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pour satisfaire son appétit, et donne en même temps des exemples de courage, de tempérance et de fidélité. » (Histoire naturelle.)

Delille a traité ainsi le même sujet :

A leur tête est le chien, aimable autant qu'utile,
Superbe et caressant, courageux mais docile.
Formé pour le conduire et pour le protéger,
Du troupeau qu'il gouverne il est le vrai berger.
Le ciel l'a fait pour nous, et, dans leur cour rustique,
Il fut des rois pasteurs le premier domestique.
Redevenu sauvage, il erre dans les bois :

Qu'il aperçoive l'homme, il rentre sous ses lois;
Et, par un vieil instinct qui jamais ne s'efface,
Semble de ses amis reconnaître la race.

Gardant du bienfait seul le doux ressentiment,
Il vient lécher ma main après le châtiment;
Souvent il me regarde, humide de tendresse,
Son œil affectueux implore une caresse.
J'ordonne, il vient à moi; je menace, il me fuit;
Je l'appelle, il revient; je fais signe, il me suit;
Je m'éloigne, quels pleurs! je reviens, quelle joie!
Chasseur sans intérêt, il m'apporte sa proie.
Sévère dans la ferme, humain dans la cité,
Il soigne le malheur, conduit la cécité;
Et moi, de l'Hélicon malheureux Bélisaire,
Peut-être un jour ses yeux guideront ma misère.
Est-il hôte plus sûr, ami plus généreux ?

Un riche marchandait le chien d'un malheureux;
Cette offre l'affligea : « Dans mon destin funeste,
Qui m'aimera, dit-il, si mon chien ne me reste? »
Point de trêve à ses soins, de borne à son amour,
Il me garde la nuit, m'accompagne le jour.
Dans la foule étonnée, on l'a vu reconnaître,
Saisir et dénoncer l'assassin de son maître;
Et quand son amitié n'a pu le secourir,
Quelquefois sur sa tombe il s'obstine à mourir.

Enfin le grand Buffon écrivit son histoire;
Homère l'a chanté, rien ne manque à sa gloire.

Et, lorsqu'à son retour le chien d'Ulysse absent
Dans l'excès du plaisir, meurt en le caressant,
Oubliant Pénélope, Eumée, Ulysse même,
Le lecteur voit en lui le héros du poëme.

Les Trois Règnes, ch. VIII.

La Fauvette.

« Le triste hiver, saison de mort, est le temps du sommeil, ou plutôt de la torpeur de la nature; les insectes sans vie, les reptiles' sans mouvement, les végétaux sans verdure et sans accroissement, tous les habitants de l'air détruits ou relégués, ceux des eaux renfermés dans des prisons de glace, et la plupart des animaux terrestres confinés dans les cavernes, les antres et les terriers; tout nous présente les images de la langueur et de la dépopulation; mais le retour des oiseaux au printemps est le premier signal et la douce annonce du réveil de la nature vivante, et les feuillages renaissants, et les bocages revêtus de leur nouvelle parure, sembleraient moins frais et moins touchants sans les nouvéaux hôtes qui viennent les animer.

« De ces hôtes des bois, les fauvettes sont les plus nombreuses comme les plus aimables; vives, agiles, légères et sans cesse remuées, tous leurs mouvements ont l'air du sentiment, tous leurs accents ont le ton de la joie, et tous leurs jeux l'intérêt de l'amour. Ces jolis oiseaux arrivent au moment où les arbres développent leurs feuilles, et commencent à laisser épanouir leurs fleurs; ils se dispersent dans toute l'étendue de nos campagnes : les uns viennent habiter nos jardins; d'autres préfèrent les avenues et les bosquets; plusieurs espèces s'enfoncent dans les grands bois, et quelques-unes se cachent au milieu des roseaux. Ainsi les fauvettes remplissent tous les lieux de la terre, et les animent par les mouvements et les accents de leur tendre gaieté. Mais la nature semble avoir oublié de parer leur plumage. Il est obscur et terne.

« La fauvette à tête noire est de toutes les fauvettes celle qui a le chant le plus agréable et le plus continu; il tient un peu de celui du rossignol, et l'on en jouit plus longtemps; car plusieurs semaines après que ce chantre du printemps s'est tu, l'on entend les bois résonner partout du chant de ces fauvettes; leur voix est facile, pure et légère, et leur chant s'exprime par une suite de modulations peu étendues, mais agréables,

flexibles et nuancées; ce chant semble tenir de la fraîcheur des lieux où il se fait entendre; il en peint la tranquillité, il en exprime même le bonheur; car les cœurs sensibles n'entendent pas sans une douce émotion les accents inspirés par la nature aux êtres qu'elle rend heureux. » (Histoire naturelle.)

Le Serin et le Rossignol.

« Si le rossignol est le chantre des bois, le serin est le musicien de la chambre; le premier tient tout de la nature, le second participe à nos arts: avec moins de force d'organe, moins d'étendue dans la voix, moins de variété dans les sons, le serin a plus d'oreille, plus de facilité d'imitation, plus de mémoire; et comme la différence du caractère, surtout dans ces animaux, tient de très-près à celle qui se trouve entre leurs sens, le serin, dont l'ouïe est plus attentive, plus susceptible de recevoir et de conserver les impressions étrangères, devient aussi plus social, plus doux, plus familier; il est capable de connaissance, et même d'attachement; ses caresses sont aimables; ses petits dépits innocents, et sa colère ne blesse ni n'offense. Ses habitudes naturelles le rapprochent encore de nous il se nourrit de graines, comme nos autres animaux domestiques; on l'élève plus aisément que le rossignol, qui ne vit que de chair ou d'insectes, et qu'on ne peut nourrir que de mets préparés. Son éducation, plus facile, est aussi plus heureuse; on l'élève avec plaisir, parce qu'on l'instruit avec succès; il quitte la mélodie de son chant naturel pour se prêter à l'harmonie de nos voix et de nos instruments; il applaudit, il accompagne, et nous rend au delà de ce qu'on peut lui donner.

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« Le rossignol, plus fier de son talent, semble vouloir le conserver dans toute sa pureté; au moins paraît-il faire assez peu de cas des nôtres ; ce n'est qu'avec peine qu'on lui apprend à répéter quelques-unes de nos chansons. Le serin peut parler et siffler; le rossignol méprise la parole autant que le sifflet, et revient sans cesse à son brillant ramage. Son gosier, toujours nouveau, est un chef-d'œuvre de la nature auquel l'art humain ne peut rien changer ni ajouter; celui du serin est un modèle de grâces, d'une trempe moins ferme, que nous pouvons modifier. L'un a donc bien plus de part que l'autre aux agréments de la société : le serin chante en tout temps, il nous récrée dans les jours les plus sombres, il contribue même à notre bonheur; car il fait l'amusement de toutes les jeunes

personnes, les délices des recluses; il charme au moins les ennuis du cloître, porte de la gaieté dans les âmes innocentes et captives, (Histoire naturelle.)

L'Hirondelle.

« Le vol est l'état naturel, je dirais presque l'état nécessaire de l'hirondelle. Elle mange en volant, elle boit en volant, se baigne en volant, et quelquefois donne à manger à ses petits en volant... Elle sent que l'air est son domaine, elle en parcourt toutes les dimensions et dans tous les sens, comme pour en jouir dans tous les détails, et le plaisir de cette jouissance se marque par de petits cris de gaieté. Tantôt elle donne la chasse aux insectes voltigeants, et suit avec une agilité souple leur trace oblique et tortueuse; tantôt elle rase légèrement la surface de la terre, pour saisir ceux que la pluie ou la fraîcheur y rassemble; tantôt elle échappe elle-même à l'impétuosité de l'oiseau de proie par la flexibilité preste de ses mouvements; toujours maîtresse de son vol dans sa plus grande vitesse, elle en change à tout instant la direction; elle semble décrire au milieu des airs un dédale mobile et fugitif, dont les routes se croisent, s'entrelacent, sè fuient, se rapprochent, se heurtent, se roulent, montent, descendent, se perdent et reparaissent pour se croiser, se rebrouiller en mille manières, et dont le plan, trop compliqué pour être représenté aux yeux par l'art du dessin, peut à peine être indiqué à l'imagination par le pinceau de la parole. » (Histoire naturelle.)

L'oiseau-Mouche.

«De tous les êtres animés, voici le plus élégant pour la forme et le plus brillant pour les couleurs. Les pierres et les métaux polis par notre art ne sont pas comparables à ce bijou de la nature: elle l'a placé dans l'ordre des oiseaux au dernier degré de l'échelle de la grandeur; son chef-d'œuvre est le petit oiseau-mouche; elle l'a comblé de tous les dons qu'elle n'a fait que partager aux autres oiseaux: légèreté, rapidité, prestesse, grâce et riche parure, tout appartient à ce petit favori. L'éméraude, le rubis, la topaze, brillent sur ses habits; il ne les souille jamais dans la poussière de la terre ; et, dans sa vie toute aérienne, on le voit à peine toucher le gazon par instants; il est toujours en l'air, volant de fleurs en fleurs; il a

leur fraîcheur, comme il a leur éclat; il vit de leur nectar, et n'habite que les climats où sans cesse elles se renouvellent.

« C'est dans les contrées les plus chaudes du Nouveau-Monde que se trouvent toutes les espèces d'oiseaux-mouches; elles sont assez nombreuses, et paraissent confinées entre les deux tropiques; il n'y font qu'un court séjour; ils semblent suivre le soleil, s'avancer, se retirer avec lui et voler sur l'aile des zéphirs, à la suite d'un printemps éternel.

« Les Indiens, frappés de l'éclat et du feu que rendent les couleurs de ces brillants oiseaux, leur avaient donné les noms de rayons ou cheveux du soleil. Pour le volume, les petites espèces de ces oiseaux sont au-dessous de la grande moucheasile (le taon) pour la grandeur, et du bourdon pour la grosseur. Leur bec est une aiguille fine, et leur langue un fil délié ; leurs petits yeux noirs ne paraissent que deux points brillants; les plumes de leurs ailes sont si délicates qu'elles en paraissent transparentes. A peine aperçoit-on leurs pieds, tant ils sont courts et menus: ils en font peu d'usage; et ils ne se posent que pour passer la nuit, et se laissent, pendant le jour, emporter dans les airs; leur vol est continu, bourdonnant et rapide; on compare le bruit de leurs ailes à celui d'un rouet. Leur battement est si vif, que l'oiseau, s'arrêtant dans les airs, paraît non-seulement immobile, mais tout à fait sans action. On le voit s'arrêter ainsi quelques instants devant une fleur, et partir comme un trait pour aller à une autre ; il les visite toutes, plongeant sa petite langue dans leur sein, les flattant de ses ailes, sans jamais s'y fixer, mais aussi sans les quitter jamais. Il ne presse ses inconstances que pour multiplier ses jouissances innocentes: car cet amant léger des fleurs vit à leurs dépens sans les flétrir; il ne fait que pomper leur miel, et c'est à cet usage que sa langue paraît uniquement destinée : elle est composée de deux fibres creuses, formant un petit canal, divisé au boat en deux filets; elle a la forme d'une trompe, dont elle fait les fonctions; l'oiseau la darde hors de son bec, et la plonge jusqu'au fond du calice des fleurs pour en tirer les sucs.

a Rien n'égale la vivacité de ces petits oiseaux, si ce n'est leur courage, ou plutôt leur audace. On les voit poursuivre avec furie des oiseaux vingt fois plus gros qu'eux, s'attacher à leur corps, et, se laissant emporter par leur vol, les becqueter à coups redoublés jusqu'à ce qu'ils aient assouvi leur petite colère. Quelquefois même ils se livrent entre eux de très-vifs

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