Page images
PDF
EPUB

prétention de la vanité, qui même va contre fon but. Vous voulez faire durer votre nom & le conferver dans le même éclat. Eh bien, félicitez-vous donc d'avoir beaucoup d'enfans; chacan d'eux va étendre votre famille d'une branche nouvelle. Mais, fi vous voulez que toutes ces branches profpèrent, nourriffez-les également, diftribuez-leur à toutes la même sève. Il est donc abfurde d'enrichir un aîné aux dépens de tous 'es autres enfans. Cela n'eft bon qu'à féparer dans vos enfans la richeffe & la gloire. Celui que vous faites riche négligera la gloire pour les plaifirs; ce font ceux que vous faites pauvres, qui, ayant leur fortune à faire, acquerront du mérite, & parlà eux feuls ajouteront à l'honneur de ce nom que vous voulez perpétuer; eux feuls fatisferont à vos nobles defirs, pendant qu'un autre en recueillera la récompense.

[ocr errors]

Il est vrai que ce motif d'inégalité fubfifte contre les filles, qui, en entrant dans une famille étrangère, en prennent le nom. Mais, parce qu'elles perdent votre nom, ne font elles plus vos enfans? ne font elles plus dans votre famille? Les membres d'une famille ne fe tiennent ils que par cet intérêt de la vanité ? Peuton lui préférer celui de la patrie? Et celui-ci n'eft-il pas charmé qu'il y ait beaucoup de maria ges, & que les fortunes fe divifent beaucoup, pour détruire à la fois les maux qui naiffent de Populence & ceux qui naiffent affez fouvent de la misère? Le devoir de la loi n'eft-il pas de prendre le foible fous fa protection, de lui rendre d'un côté ce qu'elle eft obligée de lui ôter de l'antre? Or, tous les emplois de la fociété, tous les moyens d'acquérir de la fortune, ainfi que de la gloire, font réfervés aux hommes. Il auroit donc fallu, pour dédommager les femmes, leur donner tous les biens de fucceffion. Voilà quelle feroit dans ce point une inégalité jufte & politique. C'eft aux frères à réparer le malheur de leurs foeurs, puifqu'il n'a lieu qu'à leur profit. Ce qui elt permis par la loi n'eft pas toujours honnête en Morale. Comment un homme de bien peut-il réduire fes foeurs à la plus chéfive fubfiftance, les priver d'un établissement, les forcer, par la trifteffe de leur fituation, de regarder un cloître comme leur unique asyle?

En leur rendant de la fortune; en leur procurant, par de fi juttes facrifices, des manages dignes d'elles, un bon frère fe fera encore un devoir d'être leur protecteur contre tout ce qui pourroit les opprimer, & un ami délicat & attentif dans toutes les occafions. Il s'occupera de leurs plaifirs, comme de leurs intérêts; en cherchant à plaire à leur fexe, il commencera par elles. Eh! pour qui doit-on être plus aimable que pour les perfonnes toutes prêtes à nous aimer Je lui promets pour récompenfe la plus vive des reconnoillances & le plus rendre

des attachemens. S'il eft des bienfaits qui puiffent être profondément fentis, ce font ceux-ci. S'il eft des coeurs qui aient beaucoup à donner, ce font ceux qui ont eu beaucoup à fouffrir.

FRIVOLITÉ, f. f. Elle eft dans les objets, elle eft dans les hommes. Les objets font frivoles, quand ils n'ont pas néceffairement rapport au bonheur & à la perfection de notre être. Les hommes font frivoles, quand ils s'occupent férieufeinent des objets frivoles, ou quand ils traitent légèrement les objets férieux. On eft frivole, parce que l'on n'a pas affez d'étendue & de jufteffe dans l'efprit pour mesurer le prix des chofes, du tems, & de fon exiftence. On eft frivole par vanité, lorfqu'on veut plaire dans le monde, où on eft emporté par l'exemple & par l'ufage; lorfqu'on adopte par foibleffe les goûts & les idées du grand nombre; lorfqu'en imitantfrivole, lorsqu'on eft fans paffions & fans ver& en répétant on croit fentir & penfer. On eft tus: alors, pour fe délivrer de l'ennui de chaque jour, on fe livre chaque jour à quelqu'amufement qui ceffe bientôt d'en être un; on fe recherche fur les fantaifies, on eft avide de fans méditer, fans s'éclairer; le coeur refte nouveaux objets, autour defquels l'efprit vole phie, des maîtreffes, des affaires, des beaux vuide au milieu des fpectacles, de la Philofoarts, des magots, des foupers, des amusemens, des faux devoirs, des differtations, des bons mots, & quelquefois des belles actions.

de vrais talens & l'amour des vertus, elle déSi la frivolité pouvoit exifter long tems avec truiroit l'un & l'autre ; l'homme honnête & fenfé fe trouveroit précipité dans l'ineptie & dans la dépravation.

remède contre la frivolité; l'étude de leurs deIl y aura toujours pour tous les hommes un voirs comme hommes & comme citoyens. (Ane. Enc.)

de vie. Le docteur Cumberland la définit une FRUGALITÉ, f. f., fimplicité de mœurs & forte de juftice, qui dans la fociété confifte à conferver, & qui a pour difpofitions contraires, d'un côté la prodigalité envers des particuliers, & de l'autre une fordide avarice.

On entend ordinairement par la frugalité la tempérance dans le boire & le manger; mais cette vertu va beaucoup plus loin que la fobriété; elle ne regarde pas feulement la table, elle porte fur les mœurs, dont elle est le plus ferme appui. Les lacédémoniens en faifoient profeflion expreffe ; les Curius, les Fabricius & les Camilles ne méritèrent pas moins de louan

[ocr errors]

ges à cet égard, que par leurs grandes & belles victoires. Phocion s'acquit le titre d'homme de bien par la frugalité de fa vie; conduite qui lui procura les moyens de foulager l'indigence, de fes compatriotes, & de doter les filles vertueufes que leur pauvreté empêchoit de s'établir.

[ocr errors]

Je fais que, dans nos pays de fafte & de vanité, la frugalité a bien de la peine à maintenir un rang eftimable: quand on n'eft touché que de l'éclat de la magnificence, on est peu difpofé à louer la vie frugale des grands hommes, qui paffoient de la charrue au commandement des armées ; & peut-être commençons - nous à les dédaigner dans notre imagination. La raifon néanmoins ne voudroit pas que nous en ju geaffions de la forte ; & puifqu'il ne feroit pas à propos d'attribuer à la libéralité les excès des prodigues, il ne faut pas non plus attribuer à la fiugalité la honte & les baffeffes de l'avarice.

C'est vouloir dégrader étrangement les vertus, que de dire avec un Laberius, frugalitas miferia eft rumoris boni; ou de répéter avec faint Evremont : « La frugalité tant vantée des romains n'étoit pas une abftinence volontaire des chofes fuperflues, mais un ufage néceffaire & groffier de ce qu'ils avoient.

3

ceux qui envient ou qui admirent le luxe desautres qui vanteront la frugalité des gens qui n'ont devant les yeux que des hommes riches ou des hommes auffi miférables qu'ils le font, détestent leur misère, fans aimer & fans connoître ce qui fait le terme de la misère.

L'amour de la frugalité est excité par la fruga lité; & c'eft alors qu'on en fent les précieux avantages: cet amour de la frugalité bornant le defir d'avoir, à l'attention que demande le néceffaire pour fa famille, réferve le fuperflu pour le bien de fa patrie. Auffi les fages démocraties en recommandant, en établiffant pour loi fon-mentale la frugalité domeftique, ont ouvert la porte aux dépenfes publiques à Athènes & à Rome: pour lors la magnificence naiffoit du fein de la frugalité même ; & comme la religion, ajoute M. de Montefquieu, demande que l'on ait les mains pures pour faire des offrandes aux dieux, les loix vouloient des mœurs frugales pour que l'on pût donner à sa patrie. (Ancienne Enc.)

FUREUR, f. f. Il fe dit au fingulier des paffions violentes: c'en eft le degré extrême; il aime à la fureur. Mais il eft propre à la colère.' Au pluriel, l'acception du terme change un peu. I paroît marquer plutôt les effets de la paffion que fon degré exemple, les fureurs de la jalousie, les fureurs d'Orefte. On dit, par taphore, que la mer entre en fureur; c'eft lorfque l'on voit fes eaux s'agiter, fe gonfler, & qu'on les entend mugir au loin. Quand on dit la fureur des vents, on les regarde comme des êtres animés & violens.

Rendons plus de juftice au tems des beaux jours de la république romaine, à ce Fabricius, par exemple, ce Curius & ce Camille dont j'ai parlé. Les uns & les autres, fachant fe borner à l'héritage de leurs ancêtres, ne furent point tentés de changer l'ufage groffier de ce qu'ils poffédoient, pour embraffer le fuperflu. Le premier refufa fans peine les offres magnifiques qu'on lui fit de la part de Pyrrhus; le fecond méprifa tout l'argent qui lui fut préfenté par les famnites ; le troifième confacra dans le temple de Jupiter tout l'or qu'il avoit pris à la défaite des gaulois. Nourris tous les trois felon fes règles de l'austère frugalité, ils furent les reffources de leur patrie dans les guerres périlleufesaifément enthoufiafte que l'orateur qui écrit, & • qu'elle eut à foutenir.

Le luxe & la fomptuofité font dans un état ce que font dans un vaiffeau les peintures & les ftatues dont il est décoré: ces vains ornemens raffûrent auffi peu l'état engagé dans une guerre cruelle, qu'ils raffurent les paffagers d'un vaiffeau, quand il eft menacé de la tempête. V. LUXE & FORTUNE.

Pour fentir le prix de la frugalité, il faut en jouir; ce ne feront point ceux qui font corrompus par les délices, dit l'auteur de l'esprit des loix, qui aimeront la vie frugale; & fi cela avoit été commun, Alcibiade n'auroit pas fait l'admiration de l'univers. Ce ne feront pas non plus

Il y a une fureur particulière qu'on appelle fu reur poétique ; c'est l'enthousiasme. Il femble que l'artifte devroit concevoir cette fureur avec d'autant plus de force & de facilité, que fon génie eft moins contraint par les règles. Cela fuppofé, l'homme de génie qui converse, deviendroit plus

celui-ci plus aifément encore que le poëte qui
compofe. Le muficien qui tient un inftrument
& qui le fait réfonner fous fes doigts, feroit
plus voifin de cette espèce d'ivreffe, que le
peintre qui eft devant une toile muette. Mais
Penthousiasme n'appartient pas également à tous
ces genres, & c'est la raifon pour laquelle la
chofe n'eft pas comme on croiroit d'abord qu'elle
doit être. Il eft plus effentiel au muficien d'étre
enthousiaste qu'au poëte, au poëte qu'au peintre,
au peintre qu'à l'orateur, & à l'orateur qu'à
l'homme qui converfe. L'homme qui converse ne
doit pas être froid, mais il doit être tranquille.

FUREUR, divinité allégorique du genre mafculin chez les romains, parce que furor, dans la

langue latine eft de ce genre. Les poëtes repréfentent ce dieu allégorique, la tête teinte de fang, le vifage déchiré de mille plaies, & couvert d'un cafque tout fanglant; ce dieu, ajoutent ils, eft enchaîné pendant la paix, les mains liées derrière le dos, affis fur un amas d'armes, frémiffant de rage, & pendant la guerre ravageant out, après avoir rompu fes chaines. Voici la defcription qu'en fait Pétrone dans fon poëme de guerre civile entre Céfar & Pompée.

[merged small][ocr errors]

430

G.

L'amour malheureux exclut la galanterie; les idées qu'elle infpire demandent de la liberté d'ef prit; & c'eft le bonheur qui la donne.

Les hommes véritablement galans font devenus rares; ils femblent avoir été remplacés par ane efpèce d'hommes avantageux, qui, ne mettant que de l'affectation dans ce qu'ils font, parce qu'ils n'ont point de graces, & que du jargon dans ce qu'ils difent , parce qu'ils n'ont point d'efprit, ont fubftitué l'ennui de la fadeur aux charmes de la galanterie.

GAIETÉ, f. f. La gaieté eft le don te plus | parce qu'elle n'a plus lieu entre les époux, que heureux de la nature. C'est la manière la plus l'amour ceffe ? agréable d'exifter pour les autres & pour foi, Elle tient lieu d'efprit dans la fociété, & de compagnie dans la folitude. Elle eft le premier charme de la jeuneffe, & le feul agrément de l'âge avancé. Elle ett oppofée à la trifteffe, comme Ja joie l'eft au chagrin. La joie & le chagrin font des fituations; la trifteffe & la gaieté font des Caractères. Mais les caractères les plus fuivis font fouvent diftraits par les fituations; & c'eft ainfi qu'il arrive à l'homme trifte d'être ivre de joie, & à l'homme gai, d'être accablé de chagrin. On trouve rarement la gaieté où n'eft pas la fanté. Scarron étoit plaifant; j'ai peine à croire qu'il fût gai. La véritable gaieté femble circuler dans les veines avec le fang & la vie. Elle a fouvent pour compagnes l'innocence & la liberté. Celle qui n'est qu'extérieure ett une fleur artificielle qui n'eft faite que pour tromper les yeux. La gaieté doit préfider aux plaifirs de la table; mais il fuffit fouvent de l'appeller pour la faire fuir. On la promet par-tout, on l'invite à tous les foupers, & c'eft ordinairement l'en nui qui vient. Le monde eft plein de mauvais plaifans, de froids bouffons, qui fe croient gais parce qu'ils font rire. Si j'avois à peindre en un feul mot la gaieté, la raison, la vertu & la volupté réunies, je les appellerois philofophie. (Ane, Enc.)

[merged small][ocr errors]

On dit que tous les hommes de la cour font polis; en fuppofant que cela foit vrai, il ne l'eft pas que tous foient galans.

L'ufage du monde peut donner la politeffe commune: mais la nature donne feule ce caxactère féduifant & dangereux, qui rend un homme galant, ou qui le difpofe à le devenir.

On a prétendu que la galanterie étoit le léger, le délicat, le perpétuel menfonge de l'amour, Mais peut-être l'amour ne dure-t il que par les Secours que la galanterie lui prête feroit ce

Chez les fauvages, qui n'ont point de gouvernement réglé, & qui vivent prefque fans être vêtus, l'amour n'eft qu'un befoin, Dans un état où tout eft efclave, il n'y a point de galanterie, parce que les hommes y font fans liberté & les femmes fans empire. Chez un peuple libre, on trouvera de grandes vertus, mais une politeffe rude & groffière : un courtifan de la cour d'Augufte feroit un homme bien fingulier pour une de nos cours modernes. Dans un gouverne ment où un feul eft chargé des affaires de tous, citoyen oifif, placé dans une fituation qu'il ne fauroit changer, penfera du moins à la rendre fupportable; & de cette néceffité commune naîtra une fociété plus étendue; les femmes y auront plus de liberté; les hommes fe feront une habi tude de leur plaire ; & l'on verra fe former peu à-peu un art qui fera l'art de la galantere alors la galanterie répandra une teinte générale fur les mœurs de la nation & fur fes productions en tout genre; elles y perdront de la grandeur & de la force, mais elles y gagneront de la douceur, & je me fais quel agrément original que les autres peuples tâcheront d'imiter, & qui leur donnera un air gauche & ridicule.

Il y a des hommes dont les moeurs ont tenu toujours plus à des fyftêmes particuliers qu'à la conduite générale; ce font les philofophes : on leur a reproché de n'être pas galans; & il faut avouer qu'il étoit difficile que la galanterie s'allit chez eux avec l'idée févère qu'ils ont de la vérité.

Cependant le philofophe a quelquefois cet avantage fur l'homme du monde, que, s'il lui échappe un mot qui foit vraiment galaat, le

contrafte du mot avec le caractère de la perfonne, le fait fortir & le rend d'autant plus flateur.

2o. La galanterie, confidérée comme un vice du cœur, n'est que le libertinage auquel on a donné un nom honnête. En général, les peuples ne manquent guère de mafquer les vices communs par des dénominations honnêtes. Les mots galant & galanterie ont d'autres acceptions.

GÉNÉREUX, adj. GÉNÉROSITÉ, f. f. La générosité eft un dévouement aux intérêts des autres, qui porte à leur facrifier fes avantages perfonnels. En général, au moment où l'on relâche de fes droits en faveur de quelqu'un, & qu'on lui accorde plus qu'il ne peut exiger, on devient généreux. La nature en produifant l'hom me au milieu de fes femblables, Jui a prefcrit des devoirs à remplir envers eux : c'eft dans l'obéif fance à ces devoirs que confifte l'honnêteté, & c'eft au-delà de ces devoirs que commence la générofité. L'ame généreufe s'élève donc audeffus des intentions que la nature fembloit avoir en la formant. Quel bonheur pour l'homme de pouvoir devenir ainfi fupérieur à fon être, & quel prix ne doit point avoir à fes yeux la vertu qui lui procure cet avantage! On peut donc regarder la générofité comme le plus fublime de tous les fentimens, comme le mobile de toutes les belles actions, & peut-être comme le germe de toutes les vertus; car il y en a peu qui ne foient effentiellement le facrifice d'un intérêt perfonnel à un intérêt étranger. Il ne faut pas confondre la grandeur d'ame, la générosité, la bienfaifance & l'humanité: on peut n'avoir de la grandeur d'ame que pour foi, & l'on n'eft jamais généreux qu'envers les autres; on peut être bienfaifant fans faire de facrifices, & la généro. fité en suppose toujours; on n'exerce guère l'humanité qu'envers les malheureux & les intérieurs & la générosité a lieu envers tout le monde. D'où il fuit que la générofité eft un fentiment auffi noble que la grandeur d'ame, auffi utile que la bienfaifance, & auffi tendre que l'humanité : elle eft le résultat dé la combinaifon de ces trois vertus; & plus parfaite qu'aucune d'elles, elle peut y fuppléer. Le beau plan que celui d'un monde où tout le genre humain feroit généreux ! Dans le monde tel qu'il eft, la générosité eft la vertu des héros ; le refte des hommes fe borne à l'admirer. La générosité eft de tous les états: c'eft la vertu dont la pratique fatisfait le plus l'amour-propre. Il eft un art d'être généreux : cet art n'eft pas commun; il confifte à dérober le facrifice que l'on fait. La générofité ne peut guère avoir de plus beau motif que l'amour de la patrie & le pardon des injures. La libéralité n'est autre chofe que la générosité reftreinte à un objet pécuniaire: c'eft cependant une grande vertu,

lorfqu'elle fe propofe le foulagement des malheu reux; mais il y a une économie fage & raifonnée qui devroit toujours régler les hommes dans la difpenfation de leurs bienfaits. Voici un trait de cette économie. Un prince* donne une fomme d'argent pour l'entretien des pauvres d'une ville, mais il fait enforte que cette fomme s'ac croiffe à mesure qu'elle eft employée, & que bientôt elle puiffe fervir au foulagement de toute la province. De quel bonheur ne jouiroit-on pas fur la terre, fi la générofité des fouverains avoit toujours été dirigée par les mêmes vues! On fait des générofités à fes amis, des libéralités à fes domeftiques, des aumônes aux pauvres **.( And. Enc.)

GLOIRE, f. f. La gloire eft l'éclat de la bonne renommée. L'eftime eft un fentiment tranquille & perfonnel; l'admiration, un mouvement rapide & quelquefois momentané ; la célébrité, une renommée étendue; la gloire, une renommée éclatante, le concert unanime & foutenu d'une admiration univerfelle.

L'eftime a pour bafe l'honnêteté; l'admiration, le rare & le grand dans le bien moral ou phyfique; la célébrité, l'extraordinaire, l'étonnant pour la multitude; la gloire, le merveilleux.

Nous appellons merveilleux ce qui s'éleve ou femble s'élever au-deffus des forces de la nature : ainfi la gloire humaine, la feule dont nous parlons ici, tient beaucoup de l'opinion: elle eft vraie ou fauffe comme elle.

fondée fur un faux merveilleux; l'autre fur un Il y a deux fortes de fauffe gloire : l'une eft merveilleux réel, mais funefte. Il femble qu'il y ait auffi deux espèces de vraie gloire, l'une fondée fur un merveilleux agréable, l'autre fur un merveilleux utile au monde; mais ces deux objets n'en font qu'un.

La gloire fondée fur un faux merveilleux, n'a que le règne de l'illufion, & s'évanouit avec elle: telle eft la gloire de la profpérité. La prospérité

*Il s'agit dans cet endroit du roi de Pologne, duc de Lorraine ce prince a donné aux magiftrats de la ville de Bar dix mille écus qui doivent être employés à acheter du bled, lorfqu'il eft à bas prix, pour le revendre aux pauvres à un prix médiocre, lorfqu'il eft monté à certain point de cherté. Par cet arrangement, la fomme augmente toujours; & bientot on pourra la répartir fur d'autres endroits de la province.

** Ce n'eft-là qu'une partie des idées qui étoient renfermées dans un article fur la générosité, qu'on a communiqué à M. Diderot. Les bornes de cet ouvrage n'ont pas permis de faire ufage de cet article en entier.

« PreviousContinue »