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qui avoient aussi l'usage du combat dans les actions judiciaires, la majorité étoit encore à quinze

ans.

Agathias nous dit que les armes des Francs étoient légères : ils pouvoient donc être majeurs à quinze ans. Dans la suite les armes devinrent pesantes, et elles l'étoient déja beaucoup du temps de Charlemagne, comme il paroît par nos capitulaires et par nos romans. Ceux qui ' avoient des fiefs, et qui par conséquent devoient faire le service militaire, ne furent plus majeurs qu'à vingt

et un ans".

CHAPITRE XXVII.

Continuation du même sujet.

On a vu que chez les Germains on n'alloit point à l'assemblée avant la majorité; on étoit partie de la famille et non pas de la république. Cela fit que les enfants de Clodomir, roi d'Orléans et conquérant de la Bourgogne, ne furent point déclarés rois, parce que dans l'âge tendre où ils étoient ils ne pouvoient pas être présentés à l'assemblée. Ils n'étoient pas rois encore, mais ils devoient l'être

'Il n'y eut point de changement pour les roturiers.

> Saint Louis ne fut majeur qu'à cet âge. Cela changea par un édit de Charles de l'an 1374.

lorsqu'ils seroient capables de porter les armes; et cependant Clotilde leur aïeule gouvernoit l'état1. Leurs oncles Clotaire et Childebert les égorgèrent, et partagèrent leur royaume. Cet exemple fut cause que dans la suite les princes pupilles furent déclarés rois, d'abord après la mort de leurs pères. Ainsi le duc Gondovalde sauva Childebert II de la cruauté de Chilpéric, et le fit déclarer roi à l'âge de cinq ans.

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Mais dans ce changement même on suivit le premier esprit de la nation, de sorte que les actes ne se passoient pas même au nom des rois pupilles, Aussi y eut-il chez les Francs une double administration, l'une qui regardoit la personne du roi pupille, et l'autre qui regardoit le royaume; et dans les fiefs il y eut une différence entre la tutelle et la baillie.

* Il paroît par Grégoire de Tours, liv. III, qu'elle choisit deux hommes de Bourgogne, qui étoit une conquête de Clodomir, pour les élever au siége de Tours, qui étoit aussi du royaume de Clodomir.

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Grégoire de Tours, liv. v, chap. 1. Vix lustro ætatis uno jam peracto, qui die dominicæ natalis, regnare cœpit.

CHAPITRE XXVIII.

De l'adoption chez les Germains.

Comme chez les Germains on devenoit majeur en recevant les armes, on étoit adopté par le même signe. Ainsi Gontran voulant déclarer majeur son neveu Childebert, et de plus l'adopter, il lui dit : « J'ai mis1 ce javelot dans tes mains comme «< un signe que je t'ai donné mon royaume. >> Et se tournant vers l'assemblée : «Vous voyez que « mon fils Childebert est devenu un homme, << obéissez-lui. » Théodoric, roi des Ostrogoths, voulant adopter le roi des Hérules, lui écrivit 2: « C'est une belle chose parmi nous de pouvoir être adopté par les armes; car les hommes coura<< geux sont les seuls qui méritent de devenir nos « enfants. Il y a une telle force dans cet acte, que «< celui qui en est l'objet aimera toujours mieux << mourir que de souffrir quelque chose de hon<< teux. Ainsi par la coutume des nations, et parce << que vous êtes un homme, nous vous adoptons << par ces boucliers, ces épées, ces chevaux, que << nous vous envoyons. »

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1 Voyez Grégoire de Tours, liv. vII, chap. XXIII.

⚫ Dans Cassiodore, liv. Iv, lett. 2.

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DE L'ESPRIT DES LOIS. T. II.

CHAPITRE XXIX.

Esprit sanguinaire des rois francs.

Clovis n'avoit pas été le seul des princes chez les Francs qui eût entrepris des expéditions dans les Gaules; plusieurs de ses parents y avoient mené des tribus particulières; et comme il y eut de plus grands succès, et qu'il put donner des établissements considérables à ceux qui l'avoient suivi, les Francs accoururent à lui de toutes les tribus, et les autres chefs se trouvèrent trop foibles pour lui résister. Il forma le dessein d'exterminer toute sa maison, et il y réussit 1. Il craignoit, dit Grégoire de Tours, que les Francs ne prissent un autre chef. Ses enfants et ses successeurs suivirent cette pratique autant qu'ils purent : on vit sans cesse le frère, l'oncle, le neveu, que dis-je! le fils, le père, conspirer contre toute sa famille. La loi séparoit sans cesse la monarchie; la crainte, l'ambition et la cruauté vouloient la réunir.

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CHAPITRE XXX.

Des assemblées de la nation chez les Francs.

On a dit ci-dessus que les peuples qui ne cultivent point les terres jouissoient d'une grande liberté : les Germains furent dans ce cas. Tacite dit

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qu'ils ne donnoient à leurs rois ou chefs qu'un pouvoir très modéré 1; et César, qu'ils n'avoient point de magistrat commun pendant la paix; << mais que dans chaque village les princes ren<< doient la justice entre les leurs. » Aussi les Francs dans la Germanie n'avoient-ils point de rois, comme Grégoire de Tours 3 le prouve très bien.

<< Les princes 4, dit Tacite, délibèrent sur les pe<< tites choses, toute la nation sur les grandes; de << sorte pourtant que les affaires dont le peuple

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prend connoissance sont portées de même de<< vant les princes. » Cet usage se conserva après la conquête, comme 5 on le voit dans tous les monu

ments.

• Nec regibus libera aut infinita potestas. Cæterum neque animadvertere, neque vincire, neque verberare, etc. De moribus German.

2 In pace nullus est communis magistratus; sed principes regionum atque pagorum inter suos jus dicunt. De bello gall., lib. VI.

3 Liv. II.

4 De minoribus rebus principes consultant, de majoribus omnes; ita tamen ut ea quorum penes plebem arbitrium est, apud principes quoque pertractentur. De moribus German.

5 Lex consensu populi fit et constitutione regis. Capitulaires de Charles-le-Chauve, an 864, art. 6.

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