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terre avec leurs frères; elles ne succédèrent pas non plus à la couronne. La loi des Wisigoths 1, au contraire, admit les filles à succéder aux terres avec leurs frères; les femmes furent capables de succéder à la couronne. Chez ces peuples la disposition de la loi civile força3 la loi politique.

Ce ne fut pas le seul cas où la loi politique chez les Francs céda à la loi civile. Par la disposition de la loi salique, tous les frères succédoient également à la terre, et c'étoit aussi la disposition de la loi des Bourguignons. Aussi dans la monarchie des Francs, et dans celle des Bourguignons, tous les frères succédèrent-ils à la couronne, à quelques violences, meurtres et usurpations près chez les Bourguignons.

1 Liv. IV, tit. II, § 1.

→ Les nations germaines, dit Tacite, avoient des usages communs: elles en avoient aussi de particuliers.

3 La couronne, chez les Ostrogoths, passa deux fois par les femmes aux mâles; l'une par Amalasunthe, dans la personne d'Athalaric; et l'autre par Amalafrède, dans la personne de Théodat. Ce n'est pas que chez eux les femmes ne pussent régner par elles-mêmes : Amalasunthe, après la mort d'Athalaric, régna, et régna même après l'élection de Théodat, et concurremment avec lui. Voyez les Lettres d'Amalasunthe et de Théodat, dans Cassiodore, liv. x.

CHAPITRE XXIII.

De la longue chevelure des rois francs.

Les peuples qui ne cultivent point les terres n'ont pas même l'idée du luxe. Il faut voir dans Tacite l'admirable simplicité des peuples germains: les arts ne travailloient point à leurs ornements, ils les trouvoient dans la nature. Si la famille de leur chef devoit être remarquée par quelque signe, c'étoit dans cette même nature qu'ils devoient le chercher. Les rois des Francs, des Bourguignons et des Wisigoths, avoient pour diadème leur longue chevelure.

CHAPITRE XXIV.

Des mariages des rois francs.

J'ai dit ci-dessus que chez les peuples qui ne cultivent point les terres les mariages étoient beaucoup moins fixes, et qu'on y prenoit ordinairement plusieurs femmes. « Les Germains étoient presque les seuls de tous les Barbares qui se «< contentassent d'une seule femme, si l'on en ex

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Prope soli Barbarorum singulis uxoribus contenti sunt. De moribus Germ.

<< cepte, dit Tacite, quelques personnes qui, non «< par dissolution, mais à cause de leur noblesse, << en avoient plusieurs. »

Cela explique comment les rois de la première race eurent un si grand nombre de femmes. Ces mariages étoient moins un témoignage d'incontinence qu'un attribut de dignité : c'eût été les blesser dans un endroit bien tendre que de leur faire perdre une telle prérogative 2. Cela explique comment l'exemple des rois ne fut pas suivi par les sujets.

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CHAPITRE XXV.

Childéric.

<< Les mariages chez les Germains sont sévères 3, << dit Tacite; les vices n'y sont point un sujet de ri<< dicule : corrompre ou être corrompu ne s'ap

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pelle point un usage ou une manière de vivre; «< il y a peu d'exemples, dans une nation si nom« breuse, de la violation de la foi conjugale. >>

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Cela explique l'expulsion de Childéric : il cho

Exceptis admodum paucis qui, non libidine, sed ob nobilitatem, plurimis nuptiis ambiuntur. De moribus Germ.

a Voyez la chronique de Frédégaire sur l'an 628.

3 Severa matrimonia.... Nemo illic vitia ridet; nec corrumpere

et corrumpi sæculum vocatur. De mor, Germ

4 Paucissima in tam numerosa gente adulteria. Ibid.

quoit des mœurs rigides que la conquête n'avoit pas eu le temps de changer.

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CHAPITRE XXVI.

De la majorité des rois francs.

Les peuples barbares qui ne cultivent point les terres n'ont point proprement de territoire, et sont, comme nous avons dit, plutôt gouvernés par le droit des gens que par le droit civil. Ils sont donc presque toujours armés. Aussi Tacite dit-il « que les Germains ne faisoient aucune af<«< faire publique ni particulière sans être armés 1. << Ils donnoient leur avis par un signe qu'ils fai<<< soient avec leurs armes. Sitôt qu'ils pouvoient 3 <«<les porter, ils étoient présentés à l'assemblée; on <«<leur mettoit dans les mains un javelot 4 : dès ce << moment ils sortoient de l'enfance 5; ils étoient une

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partie de la famille, ils en devenoient une de la « république.

Nihil, neque publicæ neque privatæ rei, nisi armati agunt. Tacite, De moribus Germ.

Si displicuit sententia, fremitu aspernantur; sin placuit, frameas concutiunt. Ibid.

3 Sed arma sumere, non ante cuiquam moris quam civitas suffecturum probaverit.

4 Tum in ipso concilio, vel principum aliquis, vel pater, vel propinquus, scuto framea que juvenem ornant.

Hæc apud illos toga, hic primus juventæ honos: ante hoc domus pars videntur, mox reipublicæ.

« Les aigles, disoit le roi des Ostrogoths, << cessent de donner la nourriture à leurs petits << sitôt que leurs plumes et leurs ongles sont formés; ceux-ci n'ont plus besoin du secours d'au<< trui quand ils vont eux-mêmes chercher une proie. Il seroit indigne que nos jeunes gens qui « sont dans nos armées fussent censés être dans << un âge trop foible pour régir leur bien et pour régler la conduite de leur vie. C'est la vertu qui « fait la majorité chez les Goths. >>

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Childebert II avoit quinze ans lorsque Gontran son oncle le déclara majeur et capable de gouverner par lui-même. On voit dans la loi des Ripuaires cet âge de quinze ans, la capacité de porter les armes et la majorité marcher ensemble. << Si un Ripuaire est mort ou a été tué, y est-il « dit 3, et qu'il ait laissé un fils, il ne pourra pour« suivre ni être poursuivi en jugement qu'il n'ait quinze ans complets; pour lors il répondra lui<< même ou choisira un champion. » Il falloit que l'esprit fût assez formé pour se défendre dans le jugement, et que le corps le fût assez pour se défendre dans le combat. Chez les Bourguignons 4,

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I Théodoric, dans Cassiodore, liv. 1, lett. 38.

• Il avoit à peine cinq ans, dit Grégoire de Tours, liv. v, chap. i, lorsqu'il succéda à son père, en l'an 575; c'est-à-dire qu'il avoit cinq ans. Gontran le déclara majeur en l'an 585: il avoit donc quinze ans. 3 Tit. LXXXI.

4 Tit. LXXXVII.

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