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somme : quand il ne peut rendre une image, qu'il y supplée par une pensée; s'il ne peut peindre à l'oreille, qu'il peigne à l'esprit; s'il est moins énergique, qu'il soit plus harmonieux; s'il est moins précis, qu'il soit plus riche. Prévoit-il qu'il doive affaiblir son auteur dans un endroit? qu'il le fortifie dans un autre; qu'il lui restitue plus bas ce qu'il lui a dérobé plus haut; en sorte qu'il établisse partout une juste compensation, mais toujours en s'éloignant le moins qu'il sera possible du caractère de l'ouvrage et de chaque morceau. C'est pour cela qu'il est injuste de comparer chaque vers du traducteur au vers du texte qui y répond: c'est sur l'ensemble et l'effet total de chaque morceau qu'il faut juger de son mérite.

Mais, pour traduire ainsi, il faut non seulement se remplir, comme on l'a dit si souvent, de l'esprit de son poète, oublier ses propres mœurs pour prendre les siennes, quitter son pays pour habiter le sien, mais aller chercher ses beautés dans leur source, je veux dire dans la nature: pour mieux imiter la manière dont il a peint les objets, il faut voir les objets eux-mêmes; et, à cet égard, c'est composer jusqu'à un certain point, que de traduire.

C'est en voyant la campagne, les moissons, les vergers, les troupeaux, les abeilles, tous ces tableaux délicieux qui ont inspiré l'auteur des Géorgiques, que j'ai cru sentir quelque étincelle du feu nécessaire pour le bien rendre. Jamais je n'ai trouvé la nature plus belle qu'en lisant Virgile; jamais je n'ai trouvé Virgile plus admirable qu'en observant la nature : la nature, en un mot, a été pour moi le seul commentaire de celui de tous les poètes qui l'à le mieux imitée.

MARONIS

GEORGICA.

LIBER PRIMUS.

QUID faciat lætas segetes ; quo sidere terram'
Vertere, Mæcenas, ulmisque adjungere vites,
Conveniat; quæ cura boum, qui cultus habendo
Sit pecori; apibus quanta experientia parcis ;
Hinc canere incipiam. Vos, o clarissima mundi
Lumina, labentem coelo quæ ducitis annum,
Liber, et alma Ceres, vestro si munere tellus
Chaoniam pingui glandem mutavit aristâ,
Poculaque inventis Acheloïa miscuit uvis ;
Et vos, agrestum præsentia numina, Fauni,
Ferte simul, Faunique, pedem, Dryadesque puellæ :
Munera vestra cano. Tuque o, cui prima frementem
Fudit equum magno tellus percussa tridenti,
Neptune; et cultor nemorum, cui pinguia Ceæ
Ter centum nivei tondent dumeta juvenci;
Ipse, nemus linquens patrium saltusque Lyca
Pan, ovium custos, tua si tibi Mænala curæ,
Adsis, o Tegeæe, favens; oleæque Minerva

DE

VIRGILE.

LIVRE PREMIER.

JE chante les moissons: je dirai sous quel signe
Il faut ouvrir la terre et marier la vigne ;
Les soins industrieux que l'on doit aux troupeaux;
Et l'abeille économe, et ses sages travaux.
Astres qui, poursuivant votre course ordonnée,
Conduisez dans les cieux la marche de l'année;
Protecteur des raisins (), déesse des moissons,
Si l'homme encor sauvage, instruit par vos leçons,
Quitta le gland des bois pour les gerbes fécondes,
Et d'un nectar vermeil rougit les froides ondes;
Divinités des prés, des champs et des forêts,
Faunes aux pieds légers, vous, Nymphes des guérets,
Faunes, Nymphes, venez; c'est pour vous que je chante.
Et toi, dieu du trident, qui de ta main puissante

De la terre frappas le sein obéissant,

Et soudain fis bondir un coursier frémissant;
Pallas (2), dont l'olivier enrichit nos rivages;

Vous, jeune dieu de Cée (3), ami des verts bocages,
Pour qui trois cents taureaux éclatants de blancheur
Paissent l'herbe nouvelle et l'aubépine en fleur;

Inventrix; uncique puer monstrator aratri;
Et teneram ab radice ferens, Sylvane, cupressum;
Dique deæque omnes studium quibus arva tueri,
Quique novas alitis non ullo semine fruges,
Quique satis largum coelo demittitis imbrem.

Tuque adeo, quem mox quæ sint habitura deoru Concilia incertum est: urbesne invisere, Cæsar, Terrarumque velis curam, et te maximus orbis Auctorem frugum tempestatumque potentem Accipiat, cingens maternâ tempora myrto : An deus immensi venias maris, ac tua nautæ Numina sola colant; tibi serviat ultima Thule; Teque sibi generum Tethys emat omnibus undis: Anne novum tardis sidus te mensibus addas, Quà locus Erigonen inter Chelasque sequentes Panditur; ipse tibi jam brachia contrahit ardens Scorpius, et coeli justâ plus parte relinquit: Quidquid eris (nam te nec sperent Tartara regem, Nec tibi regnandi veniat tam dira cupido, Quamvis Elysios miretur Græcia campos, Nec repetita sequi curet Proserpina matrem ), Da facilem cursum, atque audacibus annue coepti Iguarosque viæ mecum miseratus agrestes, Ingredere, et votis jam nunc assuesce vocari.

Vere novo, gelidus canis cùm montibus humor Liquitur, et zephyro putris se gleba resolvit,

Pan, qui sur le Lycée, ou le riant Ménale,
Animes sous tes doigts la flûte pastorale;

Vieillard qui dans ta main tiens un jeune cyprès;
Enfant (4) qui le premier sillonnas les guérets;
Vous tous, dieux bienfaisants, déesses protectrices,
Qui de nos fruits heureux nourrissez les prémices, (5
Qui versez l'eau des cieux, qui fécondez les champs,
Ainsi qu'à nos moissons présidez à mes chants.

Et toi qu'attend le ciel (6), et que la terre adore,
Sous quel titre, ô César, faudra-t-il qu'on t'implore?
Veux-tu (7), le front paré du myrte maternel,
Remplacer Jupiter sur son trône éternel ?
Va, préside aux saisons, gouverne le tonnerre,
Protège les cités, fertilise la terre :

Veux-tu sur l'océan (8) un pouvoir souverain?
Le trident de Neptune est remis dans ta main;
Téthys t'offre sa fille; et, roi des mers profondes,
Tu recevras pour dot tout l'empire des ondes.
Peut-être, plus voisin de tes nobles aïeux,
Nouveau signe d'été (9), veux-tu briller aux cieux?
Le Scorpion brûlant (o) déjà loin d'Érigone
S'écarte avec respect, et fait place à ton trône.
Choisis; mais garde-toi d'accepter les enfers :
Qu'on vante l'Élysée et ses bois toujours verts;
Fière d'un sceptre affreux, que Proserpine y règne ;
Toi, je veux qu'on t'adore, et non pas qu'on te craigne.
De nos cultivateurs viens donc guider les mains,
Et commence par eux le bonheur des humains.

Quand la neige au printemps (") s'écoule des montagnes, Dès que le doux zéphire amollit les campagnes,

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