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rhythme laborieux, tandis que leur défaite est rendue en un seul vers d'une tournure facile, forment un contraste qui valait la peine d'être remarqué. J'ai tâché de le faire sentir dans ma traduction. Au reste, dans cette énumération des jours heureux ou malheureux, il est difficile de croire que Virgile ait été de bonne foi: les poètes anciens, en général, se faisaient une loi de suivre les préjugés populaires, surtout lorsqu'ils tenaient à la religion. L'expérience prouve qu'il est très-indifférent de planter, de semer, etc., dans le croissant ou le déclin de la lune; la nature du terrain, la qualité des vents, l'action du soleil, voilà ce qui influe sur les fruits de la terre. M. de la Quintinie a réfuté le préjugé sur les lunaisons dans le second tome des Instructions sur le Jardinage.

58) Et des mers en courroux le noir abîme gronde.

Il y a dans le texte :

Fervetque fretis spirantibus æquor.

Quelques traducteurs ont cru que Virgile parlait ici des fleuves trop serrés dans leur lit: c'est défigurer entièrement ce morceau. Virgile a mis dans ces vers une gradation admirable; d'abord on voit les fossés se remplir, ensuite les fleuves mugissants se déborder, et enfin la mer bouillonner dans ses gouffres.

Implentur fossæ, cava flumina crescunt

Cum sonitu, fervetque fretis spirantibus æquor.

D'ailleurs on sait que Virgile écrivait dans un pays très-voisin de la mer; aussi en parle-t-il souvent dans les quatre livres des Géorgiques.

59) Les animaux ont fui.....

Il y a dans le texte fugére feræ. J'ai cru qu'on me pardonnerait d'avoir essayé de rendre la vivacité admirable de ce trait, produit, à ce qu'il me semble, par sa précision, et par le changement du présent en parfait. Je suis étonné que Dryden, écrivant dans

une langue plus hardie que la nôtre, ait défiguré cet endroit par ce vers traînant et froid:

And flying beasts in forests seek abode.

60) L'univers ébranlé s'épouvante..... le dieu..... Le texte dit :

Et mortalia corda

Per gentes humilis stravit pavor.....

Pour peu qu'on soit sensible à la belle poésie, on sent l'effet de cette cadence suspendue. J'ai osé passer, pour la rendre, sur la règle de l'hémistiche: je crois que c'est dans ces occasions que les licences sont permises. On sera sans doute charmé de trouver ici une peinture admirable d'un orage, tirée du poëme des Saisons, par M. de Saint-Lambert.

On voit à l'horizon, de deux points opposés,

Des nuages monter dans les airs embrasés;

On les voit s'épaissir, s'élever, et s'étendre.

D'un tonnerre éloigné le bruit s'est fait entendre ;
Les flots en ont frémi, l'air en est ébranlé,

Et le long du vallon le feuillage a tremblé :
Les monts ont prolongé le lugubre murmure
Dont le son lent et sourd attriste la nature.
Il succède à ce bruit un calme plein d'horreur,
Et la terre en silence attend dans la terreur.
Des monts et des rochers le vaste amphithéâtre
Disparaît tout à coup sous un voile grisâtre;
Le nuage élargi les couvre de ses flancs;
Il pèse sur les airs tranquilles et brûlants.
Mais des traits enflammés ont sillonné la nue,
Et la foudre en grondant roule dans l'étendue;
Elle redouble, vole, éclate dans les airs :
Leur nuit est plus profonde, et de vastes éclairs
En font sortir sans cesse un jour pâle et livide.
Du couchant ténébreux s'élance un vent rapide;
Il tourne sur la plaine, et, rasant les sillons,
Il roule un sable noir qu'il pousse en tourbillons.

Ce nuage nouveau, ce torrent de poussière,
Dérobe à la campagne un reste de lumière.

La peur,
l'airain sonnant, dans nos temples sacrés
Font entrer à grands flots les peuples égarés.
Grand Dieu, vois à tes pieds leur foule consternée
Te demander le prix des travaux de l'année :
Hélas! d'un ciel en feu les globules glacés
Écrasent en tombant les épis renversés;

Le tonnerre et les vents déchirent les nuages;
Les ruisseaux en torrents dévastent leurs rivages.
O récolte! ô moissons! tout périt sans retour:
L'ouvrage de l'année est détruit dans un jour.

61) Observe si Saturne est d'un heureux présage. Il y a dans le texte :

Frigida Saturni sese quò stella receptet.

Ce qui peut avoir donné lieu à l'épithète frigida, c'est que Saturne est à une plus grande distance du Soleil que les autres planètes. D'ailleurs les anciens le regardaient comme le dieu du froid, ainsi qu'on peut le voir par ce vers de Lucain,

Frigida Saturno glacies et zona nivalis

Cessit.

62) Quand l'ombrage au printemps invite au doux sommeil.

Je ne sais si mon admiration pour Virgile ne me fait pas trop d'illusion; mais je trouve bien de l'adresse à avoir placé cette fête de Cérès immédiatement après la description d'un orage. Ces fêtes s'appelaient Ambarvalia, parce que la victime faisait le tour des moissons, ambiret arva.

63) Pour offrande du vin, et du lait, et du miel.

Si on veut voir combien ceux qui composent de gros livres font profit de tout, et combien ceux qui écrivent sur l'antiquité hasar

dent d'opinions peu fondées, on n'a qu'à lire le passage suivant du P. Montfaucon, dont l'ouvrage d'ailleurs est très-estimable. Il s'agit de prouver que Cérès et Bacchus étaient adorés conjoin

tement.

« Virgile marque aussi le culte des deux dans les Géorgiques, » où il parle des trois tours qu'on faisait faire à la victime autour >> des moissons avant que de l'immoler..... Il met Cérès et Bacchus >> ensemble, etc. » Cette assertion est fondée sur ce vers:

Cui tu lacte favos et miti dilue baccho.....

Il est clair que baccho signifie ici du vin, comme dans mille autres endroits; on délayait le miel dans du lait et du vin. Il est vrai que Bacchus et Cérès partageaient souvent les honneurs du même sacrifice; mais ce passage ne le prouve assurément pas.

64) Même avant que le fer dépouille les guérets,

Tous entonnent un hymne, et couronné de chêne.....

Virgile parle ici d'une autre fête qui précédait les moissons. Un commentateur anglais ( M. Holdsworth) dit avoir vu des paysans florentins danser et chanter dans le mois de juillet, la tête couronnée de feuilles de chêne. Horace fait naître la poésie en Italie des fêtes qui précédaient ou suivaient les moissons. ( Lib. II, ep. 1, V. .139.)

65) Déjà l'arc éclatant qu'Iris trace dans l'air

Boit les feux du soleil et les eaux de la mer.

Les anciens croyaient que l'arc-en-ciel pompait les eaux de la mer. On trouve parmi les poètes plusieurs allusions à ce préjugé. Dans une comédie de Plaute, quelqu'un voyant boire une femme vieille et courbée, dit plaisamment :

Ecce autem bibit arcus: pluet, credo, hodie.

On croit communément aujourd'hui que l'arc-en-ciel présage tantôt la pluie et tantôt le beau temps. Il est à remarquer que

Virgile a presque copié ce morceau de Varron et autres, et en particulier ce vers,

Aut arguta lacus circumvolitavit hirundo.

66) Ni l'oiseau de Thétis.....

L'alcyon. On peut lire dans les Métamorphoses d'Ovide celle d'Alcyon et de Céyx.

67) Tantôt l'affreux Nisus, avide de vengeance.....

Nisus avait un cheveu couleur de pourpre dont dépendait le sort de ses états. Scylla sa fille, amoureuse de Minos, qui assiégeait Nisus dans Mégare, lui coupa le cheveu fatal. Nisus fut métamor phosé en épervier, et Scylla en alouette. Depuis ce temps-là le père, pour se venger de sa fille, la poursuit dans les airs.

68) Non que du ciel en eux la sagesse immortelle
D'un rayon prophétique ait mis quelque étincelle.

Il y a dans le texte :

Haud equidem credo quia sit divinitus illis

Ingenium, aut rerum fato prudentia major.

On a été fort partagé sur le sens de ces deux vers. Virgile veut dire, à ce qu'il me semble, non que les animaux aient une portion de l'ame divine (comme certains philosophes l'ont dit des abeilles ), ni que le destin, qui assigne à chaque être ses facultés, leur ait donné des connaissances supérieures. Divinitus est opposé à fato.

69) Le quatrième jour (cet augure est certain).....

Il s'agit ici du quatrième jour de la lune. Virgile a suivi l'opinion des astronomes égyptiens, Quartam maximè observat Egyptus.

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