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Tacite dit << que les crimes capitaux pouvoient être portés devant l'assemblée. » Il en fut de même après la conquête, et les grands vassaux y furent jugés.

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CHAPITRE XXXI.

De l'autorité du clergé dans la première race.

Chez les peuples barbares les prêtres ont ordinairement du pouvoir, parce qu'ils ont et l'autorité qu'ils doivent tenir de la religion, et la puissance que chez des peuples pareils donne la superstition. Aussi voyons-nous dans Tacite que les prêtres étoient fort accrédités chez les Germains; «< qu'ils mettoient la police dans l'assemblée du peuple. Il n'étoit permis qu'à eux 3 de «< châtier, de lier, de frapper; ce qu'ils faisoient, « non pas par un ordre du prince ni pour infliger << une peine, mais comme par une inspiration de la Divinité, toujours présente à ceux qui font la « guerre. »

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1 Licet apud concilium accusare et discrimen capitis intendere.

De moribus German.

* Silentium per sacerdotes, quibus et coercendi jus est, imperatur. Ibid.

3 Nec regibus libera aut infinita potestas. Cæterum neque animadvertere, neque vincire, neque verberare, nisi sacerdotibus est permissum; non quasi in pœnam, nec ducis jussu, sed velut Deo imperante, quem adesse bellatoribus credunt. Ibid.

Il ne faut pas être étonné si, dès le commencement de la première race, on voit les évêques arbitres des jugements, si on les voit paroître dans

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les assemblées de la nation, s'ils influent si fort dans les résolutions des rois, et si on leur donne tant de biens.

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Voyez la constitution de Clotaire, de l'an 560, art. 6.

LIVRE XIX.

DES LOIS, DANS LE RAPPORT QU'ELLES ONT AVEC LES PRINCIPES QUI FORMENT L'ESPRIT GÉNÉRAL, LES MOEURS ET LES MANIÈRES D'UNE NATION.

CHAPITRE PREMIER.

Du sujet de ce livre.

Cette matière est d'une grande étendue. Dans cette foule d'idées qui se présentent à mon esprit je serai plus attentif à l'ordre des choses qu'aux choses mêmes. Il faut que j'écarte à droite et à gauche, que je perce, et que je me fasse jour.

CHAPITREŢII.

Combien, pour les meilleures lois, il est nécessaire que esprits soient préparés.

les

Rien ne parut plus insupportable aux Germains que le tribunal de Varus. Celui que Justinien érigea chez les Laziens pour faire le procès au

* Ils coupoient la langue aux avocats, et disoient : « Vipère, cesse de siffler. Tacite.

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? Agathias, liv. IV.

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meurtrier de leur roi leur parut une chose horrible et barbare. Mithridate haranguant contre les Romains leur reproche surtout les formalités de leur justice. Les Parthes ne purent supporter ce roi, qui, ayant été élevé à Rome, se rendit affable 3 et accessible à tout le monde. La liberté même a paru insupportable à des peuples qui n'étoient pas accoutumés à en jouir. C'est ainsi qu'un air pur est quelquefois nuisible à ceux qui ont vécu dans des pays marécageux.

Un Vénitien nommé Balbi, étant au 4 Pégu, fut introduit chez le roi. Quand celui-ci apprit qu'il n'y avoit point de roi à Venise, il fit un si grand éclat de rire qu'une toux le prit, et qu'il eut beaucoup de peine à parler à ses courtisans. Quel est le législateur qui pourroit proposer le gouvernement populaire à des peuples pareils?

1 Justin., liv. xXXVIII.

2 Calumnias litium. Ibid.

3 Prompti aditus, obvia comitas, ignotæ Parthis virtutes, nova vitia. Tacite. Annal., liv. II.

4 Il en a fait la description en 1596. Recueil des Voyages qui ont servi à l'établissement de la Compagnie des Indes, tom. III, part. 1, pag. 33.

CHAPITRE III.

De la tyrannie.

Il y a deux sortes de tyrannie: une réelle, qui consiste dans la violence du gouvernement; et une d'opinion, qui se fait sentir lorsque ceux qui gouvernent établissent des choses qui choquent la manière de penser d'une nation.

Dion dit qu'Auguste voulut se faire appeler Romulus, mais qu'ayant appris que le peuple craignoit qu'il ne voulût se faire roi, il changea de dessein. Les premiers Romains ne vouloient point de roi, parce qu'ils n'en pouvoient souffrir la puissance : les Romains d'alors ne vouloient point de roi, pour n'en point souffrir les manières. Car, quoique César, les triumvirs, Auguste, fussent de véritables rois, ils avoient gardé tout l'extérieur de l'égalité, et leur vie privée contenoit une espèce d'opposition avec le faste des rois d'alors; et quand ils ne vouloient point de roi, cela signifioît qu'ils vouloient garder leurs manières, et ne pas prendre celles des peuples d'Afrique et d'Orient.

Dion nous dit que le peuple romain étoit indigné contre Auguste à cause de certaines lois trop dures qu'il avoit faites; mais que sitôt qu'il eut fait revenir le comédien Pylade, que les facLiv. LIV, pag. 532.

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