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vention toutes les institutions sociales, et, dans leur aveugle fureur, jusqu'à Dieu lui-même. Sans se donner la peine d'examiner si c'est en conséquence des principes de ces institutions, ou à cause de l'oubli de ces principes que le mal moral s'est multiplié sur la terre, ils condamnent tout ordre social, toute religion, toute philosophie qui n'est point de leur fait.

Cosmogonie, psychologie, morale, économie politique, agriculture, médecine, art militaire, ils réforment et refondent tout; ils prennent le contre-pied de la sagesse des nations, et, faisant rebrousser chemin au monde moral, ils se mettent à rêver l'affranchissement de tous les devoirs, la jouissance égale de tous les biens, la satisfaction de toutes les passions, comme l'apanage final de l'homme et sa plus haute félicité.

La famille se présente naturellement à eux comme le principal obstacle à l'accomplissement de leur œuvre. Elle est, en effet, le sanctuaire où se développe la sensibilité naturelle à l'homme, ce principe vivifiant de toutes ses vertus. C'est dans son sein que, jettent de profondes racines, ces sentiments de sympa

thie, de justice, de bienveillance, de commisération, qui élèvent le dévouement jusqu'au sacrifice et constituent la véritable fraternité. C'est là que se contractent et se fortifient ces habitudes austères de désintéressement, de support, de pauvreté noblement soufferte, l'honneur de l'humanité; c'est là que germent et florissent ces vertus cachées qui combattent et neutralisent les ferments de dissolution que la société civile porte toujours dans son sein. La famille est le dernier asile où se réfugient ces traditions sacrées de fidélité aux devoirs, ces sentiments de pudeur publique que les peuples, les plus corrompus, n'abdiquent jamais que temporairement, même aux jours de confusion et d'anarchie qui sont la honte de leur histoire.

Pour se défaire de la famille, on ne balance pas à l'attaquer dans sa base. On prétend abroger les lois qui régissent l'union des sexes. C'est s'en prendre à la nature elle-même, dont ces lois sont l'ouvrage. On ne saurait, en effet, détruire la famille sans dénaturer l'homme. Aussi commence-t-on par renverser les termes de la proportion humaine. L'ordre naturel est

interverti, la révolution est complète. La royauté de la raison est abolie, la chair émancipée, les instincts brutaux sont déchaînés, la puissance est déférée aux passions; on n'en connaît plus de mauvaises. L'homme est appelé à les satisfaire toutes. La raison est mise à leur service: son chef-d'œuvre sera désormais de maintenir l'harmonie entre elles par une amiable composition, sous un régimė également exempt de prévention et de répression.

La fausseté d'une telle doctrine égale son cynisme et sa grossièreté. Nous sommes encore ici condamnés à rappeler des vérités expérimentales, vieilles comme le monde, et devenues triviales, à force d'être répétées, dans toutes les langues et par les sages de tous les pays. La voix des siècles, l'expérience, cette maîtresse de la vie, proclament hautement que les jouissances des sens sont insuffisantes à remplir le cœur de l'homme; qu'il devient le jouet de ses désirs quand il s'y abandonne; que ses passions sont prodigues jusqu'à la dissipation de ses forces physiques, intellectuelles et morales, et, qu'au prix de sa dignité et de sa liberté perdues, elles ne lui donnent que des plaisirs mensongers, incapables d'étancher

cette soif ardente de félicité qui le tourmente. Cependant, au nom de la réforme sociale, on ose avouer effrontément qu'on entend transformer en vertus la plupart de nos vices, et on croit s'acquitter envers la morale, en s'engageant à transformer en vices ce qu'on appelle les gentillesses du monde élégant.

Il n'est pas difficile de purifier les mœurs quand on commence par jeter sur l'impureté un voile officieux. Autoriser les conjonctions passagères et désordonnées, régulariser les liaisons iniques, légitimer la prostitution, c'est rendre le vice licite; mais cette dissimulation légale ne saurait le rendre honnête. Au lieu de transformer le vice en vertu, elle ferait de la loi la complice du vice : elle la rendrait immorale.

La vertu n'est pas une forme; elle ne résulte pas des distinctions du droit politique ou civil. La prostitution, l'infidélité, le désordre, ne sont pas de vains mots. Ces mots expriment des réalités, à savoir : l'oubli du respect de soi-même et d'autrui; la violation de l'équité naturelle et de l'ordre moral. Ces choses ne sont point rangées au nombre des vices par l'effet d'une classification arbitraire, mais à cause de leur nature. Il

est aussi impossible de les déclasser que de la

changer.

La volonté ambulatoire de l'homme est impuissante à intervertir les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses. Il ne saurait dépendre d'elle que la santé et la maladie ne soient pas deux états différents; que le parfait équilibre des forces vitales ne constitue pas la santé, et que la maladie cesse d'être une perturbation dangereuse de l'action régulière de ces forces. L'homme, par sa volonté, peut compromettre ou détruire sa santé intellectuelle ou morale, comme sa santé physique; mais il ne dépend pas de lui de maintenir, en harmonie, ses forces corporelles, et de procurer le parfait accomplissement des fonctions de ses organes, par des procédés qui troublent cette harmonie, dépravent ses organes et dissipent ses forces.

Ce qui lui est impossible au physique ne lui est pas moins impossible au moral. Or, les vices sont des habitudes contraires à la santé intellectuelle ou morale de l'homme, à sa constitution naturelle et à sa destination; ils énervent ses forces intellectuelles et ruinent sa vie morale. Nous aurons peu de peine à le prouver.

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