Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE IV.

Des familles.

Il est presque reçu partout que

la femme passe

dans la famille du mari. Le contraire est, sans aucun inconvénient, établi à Formose 1, où le mari va former celle de la femme.

Cette loi, qui fixe la famille dans une suite de personnes du méme sexe, contribue beaucoup, indépendamment des premiers motifs, à la propagation de l'espèce humaine. La famille est une sorte de propriété : un homme qui a des enfants du sexe qui ne la perpétue pas n'est jamais content qu'il n'en ait de celui qui la perpétue.

Les noms qui donnent aux hommes l'idée d'une chose qui semble ne devoir pas périr, sont très propres à inspirer à chaque famille le désir d'étendre sa durée. Il y a des peuples chez lesquels les noms distinguent les familles : il y en a où ils ne distinguent que les personnes; ce qui n'est pas si bien.

'Le P. Duhalde, tome 1, page 165.

ཨ་་་

་་་་་་་་་་་

CHAPITRE V.

Des divers ordres de femmes légitimes.

Quelquefois les lois et la religion ont établi plusieurs sortes de conjonctions civiles; et cela est ainsi chez les mahométans, où il y a divers ordres de femmes, dont les enfants se reconnoissent par la naissance dans la maison, ou par des contrats civils, ou même par l'esclavage de la mère, et la reconnoissance subséquente du père.

Il seroit contre la raison que la loi flétrît dans les enfants ce qu'elle a approuvé dans le père: tous ces enfants y doivent donc succéder, à moins que quelque raison particulière ne s'y oppose, comme au Japon, où il n'y a que les enfants de la femme donnée par l'empereur qui succèdent. La politique y exige que les biens que l'empereur donne ne soient pas trop partagés, parce qu'ils sont soumis à un service, comme étoient autrefois nos fiefs.

[ocr errors]

Il y a des pays où une femme légitime jouit dans la maison, à peu près des honneurs qu'a dans nos climats une femme unique: là, les enfants des concubines sont censés appartenir à la première femme cela est ainsi établi à la Chine. Le respect filial', la cérémonie d'un deuil rigoureux, ne sont 1 Le P. Duhalde, tome 11, page 124.

point dus à la mère naturelle, mais à cette mère que donne la loi.

A l'aide d'une telle fiction1, il n'y a plus d'enfants bâtards; et dans les pays où cette fiction n'a pas lieu, on voit bien que la loi qui légitime les enfants des concubines est une loi forcée, car ce seroit le gros de la nation qui seròit flétri par la loi. Il n'est pas question non plus, dans ces pays, d'enfants adultérins. Les séparations des femmes, la clôture, les eunuques, les verroux, rendent la chose si difficile, que la loi la juge impossible! D'ailleurs le même glaive extermineroit la mère et l'enfant.

CHAPITRE VI.

Des bâtards dans les divers gouvernements.

On ne connoît donc guère les bâtards dans les pays où la polygamie est permise; on les connoît dans ceux où la loi d'une seule femme est établie. Il a fallu, dans ces pays, flétrir le concubinage; il a donc fallu flétrir les enfants qui en étoient nés.

Dans les républiques, où il est nécessaire que

1 On distingue les femmes en grandes et petites, c'est-à-dire en légitimes ou non; mais il n'y a point une pareille distinction entre les enfants. C'est la grande doctrine de l'empire, est-il dit dans un ouvrage chinois sur la morale, traduit par le même père, page 140.

les mœurs soient pures, les bâtards doivent être encore plus odieux que dans les monarchies.

On fit peut-être à Rome des dispositions trop dures contre eux. Mais les institutions anciennes mettant tous les citoyens dans la nécessité de se marier, les mariages étant d'ailleurs adoucis par la permission de répudier ou de faire divorce, il n'y avoit qu'une très grande corruption de mœurs qui pût porter au concubinage.

Il faut remarquer que, la qualité de citoyen étant considérable dans les démocraties, où elle emportoit avec elle la souveraine puissance, il s'y faisoit souvent des lois sur l'état des bâtards, qui avoient moins de rapport à la chose même et à l'honnêteté du mariage qu'à la constitution particulière de la république. Ainsi le peuple a quelquefois reçu pour citoyens les bâtards, afin d'augmenter sa puissance contre les grands. Ainsi à Athènes le peuple retrancha les bâtards du nombre des citoyens, pour avoir une plus grande portion du blé que lui avoit envoyé le roi d'Égypte. Enfin Aristote nous apprend que dans plusieurs villes, lorsqu'il n'y avoit pas assez de citoyens, les bâtards succédoient, et que quand il y en avoit assez ils ne succédoient pas.

2

Voyez Aristote, Politique, liv. vi, chap. iv. a Ibid., liv. 111, chap. III.

CHAPITRE VII.

Du consentement des pères au mariage.

Le consentement des pères est fondé sur leur puissance, c'est-à-dire sur leur droit de propriété; il est encore fondé sur leur amour, sur leur raison, et sur l'incertitude de celle de leurs enfants, que l'âge tient dans l'état d'ignorance, et les passions dans l'état d'ivresse.

Dans les petites républiques ou institutions singulières dont nous avons parlé, il peut y avoir des lois qui donnent aux magistrats une inspection sur les mariages des enfants des citoyens, que la nature avoit déja donnée aux pères. L'amour du bien public y peut être tel qu'il égale ou surpasse tout autre amour. Ainsi Platon vouloit que les magistrats réglassent les mariages: ainsi les magistrats lacédémoniens les dirigeoient-ils.

Mais dans les institutions ordinaires, c'est aux pères à marier leurs enfants; leur prudence à cet égard sera toujours au dessus de toute autre prudence. La nature donne aux pères un désir de procurer à leurs enfants des successeurs qu'ils sentent à peine pour eux-mêmes : dans les divers degrés de progéniture, ils se voient avancer insensiblement vers l'avenir. Mais que seroit-ce si la vexation et l'avarice alloient au point d'usurper l'auto

« PreviousContinue »