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temples, dit Tacite 1, étoient remplis de débiteurs insolvables et d'esclaves méchants; les magistrats avoient de la peine à exercer la police; le peuple protégeoit les crimes des hommes comme les cérémonies des dieux; le sénat fut obligé d'en retrancher un grand nombre.

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Les lois de Moïse furent très sages. Les homicides involontaires étoient innocents, mais ils devoient être ôtés de devant les des yeux parents du mort: il établit donc un asile2 pour eux. Les grands criminels ne méritent point d'asile ; ils n'en eurent pas 3. Les Juifs n'avoient qu'un tabernacle portatif, et qui changeoit continuellement de lieu; cela excluoit l'idée d'asile. Il est vrai qu'ils devoient, avoir un temple; mais les criminels qui y seroient venus de toutes parts auroient pu troubler le service divin. Si les homicides avoient été chassés. hors du pays, comme ils le furent chez les Grecs, il eût été à craindre qu'ils n'adorassent des dieux étrangers. Toutes ces considérations firent établir des villes d'asile, où l'on devoit rester jusqu'à la mort du souverain pontife.

'Annal., liv. II.

2 Nomb., chap. xxxv.

3 lbid.

CHAPITRE IV.

Des ministres de la religion.

Les premiers hommes, dit Porphyre, ne sacrifioient que de l'herbe. Pour un culte si simple, chacun pouvoit être pontife dans sa famille.

Le désir naturel de plaire à la divinité multiplia les cérémonies; ce qui fit que les hommes, occupés à l'agriculture, devinrent incapables de les exécuter toutes, et d'en remplir les détails.

On consacra aux dieux des lieux particuliers; il fallut qu'il y eût des ministres pour en prendre soin, comme chaque citoyen prend soin de sa maison et de ses affaires domestiques. Aussi les peuples qui n'ont point de prêtres sont-ils ordinairement barbares. Tels étoient autrefois les Pédaliens 1; tels sont encore les Wolguski *.

Des gens consacrés à la divinité devoient être honorés, surtout chez les peuples qui s'étoient formé une certaine idée d'une pureté corporelle, nécessaire pour approcher des lieux les plus agréables aux dieux, et dépendante de certaines pratiques.

Le culte des dieux demandant une attention

Lilius Giraldus, page 726.

⚫ Peuples de la Sibérie. Voyez la Relation de M. Everard IsbrandsIdes, dans le Recueil des Voyages du Nord, tome vIII.

continuelle, la plupart des peuples furent portés à faire du clergé un corps séparé. Ainsi, chez les Égyptiens, les Juifs et les Perses', on consacra à la divinité de certaines familles qui se perpétuoient et faisoient le service.

Il y eut même des religions ou l'on ne pensa pas seulement à éloigner les ecclésiastiques des affaires, mais encore à leur ôter l'embarras d'une famille; et c'est la pratique de la principale branche de la loi chrétienne.

Je ne parlerai point ici des conséquences de la loi du célibat; on sent qu'elle pourroit devenir nuisible à proportion que le corps du clergé seroit trop étendu, et que par conséquent celui des laïques ne le seroit pas assez.

Par la nature de l'entendement humain, nous aimons, en fait de religion, tout ce qui suppose un effort, comme en matière de morale nous aimons spéculativement tout ce qui porte le caractère de la sévérité. Le célibat a été plus agréable aux peuples à qui il sembloit convenir le moins, et pour lesquels il pouvoit avoir de plus fâcheuses suites. Dans les pays du midi de l'Europe, où, par la nature du climat, la loi du célibat est plus difficile à observer, elle a été retenue; dans ceux du Nord, où les passions sont moins vives, elle a été proscrite. Il y a plus : dans les où il y a peu

pays

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d'habitants, elle a été admise; dans ceux où il y en a beaucoup, on l'a rejetée. On sent que toutes ces réflexions ne portent que sur la trop grande extension du célibat, et non sur le célibat même.

CHAPITRE V.

Des bornes que les lois doivent mettre aux richesses du clergé.

Les familles particulières peuvent périr; ainsi les biens n'y ont point une destination perpétuelle. Le clergé est une famille qui ne peut pas périr; les biens y sont donc attachés pour toujours, et n'en peuvent pas sortir.

Les familles particulières peuvent s'augmenter; il faut donc que leurs biens puissent croître aussi. Le clergé est une famille qui ne doit point s'augmenter; les biens doivent donc y être bornés.

Nous avons retenu les dispositions du Lévitique sur les biens du clergé, excepté celles qui regardent les bornes de ces biens: effectivement on ignorera toujours parmi nous quel est le terme après lequel il n'est plus permis à une communauté religieuse d'acquérir.

Ces acquisitions sans fin paroissent aux peuples si déraisonnables, que celui qui voudroit parler pour elles seroit regardé comme imbécille.

Les lois civiles trouvent quelquefois des ob

stacles à changer des abus établis, parce qu'ils sont liés à des choses qu'elles doivent respecter : dans ce cas, une disposition indirecte marque plus le bon esprit du législateur qu'une autre qui frapperoit sur la chose même. Au lieu de défendre les acquisitions du clergé, il faut chercher à l'en dégoûter lui-même; laisser le droit, et ôter le fait.

Dans quelques pays de l'Europe, la considération des droits des seigneurs a fait établir en leur faveur un droit d'indemnité sur les immeubles

acquis par les gens de main-morte. L'intérêt du prince lui a fait exiger un droit d'amortissement dans le même cas. En Castille, où il n'y a point de droit pareil, le clergé a tout envahi. En Aragon, où il y a quelque droit d'amortissement, il a acquis moins. En France, où ce droit et celui d'indemnité sont établis, il a moins acquis encore; et l'on peut dire que la prospérité de cet état est due en partie à l'exercice de ces deux droits. Augmentezles, ces droits, et arrêtez la main-morte, s'il est possible.

Rendez sacré et inviolable l'ancien et nécessaire domaine du clergé; qu'il soit fixe et éternel comme lui mais laissez sortir de ses mains les nouveaux domaines.

:

Permettez de violer la règle lorsque la règle est devenue un abus ; souffrez l'abus lorsqu'il rentre dans la règle.

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