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a soyons chrétiens, et vous ne voulez pas l'être.

<< Mais, si vous ne voulez pas être chrétiens, soyez << au moins des hommes: traitez-nous comme vous << feriez si, n'ayant que ces foibles lueurs de jus<< tice que la nature nous donne, vous n'aviez

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point une religion pour vous conduire et une « révélation pour vous éclairer.

<< Sile ciel vous a assez aimés pour vous faire voir « la vérité, il vous a fait une grande grace: mais << est-ce aux enfants qui ont l'héritage de leur père « de haïr ceux qui ne l'ont pas eu?

« Que si vous avez cette vérité, ne nous la « cachez pas par la manière dont vous nous la << proposez. Le caractère de la vérité, c'est son

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triomphe sur les cœurs et les esprits, et non « pas cette impuissance que vous avouez, lors«< qué vous voulez la faire recevoir

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<< Si vous êtes raisonnables, vous ne devez pas << nous faire mourir, parce que nous ne voulons << pas vous tromper. Si votre Christ est le fils de « Dieu, nous espérons qu'il nous récompensera << de n'avoir pas voulu profaner ses mystères; et « nous croyons que le Dieu que nous servons, « vous et nous, ne nous punira pas de ce que «< nous avons souffert la mort pour une religion qu'il nous a autrefois donnée, parce que nous croyons qu'il nous l'a encore donnée.

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« Vous vivez dans un siècle où la lumière natu<< relle est plus vive qu'elle n'a jamais été, où la

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philosophie a éclairé les esprits, où la morale de votre Évangile a été plus connue, où les << droits respectifs des hommes les uns sur les « autres, l'empire qu'une conscience a sur une << autre conscience, sont mieux établis. Si donc << vous ne revenez pas de vos anciens préjugés, qui, si vous n'y prenez garde, sont vos passions, <«< il faut avouer que vous êtes incorrigibles, incapables de toute lumière et de toute instruc<< tion; et une nation est bien malheureuse qui << donne de l'autorité à des hommes tels que vous.

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« Voulez-vous que nous vous disions naïvement « notre pensée? Vous nous regardez plutôt comme « vos ennemis que comme les ennemis de votre «< religion; car si vous aimiez votre religion, vous <<< ne la laisseriez pas corrompre par une ignorance « grossière.

« Il faut que nous vous avertissions d'une chose; « c'est que si quelqu'un, dans la postérité, ose << jamais dire que dans le siècle où nous vivons « les peuples d'Europe étoient policés, on vous << citera pour prouver qu'ils étoient barbares; et « l'idée que l'on aura de vous sera telle qu'elle « flétrira votre siècle, et portera la haine sur tous a vos contemporains. >>

CHAPITRE XIV.

Pourquoi la religion chrétienne est si odieuse au Japon.

J'ai parlé du caractère atroce des ames japonaises. Les magistrats regardèrent la fermeté qu'inspire le christianisme, lorsqu'il s'agit de renoncer à la foi, comme très dangereuse : on crut voir augmenter l'audace. La loi du Japon punit sévèrement la moindre désobéissance. On ordonna de renoncer à la religion chrétienne; n'y pas renoncer c'étoit désobéir: on châtia ce crime, et la continuation de la désobéissance parut mériter un autre châtiment.

Les punitions chez les Japonais sont regardées comme la vengeance d'une insulte faite au prince. Les chants d'allégresse de nos martyrs parurent être un attentat contre lui: le titre de martyr intimida les magistrats; dans leur esprit, il signifioit rebelle; ils firent tout pour empêcher qu'on ne l'obtînt. Ce fut alors que les ames s'effarouchèrent, et que l'on vit un combat horrible entre les tribunaux qui condamnèrent et les accusés qui souffrirent, entre les lois civiles et celles de la religion.

1 Liv. vi, chap. xxiv.

CHAPITRE XV.

De la propagation de la religion.

Tous les peuples d'Orient, excepté les mahométans, croient toutes les religions en elles-mêmes indifférentes. Ce n'est que comme changement dans le gouvernement qu'ils craignent l'établissement d'une autre religion. Chez les Japonais, où il y a plusieurs sectes et où l'état a eu si longtemps un chef ecclésiastique, on ne dispute jamais sur la religion. Il en est de même chez les Siamois. Les Calmouks3 font plus; ils se font une affaire de conscience de souffrir toutes sortes de religions. A Calicut, c'est une maxime d'état que toute religion est bonne 4.

Mais il n'en résulte pas qu'une religion apportée d'un pays très éloigné, et totalement différent de climat, de lois, de moeurs, et de manières, ait tout le succès que sa sainteté devroit lui promettre cela est surtout vrai dans les grands empires despotiques : on tolère d'abord les étrangers, parce qu'on ne fait point d'attention à ce qui ne paroît pas blesser la puissance

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du prince; on y est dans une ignorance extrême de tout. Un Européen peut se rendre agréable par de certaines connaissances qu'il procure : cela est bon pour les commencements. Mais sitôt que l'on a quelque succès, que quelque dispute s'élève, que les gens qui peuvent avoir quelque intérêt sont avertis; comme cet état par sa nature demande surtout la tranquillité, et que le moindre trouble peut le renverser, on proscrit d'abord la religion nouvelle et ceux qui l'annoncent; les disputes entre ceux qui prêchent venant à éclater, on commence à se dégoûter d'une religion dont ceux qui la proposent ne conviennent pas.

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