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lorsque la monarchie s'établit à Rome, tout le système fut changé sur les successions : les préteurs appelèrent les parents par femmes au défaut des parents par mâles; au lieu que, par les anciennes lois, les parents par femmes n'étoient jamais appelés. Le sénatus-consulte Orphitien appela les enfants à la succession de leur mère; et les empereurs Valentinien, Théodose et Arcadius, appelèrent les petits-enfants par la fille à la succession du grand-père. Enfin l'empereur Justinien 2 ôta jusqu'au moindre vestige du droit ancien sur les successions: il établit trois ordres d'héritiers; les descendants, les ascendants, les collatéraux, sans aucune distinction entre les mâles et les femelles, entre les parents par femmes et les parents par mâles, et abrogea toutes celles qui restoient à cet égard. Il crut suivre la nature même en s'écartant de ce qu'il appela les embarras de l'ancienne jurisprudence.

1 Leg. IX,

3 Leg. xii,

cod. de suis et legitimis liberis.

cod., ibid., et les Novelles cxvIII et CXXVII.

LIVRE XXVIII.

DE L'ORIGINE ET DES RÉVOLUTIONS DES LOIS CIVILES CHEZ LES FRANÇAIS.

In nova fert animus mutatas dicere formas

Corpora.....

OVID., Métam.

CHAPITRE PREMIER.

Du différent caractère des lois des peuples germains.

I

Les Francs étant sortis de leur pays, ils firent rédiger par les sages de leur nation les lois saliques. La tribu des Francs ripuaires s'étant jointe, sous Clovis, à celle des Francs saliens, elle conserva ses usages; et Théodoric 3, roi d'Austrasie, les fit mettre par écrit. Il recueillit 4 de même les usages des Bavarois et des Allemands qui dépendoient de son royaume; car, la Germanie étant affoiblie par la sortie de tant de peuples, les Francs, après avoir conquis devant eux, avoient fait un

1 Voyez le prologue de la loi salique. M. de Leibnitz dit, dans son traité de l'Origine des Francs, que cette loi fut faite avant le règne de Clovis mais elle ne put l'être avant que les Francs fussent sortis de la Germanie; ils n'entendoient pas pour lors la langue latine.

2 Voyez Grégoire de Tours.

3

Voyez

le prologue de la loi des Bavarois, et celui de la loi salique. 4 Ibid.

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pas en arrière et porté leur domination dans les forêts de leurs pères. Il y a apparence que le code ' des Thuringiens fut donné par le même Théodoric, puisque les Thuringiens étoient aussi ses sujets. Les Frisons ayant été soumis par Charles Martel et Pepin, leur loi n'est pas antérieure à ces princes. Charlemagne, qui le premier dompta les Saxons, leur donna la loi que nous avons. Il n'y a qu'à lire ces deux derniers codes pour voir qu'ils sortent des mains des vainqueurs. Les Visigoths, les Bourguignons et les Lombards,ayant fondé des royaumes, firent écrire leurs lois, non pas pour faire suivre leurs usages aux peuples vaincus, mais pour les suivre eux-mêmes.

Il y a dans les lois saliques et ripuaires, dans celles des Allemands, des Bavarois, des Thuringiens et des Frisons, une simplicité admirable: on y trouve une rudesse originale et un esprit qui n'avoit point été affoibli par un autre esprit. Elles changèrent peu, parce que ces peuples, si on en excepte les Francs, restèrent dans la Germanie. Les Francs même y fondèrent une grande partie de leur empire; ainsi leurs lois furent toutes germaines. Il n'en fut pas de même des lois des Visigoths, des Lombards et des Bourguignons; elles perdirent beaucoup de leur caractère, parce que

'Lex Angliorum Werinorum, hoc est Thuringorum. 2 Ils ne savoient point écrire.

ces peuples, qui se fixèrent dans leurs nouvelles demeures, perdirent beaucoup du leur.

Le royaume des Bourguignons ne subsista pas assez long-temps pour que les lois du peuple vainqueur pussent recevoir de grands changements. Gondebaud et Sigismond, qui recueillirent leurs usages, furent presque les derniers de leurs rois. Les lois des Lombards reçurent plutôt des additions que des changements. Celles de Rotharis furent suivies de celles de Grimoald, de Luitprand, de Rachis, d'Aistulphe; mais elles ne prirent point de nouvelle forme. Il n'en fut pas de même des lois des Visigoths; leurs rois les refondirent et les firent refondre par le clergé.

Les rois de la première race ôtèrent bien aux lois saliques et ripuaires ce qui ne pouvoit absolument s'accorder avec le christianisme; mais ils en laissèrent tout le fond. C'est ce qu'on ne peut pas dire des lois des Visigoths.

Les lois des Bourguignons, et surtout celles des Visigoths, admirent les peines corporelles. Les lois saliques et ripuaires ne les recurent3

Euric les donna, Leuvigilde les corrigea. Voyez la Chronique d'Isidore. Chaindasuinde et Recessuinde les réformèrent. Egiga fit faire le code que nous avons, et en donna la commission aux évêques on conserva pourtant les lois de Chaindasuinde et de Recessuinde, comme il paroît par le seizième concile de Tolède. 2 Voyez le prologue de la loi des Bavarois.

3 On en trouve seulement quelques unes dans le décret de Childebert.

pas; elles conservèrent mieux leur caractère. Les Bourguignons et les Visigoths, dont les provinces étoient très exposées, cherchèrent à se concilier les anciens habitants et à leur donner

I

des lois civiles les plus impartiales 1 : mais les rois francs, sûrs de leur puissance, n'eurent pas ces égards.

Les Saxons, qui vivoient sous l'empire des Francs, eurent une humeur indomptable, et s'obstinèrent à se révolter. On trouve dans leurs 3 lois des duretés du vainqueur qu'on ne voit point dans les autres codes des lois des Barbares.

On y voit l'esprit des lois des Germains dans les peines pécuniaires, et celui du vainqueur dans les peines afflictives.

Les crimes qu'ils font dans leur pays sont punis corporellement, et on ne suit l'esprit des lois germaniques que dans la punition de ceux qu'ils commettent hors de leur territoire.

On y déclare que, pour leurs crimes, ils n'auront jamais de paix, et on leur refuse l'asile des églises mêmes.

Les évêques eurent une autorité immense à la cour des rois visigoths; les affaires les plus im

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Voyez le prologue du code des Bourguignons, et le code même; surtout le titre x1, § 5, et le tit. xxxvIII. Voyez aussi Grégoire de Tours, liv. 11, chap. xxx111; et le code des Visigoths.

2

Voyez ci-après le chap. 111.

3 Voyez le chap. 11, § 8 et 9; et le chap. 1v, § 2 et 7.

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