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Mais le bruit des sanglots,
Puis le chant des cantiques
Escortent les reliques
Au funéraire enclos....

Là, point d'or, point de pierre:
Pour la bière.... des pleurs;
Pour le ciel.... la prière;
Pour la terre.... des fleurs!

Au sein de l'Eternel

De gloire elle est parée;
Mais sa mère adorée

Prie et blâme le ciel!
Morne elle s'achemine
Vers un monde nouveau....

Son étroite chaumine
Est un vaste tombeau!

Vierge, repose en paix
Dans le séjour des anges,
Qui disent tes louanges
Et chantent tes attraits!
Toi, qui, brillante et pure,
N'emportas sans orgueil
Qu'un linceuil pour parure
Et pour dot, qu'un cercueil!

Elle n'est plus la jeune fille;
Mais aux cieux son étoile brille!

1844.

AUTREFOIS.

Jadis on voyait la richesse
Humble dans la prospérité ;
On amassait pour sa vieillesse
Les plus beaux fruits de l'été.
À présent, nos maisons brillantes
Sont de petits palais de rois;

Pour mieux jouir on vend ses rentes...

Ah! qu'on était simple autrefois!

Le temps mûrissait la science,

Le travail était un devoir :
Au sortir de l'adolescence,
A présent on croit tout savoir;
On est, en lisant la gazette,
Littérateur au bout d'un mois ;
Ce qu'on entend on le répète...
Ah! qu'on était simple autrefois!
On lisait Racine et Molière,
Corneille, peintre des Romains;
On trouve du bon dans Voltaire,
Le goût nous cause des chagrins,
Du code antique du Parnasse
Nos rimailleurs bravent les lois;
Le romantisme le remplace...
Ah! qu'on était simple autrefois!

1844.

CHANSON PATRIOTIQUE.

Dans ce banquet patriotique,

Unis sous le même drapeau,
A la fraternité civique

Dédions un refrain nouveau.

Saint Jean-Baptiste nous protége,
Il nous entend de l'immortel séjour;
Sous sa bannière un peuple est son cortégé.
Chantons sa fête est notre jour.

Peu fier des pompes souveraines
Qui frappent ses yeux éblouis,
Le peuple sans parures vaines,
Ne chôme que pour son pays.
Saint Jean-Baptiste, etc.

Au bord natal, celui qu'il aime,
Il veut vivre et finir ses jours.
Il cesserait d'être lui-même
S'il ne devait l'aimer toujours.
Saint Jean-Baptiste, etc.

Quand sur lui, muette victime,
L'oppresseur impose sa main,
Il attend contre qui l'opprime
La justice du lendemain.
Saint Jean-Baptiste, etc.

De nos pères sur ce rivage
La gloire empreint le souvenir.
Ils ont abhorré l'esclavage,
Comment pourrions-nous le chérir!
Saint Jean-Baptiste, etc.

Mais qu'importe que l'on sévisse,
Contre un peuple deshérité ;
Sa voix n'est que pour la justice,
Et son bras pour la liberté.
Saint Jean-Baptiste, etc.

De ses maux perdant la mémoire,
Il doit en essuyant ses pleurs,
Unir ses souvenirs de gloire
A l'attente des jours meilleurs.
Saint Jean-Baptiste, etc.

F. M. DEROME.

1844.

À MA SŒUR.

L'ADIEU FRATERNEL.

Tu vas quitter notre vallée ombreuse,
Et de nos bois les asiles si frais;
Le sort t'exile en de lointains palais,
A la cité puisses-tu vivre heureuse!
Oh! pour moi, j'aime mieux
Notre pauvre chaumière,
Cachée à tous les yeux

Sous son manteau de lierre.

Fais tes adieux aux belles matinées,

Aux champs, aux fleurs, à l'oiseau des buissons;

Là-bas, vois-tu, plus de douces chansons;

L'oiseau se tait, les roses sont fanées.

Oh! pour moi, j'aime mieux
Notre pauvre chaumière,
Cachée à tous les yeux

Sous son manteau de lierre.

Tu penseras à notre bonne mère,

Des pleurs alors viendront mouiller tes yeux;
Près d'elle, assis, ton frère plus heureux
Lui parlera de sa fille si chère.

Oh! pour moi, j'aime mieux

Notre pauvre chaumière,
Cachée à tous les yeux

Sous son manteau de lierre.

1844.

LA TOUSSAINT.

Avez-vous entendu à votre réveil les sinistres tintements de nos cloches, semblables aux tristes mélodies d'une voix plaintive? Avez-vous entendu à la première pâleur du jour les sourds mugissements des vents à travers les feuillages, comme les derniers soupirs d'une lente agonie?.......

Avez-vous remarqué le hêtre jauni qui se courbait vers la terre, comme le vieillard affaissé qui s'incline dans la poussière? Ce soleil radieux qui lutte avec le nuage noir des tempêtes, ne vous semble-t-il pas comme la gloire du monde obscurcie par les passions orageuses de la vie? Cette feuille d'automne qui tombe lentement et comme à regret de l'arbre qui l'a nourrie, ne vous représente-t-elle pas le jeune homme d'une année de vigueur et de gloire qui meurt aux espérances d'un long avenir?.....

Là-bas au bout noir de l'horizon, j'ai vu un fantôme! Il était languissant comme le moribond, livide comme le cadavre! Sa figure était décharnée; ses yeux étincelants comme ceux de la bête fauve qui cherche sa proie! De ses mains longues et osseuses il semblait vouloir se cramponner à des ombres qui fuyaient devant lui comme l'éclair. Ces

ombres étaient les richesses et les délices de la terre! II prêtait l'oreille de tout côté; il entendait comme le bruit des flots d'une mer mugissante; la calomnie et la noire envie !......

Hélas! ce fantôme je ne le reconnus que trop! C'était l'homme, c'était vous, ô mes amis ! c'était moi-même ! Il a tressailli quelque temps ! puis il s'est agité un instant comme le tigre qui lutte avec les dernières angoisses de la mort; puis il est tombé; il a passé comme le dernier rayon du soleil couchant!......

Tel est l'homme! Ainsi passera le monde !............

Mes pensées sont sombres et tristes comme la forêt qui se dépouille de ses habits de splendeur; comme l'astre radieux qui se cache derrière le voile sombre des orages; comme l'oiseau exilé qui chante ses adieux et laisse ses affections!

Mes pensées sont sombres et tristes comme le terrible jour où la mort célèbre sa fête, proclame son triomphe sur les débris de ses lauriers!

Je me suis levé; j'ai entendu la cloche qui, il y a vingt ans, annonça mon existence ! j'ai marché lentement, lentement comme la monotonie lugubre de sa voix!......

J'ai marché !...... Dieu !......

J'ai rencontré le vieillard qui chancelait sur le bâton de ses ancêtres; la jeune fille qui touchait à peine la terre de son pas léger; l'homme riche et orgueilleux qui repose sur des lits d'or; le misérable aventurier qui s'endort sur le grabat du pauvre pélerin; le monarque qui commande à la terre; l'esclave obscur qui plie sous le joug du tyran ;... je leur ai demandé à tous où ils allaient; ils m'ont tous répondu Nous allons prier pour les morts!......

Prier pour les morts!...... Avez-vous entendu?......
Je les ai suivis.

J'ai vu un enclos isolé. Puis une porte étroite; un vieux pin brisé par les tempêtes.

Au milieu de cet enclos, il me sembla voir un spectre bi

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