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1827. GÉOLOGIE.

À M. J. M. BÉLANnger, curé de sT. PAUL DE LAVALTRIE.

TRÈS RESPECTABLE MONSIEUR,-Puisque vous avez eu la condescendance de me soumettre vos réflexions sur quelques faits géologiques, pour en savoir mon opinion, je me rends très volontiers à votre désir, et prends sur moi de vous la donner d'une manière libre et indépendante, et j'espère que vous ne trouverez pas mauvais que je le fasse publiquement, mon motif étant de rendre, quoiqu'un peu tard, au moins quelques faibles hommages à votre communication intéressante. Vos idées nouvelles, sur quelques faits géologiques, pour être plus chrétiennes, ne sont pas moins libérales et ingénieuses, et ne méritent pas moins la considération particulière de l'homme lettré, vu surtout qu'elles ne s'éloignent pas des principes fondés de la saine philosophie.

Accoutumé à respecter peu les différentes hypothèses des géologues, sur lesquelles ils prétendent établir leurs systèmes chimériques, pour expliquer les diverses opérations qui, selon eux, ont dû avoir lieu, pour avoir pu produire l'arrangement géologique des matières inorganiques qui composent le globe que nous habitons, si pour satisfaire un peu la raison, je dois adopter un système ou un autre, après tout bien considéré, j'aime autant, pour ne pas dire mieux, adopter celui des jours solaires, ou de vos vingt-quatre heures, que celui des périodes de Deluc, ou des époques de Buffon, ou de l'exposition imaginaire de quelques autres philosophes modernes.

La géologie étant, de toutes sciences, la plus spéculative, le philosophe, en faisant l'application de ses principes, devrait toujours s'efforcer de faire servir et de soumettre la philosophie à la révélation, et non la révélation à la philosophie; car bien que celle-ci, surtout à l'aide puissante de la chimie, nous mettent généralement en état de nous rendre raison du plus grand nombre des faits et des opérations qui résultent naturellement des diverses propriétés physiques, telles que la cohésion, l'affinité, les différentes attractions, la gravité spécifique, etc., des corps physiques; cependant, il est bien connu qu'elle ne saurait le faire dans tous les cas. Par exemple, pour ne pas nous écarter de notre sujet, la philosophie ne saurait nous faire connaître la raison physique pour laquelle les particules intégrantes de certains minéraux, tels que le quartz, le feldspath, le mica, etc., qui composent la plupart des strata (ou couches) géologiques de la première classe, sont naturellement portées, les unes à se cristalliser et à prendre la forme de certains angles, et les autres à s'agréger et cobérer ensemble,

sans l'intervention d'aucun ciment quelconque. La philosophie nous dit bien, il est vrai, que ces différents états, soit cristallisés, soit aformes, ou sans régularité géométrique, que prennent ces minéraux, leur sont naturels, et qu'ils dépendent de leurs propriétés physiques, ou de l'arrangement chimique de leurs particules intégrantes; mais elle ne saurait nous faire connaître, d'une manière précise, la raison naturelle pour laquelle ces mêmes particules, par leur disposition chimique, donnent l'existence à tels ou tels faits, qui font autant de caractères physiques par lesquels on les distingue les uns des autres, non plus qu'elle ne pourrait nous dire pourquoi des plantes, croissant sous l'influence du même climat et des mêmes circonstances, ont, les unes certaines propriétés médicinales, et les autres d'autres, qui sont aussi différentes dans les effets qu'elles produisent sur les divers organes de la constitution humaine, que l'est leur apparence extérieure, à la seule vue de leur feuillage, etc.

Dans les recherches, souvent plus curieuses qu'utiles, que le philosophe fait des causes primitives, la philosophie lui permet, quelquefois, d'avancer de quelques pas lents vers leur découverte désirée; mais ce n'est que pour ensuite le laisser encore dans la même incertitude, ou dans la nécessité humiliante de rétrograder dans les mêmes ténèbres et la même obscurité qu'il se flattait de pouvoir dissiper; ou plutôt, elle le laisse, après tout, dans l'obligation finale de reconnaître le créateur de toutes choses comme le seul auteur des causes primitives de tous les faits, apparents ou réels, qui, journellement, attirent plus ou moins son attention particulière.

Cependant, je suis bien éloigné de prétendre qu'en physique, non plus qu'en médecine, l'on pourrait être justifiable en négligeant la recherche et l'étude des causes primitives et secondaires, et même accidentelles, des faits ou effets qui, tous les jours, demandent de nous un examen particulier; bien au contraire, je crois que quand l'occasion s'en présente, chacun doit se faire un devoir scrupuleux de pousser courageusement l'une et l'autre aussi loin que possible. Mais venons à notre sujet principal.

Les difficultés apparentes qu'offre le système des jours solaires ou naturels, ou de vos vingt-quatre heures, ne sont pas tout-à-fait aussi multipliées, qu'on est porté à le penser au premier aperçu. Déjà, quoique d'après un système différent, la collection des coquillages et des pierres calcaires, ou à chaux, (shell limestone) portant, pour la plupart, l'empreinte de certains animaux de mer, et même d'eau douce et de la terre, est considérée par plusieurs philosophes modernes, (tels que l'illustre Cuvier en France, mon savant professeur Eaton, A. M. aux Etats-Unis, et le fameux nouveau professeur de géologie, etc., à l'université d'Oxford,) comme ayant dû avoir eu lieu précisément de la

même manière que vous le suggérez, c'est-à-dire qu'ils croient, et même enseignent, que ces diverses substances, depuis la création du monde jusqu'à la fin du déluge, ont pu, par le mouvement, l'agitation et le retirement des eaux, s'accumuler au nombre que nous les voyons. Mais pour ce qui regarde la situation relative des minéraux dont consistent les différents strata qui composent, en partie, notre globe, il n'est pas aussi aisé d'en donner une explication philosophique qui s'accorde parfaitement avec les renseignements que nous donne l'écriture sainte. Cependant, persuadé, comme on a droit de l'être, avec l'aide des faits et le support de la raison, que Dieu, en créant les diverses substances matérielles, les a douées chacune de certaines propriétés qui lui sont propres, et les a soumises, chacune à ses lois respectives et collectives qu'on appelle physiques, on peut raisonnablement supposer que, lorsqu'au troisième jour, le créateur sépara les eaux d'avec la terre, le pouvoir solvant (solving power) de ces mêmes eaux ayant agi antérieurement sur la solubilité de la terre, les parties terrestres de celle-ci pouvaient être dans un état demi-liquide, qui permettait aux différents minéraux, déjà créés, de caler chacun plus ou moins, selon le degré prépondérant de sa gravité spécifique; et la vélocité d'un corps physique, soit qu'elle soit spontanée, ou qu'elle dépende d'une force projectile, étant toujours proportionnée à sa gravité spécifique, et ce même corps dans sa chûte, tendant toujours à prendre et à suivre un cours perpendiculaire vers le centre de la terre, où le pouvoir attractif est, pour ainsi dire, concentré comme dans sa demeure, il doit naturellement s'en suivre, lo. que les pierres les plus pesantes, et qui forment les neuf struta géologiques dout se compose la première classe, tels que le granit, le gneis, le mica, le talc, le quartz granulé, etc., etc, nageant dans l'eau et dans la terre en un état semiliquide, se placèrent les premières; 20. que les seize strata des trois autres classes, à cause, parlant comparativement, de leur légèreté spécifique, se placèrent ensuite en succession, d'une manière assez régulière. Mais je dois avouer avec vous, monsieur, qu'à l'époque où Dieu sépara les eaux d'avec la terre, et à laquelle les différents minéraux, déjà créés, prirent leur situation respective, le globe que nous habitons dût, en effet, éprouver une secousse assez considérable; et c'est ce qui va me servir, en essayant de donner une raison physique pour les égarements de quelques minéraux, qu'en étudiant la géologie, on aperçoit hors de leur place destinée; et aussi pour la formation spontanée ou accidentelle des houilles, ou mines de charbon de terre, (pit-coal) que vous suggérez pouvoir être une substance primitive. Mais avant d'y procéder, il ne sera peut-être pas hors de propos de faire ici quelques remarques succintes sur la différence qu'il y a entre

la lumière et le calorique, différence que, pour quelque raison ou autre, les philosophes paraissent n'avoir pas toujours assez bien sentie.

Que l'on se refuse à l'interprétation des S. Pères sur la lumière du premier jour, qu'ils regardent comme la création des anges, et que l'on considère le langage de l'écriture là-dessus, comme figuratif ou non, toujours, puisque les astres ne furent créés qu'au quatrième jour, on ne saurait s'empêcher de croire que la lumière du premier jour, dont parle l'écriture, était bien différente de celle qui procède des corps lumineux, la seule connue qui puisse se manifester à nos sens optiques; et quoiqu'ils possèdent l'une et l'autre, certaines propriétés physiques qui leur sont communes, telles que de pouvoir être radiés et réverbérés, etc., cependant il est très certain que sous d'autres rapports, ils sont d'une nature très différente: et pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler que très souvent la lumière se manifeste sans le calorique, et le calorique encore plus souvent sans le moindre rayon de lumière. De plus, la lumière est une substance composée, et le calorique est une substance simple qui, dans un état libre ou d'évolution, produit en nous la sensation qu'on appelle chaleur, le calorique et la chaleur, quoique dérivés du même mot latin (calor) devant, pour cette raison, être considérés, relativement, comme cause et effet. Outre cela, le calorique est une substance d'une telle nature, qu'il semble qu'il a dû nécessairement exister du moment et par là-même que les autres substances furent créées; car il pénètre tous les corps physiques, et forme, pour ainsi dire, une partie constituante, plus ou moins considérable, de certaines matières, telles que l'eau et généralement tous les liquides, qui ne sauraient se maintenir dans cet état de liquidité, sans sa présence continuelle. Ainsi, quoique l'écriture, dans l'énumération des choses que Dieu a créées, ne fasse aucune mention particulière du calorique, toujours, il n'est pas moins naturel et raisonnable de croire que, comme toutes autres substances élémentaires, dont il n'est fait non plus aucune mention, il a dû coexister avec tous les corps physi ques, au moment même de leur création. Mais ce n'est que dans un état de concentration et d'évolution considérable, occasionnée soit par la contraction, la compression, la friction et même la combustion ou la décomposition des corps physiques, que le calorique accumulé est dégagé, se rend sensible, et excite la combustion des substances combustibles, qui au moment de son extrication, se trouvent en proximité ou contiguité avec les corps dont il est forcé de s'échapper. Ainsi, ce n'est qu'au moyen de ces causes que je viens de citer, et dont plusieurs devinrent, sans doute, actives, à l'époque où Dieu sépara les eaux d'avec la terre, que le calorique a pu avoir excité la combustion que les philosophes lui attribuent avec juste raison; et il n'est pas déraisonnable de croire que ces mêmes causes ont dû avoir produit alors

différents effets qui, ensuite, opérant eux-mêmes comme causes efficientes, ont pu avoir produit, à leur tour, les effets que nous remarquons dans les égarements des minéraux que nous voyons épars, ça et là, hors de leur place destinée; car le retirement soudain des eaux a dû avoir occasionné une telle condensation des parties terrestres qui composent notre globe, et ses parties minérales, en se rangeant, chacune à sa place, ont dû avoir produit un tel bouleversement, et celui-ci, par la friction l'un contre l'autre des minéraux prenant chacun sa situation respective, (eu égard, comparativement, à sa gravité et à sa légèreté spécifique,) a dû avoir causé un tel dégagement du calorique, qui jusqu'alors avait été latent et insensible, que les constituants de la terre, jusqu'à ce qu'elle eût enfin pris son aplomb, devaient nécessairement tous être dans un état de commotion et de concussion produisant un fracas approchant de l'espèce volcanique. Puis, considérant la contraction soudaine et le poids énorme de la terre, son pouvoir d'attraction concentré au milieu, et la gravité spécifique des minéraux; ajoutez à cela le dégagement (résultant de la décomposition de quelques substances, à l'aide du calorique en action) et, en certains endroits, l'accumulation et ensuite l'évolution explosive des divers gaz, tels que l'oxygène, l'hydrogène, le nitrogène, l'hydrogène sulphuré, l'hydrogène carburé, etc., que l'on doit admettre comme étant déjà créés, puisque l'eau et l'air, qui en sont composés, l'étaient alors, et vous trouverez des causes suffisantes pour nous rendre raison de la fracture et du déplacement de quelques minéraux même les plus pesants.

Cependant, la création de la plupart des combustibles, tels que les arbres et les plantes, avait lieu, ce jour-là même; et il est assez naturel de croire qu'un grand nombre a pu être englouti pêle-mêle parmi les fragments de la terre, et y être consumé, au moyen de l'oxygène et du calorique, qui continuaient de s'en dégager; car, dans cet état de confusion, outre la combustion, ou la décomposition plus ou moins considérable de quelques arbres, etc., une grande quantité d'eau encore présente dans les insterstices des pierres et de la terre, a pu par l'extrication continuelle du calorique, être décomposée en ses parties élémentaires, l'hydrogène et l'oxygène, le support et le soutien exclusif de la combustion. En sorte que, certaines substances composées, telles que l'eau, l'air, les arbres, les plantes, etc., furent (toujours à l'aide du calorique en action,) en partie décomposées et réduites à leurs principes simples, tels que, pour l'eau et l'air, l'hydrogène, l'oxygène, le nitrogène, etc., et pour les plantes, le potassium et le carbone, ou charbon (dans lequel il abonde,) presque le seul résidu visible et palpable, qui se manifeste à nos sens. Et le carbone offrant à l'oxygène avenescent une base acidifiable, c'est alors, sans doute, que, ces deux substances se combinant chimiquement ensemble, commença à se former le gaz

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