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maintinrent ce commerce, dont nous avons parlé au chapitre VI, qui se faisoit par les terres et par les fleuves, et qui avoit reçu de nouvelles facilités par l'établissement des colonies macédoniennes; de sorte que l'Europe communiquoit avec les Indes et par l'Égypte et par le royaume de Syrie. Le démembrement qui se fit du royaume de Syrie, d'où se forma celui de Bactriane, ne fit aucun tort à ce commerce. Marin, Tyrien, cité par Ptolomée 1, parle des découvertes faites aux Indes par le moyen de quelques marchands macédoniens. Celles que les expéditions des rois n'avoient pas faites, les marchands les firent. Nous voyons dans Ptolomée 2 qu'ils allèrent depuis la tour de Pierre 3 jusqu'à Séra; et la découverte faite par les marchands d'une étape si reculée, située dans la partie orientale et septentrionale de la Chine, fut une espèce de prodige. Ainsi, sous les rois de Syrie et de Bactriane, les marchandises du midi de l'Inde passoient par l'Indus, l'Oxus, et la mer Caspienne, en occident; et celles des contrées plus orientales et plus septentrionales étoient portées depuis Séra, la tour de Pierre et autres étapes, jusqu'à l'Euphrate. Ces marchands faisoient leur route, tenant à peu près

▾ Liv. 1, chap. 11.

› Liv. vi, chap. XIII.

3 Nos meilleures cartes placent la tour de Pierre au centième degré de longitude, et environ le quarantième de latitude.

le quarantième degré de latitude nord, par des pays qui sont au couchant de la Chine, plus policés qu'ils ne sont aujourd'hui, parce que les Tartares ne les avoient pas encore infestés.

Or, pendant que l'empire de Syrie étendoit si fort son commerce du côté des terres, l'Égypte n'augmenta pas beaucoup son commerce maritime.

Les Parthes parurent, et fondèrent leur empire; et, lorsque l'Égypte tomba sous la puissance des Romains, cet empire étoit dans sa force, et avoit reçu son extension.

Les Romains et les Parthes furent deux puissances rivales, qui combattirent, non pas pour savoir qui devoit régner, mais exister. Entre les deux empires, il se forma des déserts; entre les deux empires, on fut toujours sous les armes : bien loin qu'il y eût de commerce', il n'y eut pas même de communication. L'ambition, la jalousie, la religion, la haine, les mœurs séparèrent tout. Ainsi le commerce entre l'occident et l'orient, qui avoit eu plusieurs routes, n'en eut plus qu'une ; et Alexandrie étant devenue la seule étape, cette étape grossit.

Je ne dirai qu'un mot du commerce intérieur. Sa branche principale fut celle des blés qu'on faisoit venir pour la subsistance du peuple de Rome : ce qui étoit une matière de police plutôt qu'un objet de commerce. A cette occasion, les

nautoniers reçurent quelques priviléges, parce 'que le salut de l'empire dépendoit de leur vigilance.

CHAPITRE XVII.

Du commerce après la destruction des Romains en Occident.

L'empire romain fut envahi; et l'un des effets de la calamité générale fut la destruction du commerce. Les barbares ne le regardèrent d'abord que comme un objet de leurs brigandages; et, quand ils furent établis, ils ne l'honorèrent pas plus que l'agriculture et les autres professions du peuple vaincu.

Bientôt il n'y eut presque plus de commerce en Europe; la noblesse, qui régnoit partout, ne s'en mettoit point en peine.

de

La loi des Wisigoths permettoit aux particuliers d'occuper la moitié du lit des grands fleuves, pourvu que l'autre restât libre pour les filets et pour les bateaux; il falloit qu'il y eût bien ly peu commerce dans les pays qu'ils avoient conquis. Dans ces temps-là s'établirent les droits insensés d'aubaine et de naufrage : les hommes pensèrent que, les étrangers ne leur étant unis par aucune

Suet. in Claudio. Leg. vII, cod. Theodos. de naviculariis. 2 Liv. VIII, tit. IV, S 9.

communication du droit civil, ils ne leur devoient d'un côté aucune sorte de justice, et de l'autre aucune sorte de pitié.

Dans les bornes étroites où se trouvoient les peuples du nord, tout leur étoit étranger : dans leur pauvreté, tout étoit pour eux un objet de richesses. Établis avant leurs conquêtes sur les côtes d'une mer resserrée et pleine d'écueils, ils avoient tiré parti de ces écueils mêmes.

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Mais les Romains, qui faisoient des lois pour tout l'univers, en avoient fait de très humaines sur les naufrages : ils réprimièrent à cet égard les brigandages de ceux qui habitoient les côtes; et, ce qui étoit plus encore, la rapacité de leur fisc 2.

CHAPITRE XVIII.

Règlement particulier.

La loi 3 des Wisigoths fit pourtant une disposition favorable au commerce; elle ordonna que les marchands qui venoient de delà la mer seroient jugés, dans les différends qui naissoient entre eux,

Toto titulo, ff, de incend. ruin. naufrag. et cod. de naufragiis, et leg. III, ff. de leg. Cornel. de sicariis.

› Leg. 1, cod. de naufragiis.

3 Liv. Ix, tit. III, § 2.

par les lois et par des juges de leur nation. Ceci étoit fondé sur l'usage établi chez tous ces peuples mêlés, que chaque homme vécût sous sa propre loi; chose dont je parlerai beaucoup dans la suite.

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CHAPITRE XIX.

Du commerce depuis l'affoiblissement des Romains en Orient.

Les mahométans parurent, conquirent, et se divisèrent. L'Égypte eut ses souverains particuliers: elle continua de faire le commerce des Indes. Maîtresse des marchandises de ce pays, elle attira les richesses de tous les autres. Ses soudans furent les plus puissants princes de ces temps-là : on peut voir dans l'histoire comment, avec une force constante et bien ménagée, ils arrêtèrent l'ardeur, la fougue et l'impétuosité des croisés.

CHAPITRE XX.

Comment le commerce se fit jour en Europe à travers la barbarie.

La philosophie d'Aristote ayant été portée en occident, elle plut beaucoup aux esprits subtils, qui, dans les temps d'ignorance, sont les beaux esprits. Des scolastiques s'en infatuèrent, et prirenț

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