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Et sensible au bonheur que ta reine t'a fait,

En jouir, oublier l'auteur de ce bienfait ?

Non! cédant au transport, au penchant qui t'entraîne,
Tu chériras bien plus ta jeune souveraine

Qui s'avance vers toi, l'olivier à la main,
Pour te rendre tes droits, assurer ton destin.
Jaloux d'appartenir à cette reine illustre,
Ton dévoûment saura donner un nouveau lustre
Au sceptre qui vers toi s'incline avec douceur.
Pour l'honneur d'Albion et pour notre bonheur
A son glorieux règne à l'envi tout conspire.
Déjà son nom porté jusqu'au céleste empire
Où flottent triomphants ses nobles étendards.
Fait pâlir le Chinois devant les Léopards;
Il retire tremblant sa barbare phalange;
Albion fait la loi sur les rives du Gange.
Vous donc, peuples jaloux de ces faits glorieux,
Qui, dans vos préjugés, peut-être dans vos vœux,
Prophétisiez déjà la chute de son trône,
Contemplez quelle gloire aujourd'hui l'environne!
Que peuvent contre lui vos sinistres complots?
Rocher inébranlable assis au sein des flots,
Pour le frapper la vague arrive menaçante,
Et recule d'effroi dans sa rage impuissante!
Lorsque tant de succès parmi les nations
Viennent de sa couronne embellir les fleurons,
Son éclat reflété sur notre heureux rivage,
Devra nous faire aimer et chérir davantage
La chaîne qui nous lie à la fille des rois,
Dont la voix aujourd'hui sanctionne nos droits.
Que son nom qui s'inscrit au temple de la gloire
Se grave dans nos cœurs et dans notre mémoire !

PIERRE LAVIOLETTH.

1843.

SOUVENIRS ET REGRETS.

Oui, je l'aime ce temps, où par un doux prestige,
Un être féminin me donnait le vertige;
Où d'un blanc vêtement le frôlement soyeux
Me faisait tressaillir et me rendait heureux.

Qu'ils sont doux, ces instants d'un aimable délire,
Où l'on puise l'amour dans un tendre sourire;
Où le charme enivrant d'un regard enchanteur
Porte dans tous les sens le trouble et le bonheur !
Hélas! dans son printemps, quand plein de confiance
L'homme vit de plaisirs, de rêves, d'espérance,
Son bonheur est réel, et toujours le désir
Le lui montre de loin, dans un autre avenir.
Une amoureuse ardeur s'empare de son âme,
Son cœur est embrâsé de la plus pure flamme:
Le reste disparaît et dans tout l'univers
Il ne voit que l'objet qui le tient dans ses fers.
Bientôt le tendre aveu d'une bouche adorée
Vient sceller l'union qu'il a tant désirée.

Il va donc être heureux et savourer en paix
Les douceurs d'un amour qui comble ses souhaits?
...Non; le cœur des mortels est un vaste incendie ;
Tout lui sert d'aliment: rien ne le rassasie.

S'il poursuit un objet qu'il aime avec ardeur,
A parvenir au but il met tout son bonheur.
Mais, si le ciel enfin, couronnant sa constance,
Daigne réaliser sa plus chère espérance,
Ce fantôme brillant, si longtemps convoité,
Perd bientôt tout son prix, avec sa nouveauté.
Si quelque malheureux, par un triste partage,
Reçoit du feu sacré le fatal avantage;
Si, fidèle à l'objet de ses premiers amours,
Ce qu'il aime une fois, il l'aime pour toujours;
S'il place son espoir et le but de sa vie

Dans les félicités d'une union chérie,

Il savoure à long traits l'ineffable douceur

De ne faire, entre deux, qu'un seul et même cœur.
Mais, hélas! trop souvent la rude destinée
Rompt, de sa main de fer, la chaîne fortunée,
Et de tant de bonheur, d'amour et d'avenir,
Il reste au malheureux... un triste souvenir!
J'ai vidé cette coupe et goûté tous ses charmes:
Mais, hélas! dans le fond, ce n'était que des larmes!
J'avais conquis l'amour d'un cœur qui comprenait
La douce et sainte ardeur du feu qui m'animait.
Même âme, même goût des pures jouissances,
Mêmes illusions de douces espérances

Nous avaient fait rêver à des jours fortunés;
Comme si pour cela les hommes étaient nés!
De même un jeune enfant, au bord d'un précipice,
Se joue avec les fleurs qui cachent l'orifice.
Le reveil fut terrible, et le sort en courroux
Vint, avec un cercueil, briser des nœuds si doux.
Vous qui avez connu le bonheur de la vie,
Vous à qui les doux noms d'amour, de sympathie,
Par un doux souvenir, font palpiter le cœur,
Vos larmes couleront sur un pareil malheur.
Voyez ce lierre antique, lié dès son enfance
A l'ormeau dont la tête abrita sa croissance :
La beauté de sa tige et ses rameaux nombreux
Prouvent combien jadis il était vigoureux.
Aujourd'hui, sans couleur, sans force et sans feuillage,
Du malheur et du deuil il est la triste image.
Atteint dans sa racine et percé jusqu'au cœur,
L'orme, son seul appui, se fana dans sa fleur.

Dès lors son compagnon, sans force et sans verdure,
Dépérit chaque jour et perdit sa parure.
Ainsi l'infortuné qui bâtit son bonheur

Sur l'amour dévoué d'un noble et tendre cœur ;
Si le cruel trépas vient, de sa main traîtresse,
Lui ravir tout-à-coup l'objet de sa tendresse,
Comme le pauvre lierre, en perdant son appui,
Il dépérit, il souffre et languit comme lui.
Ah! plaignez le malheur, la détresse cruelle
Du malheureux qui perd sa compagne fidèle.

Pour lui plus de bonheur, de plaisir, ni d'amour;
Repos, ami, fortune, il perd tout en un jour.

Le monde et ses honneurs, la nature et ses charmes,

Il voit tout à travers du voile de ses larmes.
Mais il souffre surtout si la main du malheur
Vient à le retenir sur un lit de douleur.
Il se rappelle alors la douce sympathie
Et les soins si touchants de sa fidèle amie.
Son cœur la voit encore, avec sa douce main,
Relevant le duvet qui rechauffait son sein;
Et ses regards, tombant sur des mains mercenaires,
Se gonflent de douleur et de larmes amères.

Oui, malheur à celui qui connut le bonheur

"De ne faire, entre deux, qu'un seul et même cœur!"

Si le ciel lui ravit le charme de sa vie,
Il passe son printemps à pleurer son amie;
Et si le temps enfin, ce vieux consolateur,
Vient, de sa longue main, adoucir sa douleur,

Si son cœur, aussi neuf qu'aux jours de sa jeunesse,
Cherche amour pour amour, tendresse pour tendresse,
Il doit se contenter du désir d'être heureux :
Comme si, "pour aimer, on n'était jamais vieux."

N. D. J. JEAUMENNE.

1843.

UNE PAGE SUR L'HISTOIRE DU CANADA.

De la Grèce et de Rome interrogeant l'histoire,
Un autre chantera leurs héros et leurs Dieux;
De leurs combats fameux il redira la gloire,
Moi, je vais chanter mes aïeux.

Du riant St. Laurent la rive fortunée,

Nos forêts et nos monts, nos vallons et nos bois,
Notre douce patrie un jour sera chantée
Par une plus puissante voix.

Un jour, Canadien, la prompte renommée
Et ses cent voix diront ton nom à l'univers.
Pour moi, pauvre rimeur, ton histoire ignorée
Fera le sujet de mes vers.

Que me font les Troyens et leurs guerres sanglantes,
Et la haine des Grecs assiégeant leurs remparts?
Que me font des cités les ruines fumantes,

Sous les monuments des Césars ?

Des noms moins renommés, moins vantés des poètes,
Mais aussi glorieux, embelliront mes chants.
Pour être grand faut-il avoir fait des conquêtes?
Et vaincu des peuples puissants?

Réveillez-vous, héros! sortez de la poussière
Où vous dormez en paix, le front ceint de laurier.
Mais quel regard puissant!.... quelle démarche tière!
Est-ce toi, généreux Cartier ?

Oui, c'est lui, ce héros qui, désertant la France,
Pour fonder un état sur un sol inconnu,

Lassa des éléments la rage et la constance
Par sa magnanime vertu.

C'est ce preux qui, rempli d'un courage héroïque,
Sachant à la victoire arracher le succès,

Fonda par sa valeur sur le sol d'Amérique,
Un pays peuplé de Français.

Champlain, de Monts, Tracy, Pontgrave, Robervalle,
Noms fameux, vous serez célébrés tour-à-tour;
Mais il est un guerrier que nul autre n'égale,
C'est le magnanime Latour.

Peu sensible aux combats que lui livre son père,
Qui le voit sans pitié rebuter son espoir,
Il refuse les dons et l'or de l'Angleterre
Pour n'écouter que son devoir.

Qu'il est grand, ton courage, immortelle héroïne,
Verchères, tu bravas les Hurons et leurs traits;
Et fidèle à l'honneur de ta noble origine,
Ta valeur sauva les Français.

Honneur aux fondateurs de ces cités naissantes,
Trois-Rivières, Québec, la jeune Hochelaga!
Dirai-je les combats et les guerres sanglantes
Des Indiens du Canada?

Le ciel aime à bénir cette terre chérie,

Tout prospère, et Montcalm voit renaître la paix;
Mais la riche Albion a vu d'un œil d'envie
Ses victoires et ses succès.

Québec est le témoin d'une lutte sanglante,
La fortune longtemps partage les succès,
Mais sur la fin du jour la victoire inconstante
A fait triompher les Anglais.

Par un noble trépas Montcalm finit sa vie,
C'en est déjà fait d'eux les Français sont battus.
Québec passe au pouvoir de l'armée ennemie

Avec ses habitants vaincus.

J. T. LORANGER (1).

(1) M. Loranger est avocat au barreau de Montréal.

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