sans obstacle aux ports Ausoniens. » Vainqueur enfin des mers, d'autres soins te demandent; » Des antres Cuméens les oracles t'attendent; » Il faut franchir l'Averne, et, dans ses sombres bois, » De l'antique Sibylle interroger la voix. » Au pied de son rocher, sur des feuilles légères, » Elle écrit nos destins en légers caractères, » En dispose les mots; et, sitôt que sa main » En a rangé la suite en un ordre certain, Vela vocet, possisque sinus implere secundos, Et quo quemque modo fugiasque ferasque laborem, Expediet; cursusque dabit venerata secundos: Hæc sunt quæ nostrâ liceat te voce moneri. Vade age, et ingentem factis fer ad æthera Trojam. Quæ postquam vates sic ore effatus amico est, Dona dehinc auro gravia, sectoque elephanto, Imperat ad naves ferri, stipatque carinis » Elle ferme sur eux sa caverne tranquille. » Là, l'oracle repose et demeure immobile. » Mais si la porte, ouverte aux zéphirs indiscrets, » De ce livre mouvant leur livre les secrets, » Ils volent dispersés sous les roches profondes. » Elle, au lieu d'assembler leurs feuilles vagabondes, » De sès oracles vains, aux vents abandonnés, » Laisse errer au hasard les mots désordonnés; » Et qui vient consulter sa réponse inutile, » Maudit en s'éloignant l'antre de la Sibylle. » Évite ce malheur. En vain, malheur. En vain, de ton départ, » Les tiens impatiens accusent le retard; > En vain le vent t'appelle, en vain le temps te » Toi-même va trouver, consulter la prêtresse; » Qu'elle-même te parle, et, de ses rocs profonds, » Laisse échapper pour toi ses prophétiques sons, » Te dise tes dangers et tes guerres futures, » Et tout ce long tissu d'illustres aventures, presse; » Ce qu'il faut craindre encor, ce qu'il faut surmonter, » Et quels peuples enfin te restent à dompter. » Tel du sort à mes yeux le livre se déploie : » Va, pars, et porte au ciel les grands destins de Troie. »> Il dit, et fait tirer de son riche trésor Un vaste amas d'airain, d'argent, d'ivoire et d'or; Où l'or à triple maille avec art s'entrelace; Ingens argentum, Dodonæosque lebetas, Remigium supplet; socios simul instruit armis. Nec minus Andromache, digressu mæsta supremo, Fert picturatas auri subtemine vestes, Et Phrygiam Ascanio chlamydem; nec cedit honori: Un casque aux crins flottans, armuré de Pyrrhus, « Mortel chéri des dieux, époux d'une déesse, » D'ici ton œil la voit, ton espoir la possède; » Mais, pour atteindre au lieu que le Destin te cède, » Adieu: mes souvenirs vous suivront sur les eaux. >> |