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acide carbonique, qui, se combinant lui-même ensuite avec les divers oxydes métalliques et alkalins (qui résultent à leur tour, d'une combinaison chimique de l'oxygène avec les bases oxydables qu'offrent tous les métaux et les alkalis,) donna naissance aux différents carbonates de fer, de cuivre, de plomb, de chaux, etc., etc., que l'on trouve épars parmi les minéraux.

Ainsi, monsieur, sans avoir eu recours à des millions d'années, mais bien en adoptant votre système des jours naturels, dont Dieu a voulu se servir dans la création, je crois que d'après d'autres hypothèses, il est vrai, (car on ne saurait raisonner ici sans en admettre,) mais qui ne répugnent pas au récit de l'écriture sainte, je vous ai donné quelques raisons plausibles pour prouver comment ont pu avoir lieu les égarements de quelques minéraux et l'origine secondaire des mines de charbon de terre que, pour plusieurs raisons physiques et spéculatives, (mais que vous voudrez bien me dispenser de nommer ici,) je ne saurais me résoudre à considérer avec vous comme une substance primitive; et le fait bien connu que le charbon de terre ne se trouve situé que dans les strata superficiels de la troisième classe, ou classe secondaire, ne contribue pas peu à supporter mon opinion.

Quant aux cadavres de rhinocéros, d'éléphants, etc., que l'on trouve épars sur les montagnes du nord, je n'ai pas de peine à me rendre à l'opinion que vous avez qu'ils ont pu y avoir été déposés par les eaux du déluge, et je crois que le professeur Bucchan d'Oxford, entretient cette même idée. Mais pour ce qui est du prétendu besoin de la force centripète et centrifuge qu'a pu avoir la terre pour se maintenir dans l'espace, je n'entreprendrai pas de le croire, et encore bien moins de le prouver, et quoique je suis bien persuadé que Dieu n'avait qu'à vouloir que la terre restât dans l'espace, et qu'elle pouvait y demeurer comme suspendue, sans l'intervention d'aucune puissance étrangère, cependant je ne saurais lui refuser la force centripète, qui résulte naturellement de la gravité spécifique des minéraux, et de l'attraction mutuelle qu'ont entre elles ses autres parties constituantes, et je crois qu'avant le quatrième jour de la création, temps où Dieu créa les différents astres, cette force centripète dépendant de l'attraction innée des constituants de la terre, devait être d'autant plus considérable, qu'il n'y avait encore alors aucun objet créé, qui, par sa propre attraction, pût affaiblir celle des diverses parties de la terre, en l'attirant vers sa surface, et la détournant de son cours naturel vers son centre, ce qui semble donner une preuve négative de sa force centrifuge avant la création des astres. Ainsi, quoique cette loi de la force centripète ne fut pas, comme je le crois avec vous, nécessaire à la complétion des œuvres de Dieu, cependant, en étant l'auteur et n'ayant rien créé sans dessein, il est très

possible, pour ne pas dire plus que probable, qu'il a bien voulu se la rendre utile, pour empêcher, par un procédé naturel, les constituants de la terre de se diviser, de perdre leur état de contiguité, et de se disperser dans l'espace. On voit une bonne illustration du principe que j'avance dans une goutte d'un liquide quelconque, et surtect è= vif-argent, laquelle, par l'attraction mutuelle entre ses parties intégrantes, est portée à se maintenir dans un état indivis, et même à conserver une forme sphérique.

Je ne saurais terminer cette lettre, sans vous prier de vouloir bien me permettre de relever deux de vos avancés, que je crois n'être pas fondés. lo. Vous dites que les constituants de la terre sont “dans un état d'amorcellement et dans un désordre extrême, d'où vient la science de la géologie." Or, une science naturelle ne naît pas de la confusion et du désordre, mais bien de l'ordre et de la régularité, plus ou moins considérable, que présentent les différents objets de la création, soit dans leur apparence, soit dans leur caractère, soit enfin dans leurs propriétés physiques ou autres, dont elle fait l'étude particulière; et à l'exception de l'égarement de quelques fragments, la stratification des minéraux est en effet si régulière, que lorsqu'une classe, ou un strat manque, on est certain de trouver ensuite la classe, ou le stratum qui devait venir en succession. La géologie donc, qui traite de la situation relative des minéraux (observant seulement la manière dont ils ont été placés par les mains de la nature), ne saurait naître de leur état d'amorcellement et de désordre extrême.

20. Vous dites que "demander pourquoi et comment, quand il s'agit des œuvres de Dieu, c'est une impiété." Or, tous les objets créés, qui ont quelque relation avec nous, et qui peuvent avoir quelque effet sur nos sens, avec leurs diverses propriétés physiques, intrinsèques et extrinsèques, et dont résultent leurs modifications nombreuses, relatives et collectives, sont indubitablement tous, sans exception, les œuvres de Dieu; mais je ne saurais être persuadé que la religion restreint les fidèles au simple privilége seulement d'observer de loin, d'un œil timide et craintif, les faits naturels ou accidentels qui procèdent de l'opération spécifique des lois physiques, sous l'influence continuelle desquelles il a plu à Dieu de soumettre les œuvres de sa création, sans leur permettre de demander quand, pourquoi, comment et de quelle manière ces mêmes faits ont pu avoir eu lieu. A la vérité, je ne suis ni théologien ni casuiste; mais je crois bien sincèrement que la religion, loin d'accuser d'impiété les fidèles qui se livrent à l'investigation des objets variés que la belle nature offre journellement à leurs regards curieux, les laisse dans la liberté franche de pousser aussi loin que possible la recherche et l'étude des causes primitives, secondaires, ou accidentelles, qui ont

pu avoir produit les faits ou effets naturels qui attirent, tous les jours, leur considération particulière, et ce, d'autant plus, que cette recherche et cette étude des causes naturelles ou autres, au lieu d'aliéner, excite plus le chrétien à admirer les œuvres du Seigneur, et à s'en rapprocher, par la pensée et par les réflexions que demande de lui un si noble exercice. En effet, sans parler de beaucoup d'autres, quelle science connue tend plus à toucher le cœur de l'homme, et à le rapprocher de son créateur, que celle (l'anatomie) qui nous enseigne la structure des divers organes de cette fabrique admirable, le corps humain? Si Newton, Lavoisier, Bichat, Cuvier, Franklin, etc., parmi les laïcs, et Bacon, Bossuet, l'abbé Haüy, etc., du clergé, n'eussent pas entretenu l'idée que je défends ici, on ne verrait peut-être pas, dans un état presque parfait, les sciences utiles dont ces hommes illustres sont, pour ainsi dire, les pères. Mais c'est la chose que l'on confond avec l'abu que l'on en peut faire; et si vous me dites que l'étude de la philosophie et de l'histoire naturelle, qui admettent toutes les questions que vous condamnez, est peu recommandable, parce qu'elle met ses amateurs dans le danger d'en abuser, je vous répondrai qu'il serait aussi convenable pour vous de prétendre qu'on ne devrait pas administrer aux fidèles les sacrements dont ils paraissent désirer de recevoir la grâce, parce qu'il pourrait y en avoir quelques-uns qui, par un abus criminel, oseraient en profaner la sainteté.

J'espère, monsieur, que vous ne me saurez pas mauvais gré de cette petite critique discursive, que j'ai pensé devoir faire sur vos avancés, parce que je les ai crus de nature à pouvoir intimider et décourager ceux des jeunes gens qui pourraient être naturellement portés à se livrer à l'étude de la philosophie, et surtout de l'histoire naturelle, d'où résulte un si grand avantage pour la société, et à dégrader trop, en représentant dans un désordre extrême les parties constituantes de notre globe, une science dont l'étude est aussi d'une grande utilité, la géologie, qui nous enseigne encore de plus que dans tel ou tel stratum se trouve généralement déposé tel ou tel métal, etc., etc.

Pour moi, dans l'humble espérance de pouvoir être un peu utile, si une petite indépendance, du côté de la fortune, et un peu plus de santé me le permettaient, je n'aurais aucun scrupule d'exercer un peu mes faibles talents dans la poursuite de cette étude, qui malheureusement, ne compte encore que bien peu d'amateurs dans notre pays.

Vous voyez que j'ai été très prolixe, et qu'après tout, je n'ai encore fait qu'effleurer votre communication intéressante, qui, pour en faire une critique convenable, demanderait la matière d'un volume entier. En effet, les questions importantes que vous y agitez, sont d'une nature si abstruse, que plus je les examine, plus je vois se grossir le travail

pénible auquel il faudrait se soumettre, afin d'exposer clairement les différents principes physiques et chimiques auxquels il faut nécessairement avoir recours, pour pouvoir établir la géologie sur une base philosophique, raisonnable et chrétienne. Mais en admettant votre système des jours naturels, ou solaires, et les opinions que je viens de me permettre d'avancer, et en reconnaissant, comme on le doit toujours, la toute-puissance de Dieu, qui n'avait qu'à vouloir pour que tout fut parfaitement exécuté, on se range en sûreté sous l'étendard saint de la révélation, et l'on fait disparaître un grand nombre des difficultés qu'exposent les questions que vous avez agitées; et quoique le créateur n'ait pas été dans la nécessité d'attendre qu'une substance fût faite, et que tel ou tel événement fût complété, pour procéder à la création des autres substances qu'il avait encore intention de produire, cependant, on est forcé de remarquer que, dès le commencement, il a bien voulu, en observant certaines périodes, tels que les jours naturels dont vous parlez, donner aux diverses substances le temps de se combiner ensemble, et de subir entre elles les changements et les opérations, qui par l'ordre établi et co-créé avec elles, leur étaient naturels, d'après l'impulsion des lois physiques, sous l'influence continuelle desquelles il lui a plu de les placer, dès le moment de leur création, pour y demeurer jusqu'à ce qu'il lui plaise d'en changer ou d'en arrêter le cours; la connaissance ou la conception des causes probables ou des principes de ces mêmes opérations, changements et combinaisons, qui résultent naturellement de l'ordre de choses que Dieu lui-même a établi, sert à dissiper les autres difficultés apparentes: et c'est dans cette espérance, que j'aime à me souscrire, très respectueusement, monsieur,

Votre serviteur très humble,

J. B. MEILLEUR, M. D. (1)

(1) M. Jean-Baptiste Meilleur, l'un des fondateurs du collège de l'Assomption, est né à St. Laurent, Ile de Montréal, le 9 mai 1796. Il fut gradué Docteur en Médecine le 14 décembre 1824. En 1830, le Dr. Meilleur fut élu membre du Bureau Médical d'Examinateurs pour le district de Montréal, et il fut réélu en 1833. Il rédigea l'Echo du Pays pendant quelques mois en 1834. Le comté de Leinster le nomma représentant du peuple dans la Chambre d'Assemblée du Bas-Canada, le 6 novembre 1834. Il fut nommé Surintendant de l'Education dans le Bas-Canada, le 11 mai 1842. M. Meilleur a publié, en différents temps, les ouvrages dont suivent les titres: Traité sur la Chimie; Grammaire Anglaise, en français; Traité sur la prononciation de la langue française, en anglais; Traité sur l'art épistolaire; Géographie et Statistique du comté de Leinster; Série de lettres sur l'Education primaire; et plusieurs Rapports sur l'état de l'Education, dans le Bas-Canada. M. Meilleur a publié aussi, dans les journaux, bon nombre d'écrits sur l'agriculture.

1829.

LES FAUX ET VRAI CENTENAIRES CANADIENS,

OU FRS. FORGUE-MOUROUGEAU ET MARIE SAVARD-JULIEN. "Rien n'est beau que le vrai, le vrai seul est aimable."

(BOIL.)

I.-Frs. Forgue-Mourougeau, ou le faux Centenaire.

Les journaux de Montréal et de Québec ont appris, à qui les ont lus dans le temps, que le 15 mai 1829, il mourut à Ste. Rose, près Montréal, un individu des noms ci-dessus, à l'âge très avancé de 124 ans ! Ce seul incident de la vie d'un particulier, d'ailleurs absolument obscur, devait suffire pour lui mériter un mot de notice publique. Aussi, après avoir dit que François Forgue-Morugeau (pour Mourougeau), naquit à Québec en 1705, les journaux ajoutèrent: "qu'il passa une partie de "sa vie dans les Indes Occidentales (ou Iles) françaises, et fut présent "aux principaux événements où les Canadiens se distinguèrent par leur "valeur." (Gaz. de Québec, etc.) Tout cela, pour parler poliment, tout cela est de la poésie!... vous m'entendez? Au reste, voici ma preuve :

J'avais entendu parler, dès avant 1825, de cet homme extraordinaire par son âge. Il vivait alors à St. Martin, dans l'Ile Jésus, au petit village près le passage. Il y était connu sous le nom de Bon-homme Cent ans. J'y vais exprès en 1827, et j'entre de suite en conversation:

"Eh bien! père, quel âge a-t-on ? la main sur la conscience.-Cent vingt-deux ans, monsieur.-Certes! Et en quelle année est-on né?— En 1705.-A merveille, père, c'est exact au moins. Quel est votre nom?-FRANÇOIS FORGUE dit MOUROUGEAU.-Les noms de vos père et mère?-PIERRE MOUROUGEAU et MARIE BOISSEL.-Bien. Et se rappelle-t-on du parrain et de la marraine ?—Oh oui ; ce furent mon grandpère BOISSEL et ma tante TURGEON.-Mais on ne peut mieux, père; la mémoire est bonne encore... Et se souvient-on du prêtre qui nous a baptisé ?-Eh mais, ce n'est pas le même, je crois... hé, hé, hé, hé; celui qui m'a baptisé, moi, c'est le bon M. CHASLE, curé de Beaumont, ma paroisse: c'était un saint homme."

Muni de ces notes et de quelques autres détails, plus ou moins véridiques peut-être, sur les faits et gestes de notre soi-disant centenaire, par quelques-uns desquels j'appris qu'il avait été anciennement maçon, puis matelot-caboteur entre Québec et l'Acadie, et qu'il n'avait jamais tué d'anglais... hé, hé, hé (le bon-homme avait l'âme joviale), je pris congé de lui; certain d'en avoir assez pour mettre le curé de Beaumont

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