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quinze enfants le plus bel héritage de vertus chrétiennes. Il eut la gloire d'avoir, dans son second enfant, l'illustre évêque Louis de Toulouse que l'Église a canonisé. Déjà, de son vivant, le roi Charles était considéré comme un saint, et cette vénération publique le suivit après sa mort. Longtemps, à son tombeau élevé dans le monastère de Nazareth qu'il avait fondé, les foules vinrent prier et obtenir de miraculeuses guérisons (1). Un tel caractère pouvait-il se prêter à une supercherie sacrilège ?

Les preuves du contraire sont dans le récit de Philippe de Cabassole que le silence absolu de M. Duchesne n'a cependant pu effacer de l'histoire. En effet, tout ce que nous apprend ce vénérable cardinal ne révèle-t-il pas suffisamment la sincérité du prince? La convocation des évêques et le soin qui leur est laissé de reconnaître eux-mêmes les saintes reliques; l'envoi au pape des deux inscriptions, pour qu'à Rome on se rende compte de leur authenticité; ces inscriptions exposées dans la sacristie pour que tous les visiteurs puissent les examiner: de la part d'un trompeur, toutes ces précautions ne seraientelles pas les plus stupides imprudences?

M. Duchesne voudrait-il accuser les archevêques de Narbonne, d'Arles et dAix? Il a, plus que moi, fouillé tous les manuscrits et toutes les bibliothèques, et il sait que leurs noms sont restés jusqu'à ce jour avec toute leur auréole de savoir et de vertus. Je ne fais pas à leur mémoire l'injure de les défendre.

3o Le prince et les prélats qui n'ont pu être des trompeurs n'auraient-ils pas été des dupes. M. Duchesne ne l'affirme pas; mais il se plaît à trouver étrange la façon dont fut opéré le prétendu recèlement de

710.

<< Avant d'entrer dans le détail de l'inscription, dit-il, apprécions le dessein, et, pour ce faire, efforçons-nous

(1) Annales de la sainte Église d'Aix, p. 164.— Ex cod. ms. Sanmaxi

minensi.

d'entrer dans les préoccupations sous lesquelles la pièce est censée avoir été rédigée. Les Sarrasins sont proches; ils menacent le pays de Saint-Maximin. Comment mettre le cher trésor à l'abri de la profanation? Le plus simple, semble-t-il, était d'emporter les reliques de sainte Madeleine en dehors de l'église, de les cacher dans la montagne ou chez un particulier. C'est ainsi que l'on procéda au temps de la Révolution. Ici, rien de semblable. On ne les tire pas de la crypte; on se borne à les changer de sarcophages. Contre quels Sarrasins prend-on cette précaution naïve? De ceux que nous connaissons et que les gens du huitième siècle connaissaient encore mieux que nous, on devait attendre le pillage du sanctuaire et des objets de prix qu'il pouvait renfermer; subsidiairement, des dégâts matériels, des polissonneries, l'incendie enfin pour couronner la fête, Est-ce bien ces mécréants que l'on a eus en vue, et ne semble-t-on pas plutôt s'être défendu contre des Sarrasins en froc, capables de discerner entre sarcophage et sarcophage, et de forcer celui qu'ils croiraient abriter les meilleures reliques?

<< Ainsi, le dessein d'après lequel a été combiné le certificat trahit son origine. Les Sarrasins qu'il vise sont ceux de Vézelay.

<< Quant aux autres, il est clair que jamais contemporain n'aurait parlé d'eux en ces termes (1). »

Si c'est tout ce qui a pu être relevé contre le recèlement de 710, c'est bien pauvre. D'abord, tout le monde n'est pas doué, autant que paraît l'être M. Duchesne, de cette perspicacité merveilleuse qui, dans des circonstances imprévues et urgentes, fait voir tout d'un coup le meilleur parti à prendre. Cependant, si l'on entre bien dans les préoccupations sous lesquelles » agissaient ces moines, l'on doit reconnaître qu'ils ne furent ni trop maladroits, ni trop imprudents.

(1) La Légende, p. 26-27.

7

Entre la Révolution et l'invasion des Sarrasins, il n'y a, en l'espèce, aucune comparaison à établir. En 93, « les nobles et les prêtres étaient seuls exposés et les gens du peuple pouvaient fort bien emporter des reliques, quand surtout on les avait dépouillées de leur châsse d'or et d'argent, seule convoitée.

<< Mais, à l'époque des Sarrasins, il n'en était pas ainsi. Sans dédaigner le pillage, ces sauvages détruisaient les reliques par haine, comme des cités entières par barbarie. Les demeures privées pouvaient être un jour ou l'autre la proie des flammes, et les particuliers avaient bien assez à faire de penser à leur propre salut (1). »

Outre ces menaces, il y avait d'autres sujets d'appréhension. Les particuliers garderaient-ils les précieuses reliques avec tout le soin et tout le respect nécessaires? Même par dévotion, n'en laisseraient-ils pas détacher des parties considérables; et, à la longue, qu'en resterait-il encore ?

Quand reviendrait le règne de la paix et de la liberté, les survivants des dépositaires voudraient-ils rendre le trésor confié ? M. Duchesne parle avec beaucoup d'assurance des particuliers qui, pendant la tourmente révolutionnaire, reçurent des reliques ; or, en bien des endroits, il y eut des particulières qui, à l'heure de la restitution, nièrent le dépôt sacré. L'histoire de la dame Faujanet refusant de rendre au curé de Sarlat la relique de saint Sacerdos qui lui avait été confiée (2), n'est pas aussi rare qu'on voudrait le croire.

M. Duchesne trouve aussi qu'il eût été plus simple de cacher les reliques dans la montagne. Laquelle a-t-il en vue? Saint-Maximin étant au centre d'une immense plaine, je me demande où pourrait être la direction la plus sûre. Eh bien ! soit, telle montagne est choisie ; mais ceux qui iront y emporter les reliques vivront-ils assez pour

(1) L'abbé Béguin dans L'Univers, numéro du 4 novembre 1895.

(2) Vie de saint Sacerdos, évêque de Limoges, par A.-B. Pergot, curé de Terrasson. Périgueux, 1865.

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