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Bien général est trompeuse chimère
Quand le pouvoir n'est fort que de soldats,
On nous l'a dit: Vous n'avez plus de mère :
Aux mains de Dieu le sort des Canadas!
Et maintenant nul espoir ne nous berce :
(Peut-être, hélas! longtemps faut-il souffrir!)
Droits méconnus, justice à la renverse,
Dans le présent nous montrent l'avenir.

Bientót enfin doit anoblir la scène
Un envoyé muni de haut pouvoir;
Il a touché la rive américaine;
Déjà les cœurs ont tressailli d'espoir.
Lui, fesant trève à des projets infâmes,
De l'équité tracera le chemin ;
Et son empire établi sur les âmes,
Pour être aimé sera le plus humain.

Et c'est ainsi qu'on encense une idole,
Sans dissiper la commune terreur.
Ah! renoncez à cet espoir frivole,
Car l'espoir même est souvent une erreur!
Si, tôt ou tard, justice enfin s'éveille
Et vient encore habiter ces climats,
Croyez alors, et chantez la merveille;
Mais vainement ne la prédisez pas !

Soyons, amis, oublieux de l'outrage:
Gais passe-temps peuvent charmer nos jours;
Que notre bien soit notre unique ouvrage,
Si l'étranger le refuse toujours.

Ou fortunés, ou loin de l'opulence,
Chômons en paix, rions même des forts,
Laissant le maître opprimer en silence,
Et les soucis régner sur d'autres bords.

1842.

ORAISON DOMINICALE.

O Père tout-puissant qui règnes dans les cieux, Toi seul es éternel, rien n'est grand à tes yeux; Tout est immense en toi, devant toi tout s'efface. Ta parole féconde a semé dans l'espace

Ces mondes, ces soleils qui, dans leur vaste cours,
Dispensent aux mortels, et les nuits et les jours.

Que ton nom toujours saint retentisse en tous lieux,
Que ton nom toujours saint soit l'objet de nos vœux;
O peuples que sa voix dispersa sur la terre,
Chantez, chantez le Dieu qui commande au tonnerre;
Qu'on chante Jéhovah, de l'aurore au couchant,
Qu'on chante Jéhovah, du couchant au levant.

De ton règne sur nous, établis la douceur,
Avec lui fleuriront la paix et le bonheur;
Le Seigneur va venir, que la terre applaudisse,
Il va faire sur nous descendre sa justice;
Le Seigneur va venir, adorons le Seigneur,
Que toujours sa justice habite en notre cœur.

Tu dis: le ciel tremblant a reconnu son Roi,
Et les anges, là haut, s'abîment devant toi;
Qu'ainsi ta volonté sur terre s'accomplisse,
Que toute créature ici-bas t'obéisse,

Pour qu'elle chante un jour, dans un divin transport,
De respect et d'amour un éternel accord.

Ta paternelle main protége tes enfants,

La manne du désert nourrit leurs faibles ans,
Et ton Christ, chaque jour, immortelle victime,
Du cœur qui vit aux cieux soutient l'essor sublime;
Qu'ainsi mon âme, ô Dieu! s'envole dans ta paix,
Et qu'au sein d'Abraham, elle vive à jamais!

Aux hommes de Cédar, mon cœur a pardonné,
Et ma bouche a béni leur trait empoisonné ;
J'ai dis: que le soleil épargne leurs ombrages,
La lune de leurs bois argente les feuillages;
Et du haut de Sion, j'entendais une voix :
"A celui qui pardonne, on pardonne deux fois."

A de trompeurs attraits, si je devais céder,
Aux pieds des faux Dieux, si j'allais m'abaisser,
Seigneur, que votre main soutienne ma faiblesse,
De mon corps fléchissant, qu'elle écarte l'ivresse.
Sous les flots agités montrez-moi le récif,
Sur les flots agités, conduisez mon esquif.

Tout est immense en toi, devant toi tout s'efface,
O Père tout-puissant qui règnes dans les cieux;
Toi seul as suspendu ces mondes dans l'espace,
Toi seul es éternel, rien n'est grand à tes yeux.

A. Z.

1842.

PAUVRE SOLDAT! QU'IL DOIT SOUFFRIR!

Lugubrement déjà le canon gronde,

Le fer se choque et, sous un noir manteau,

La mort accourt, voltige furibonde:

Plus d'un guerrier voit déjà le tombeau.

Vois-tu là-bas cette pâle figure?

Comme son sang a rougi la verdure!...

Dans un instant il va mourir,

Celui qui chérissait la vie ;

Il ne verra plus sa patrie!

Pauvre soldat! qu'il doit souffrir!

Pas un regard, pas un mot de tendresse
Vient adoucir l'engoisse du mourant;
Pas une main, un ami de jeunesse
Vient ranimer son être délirant.
Seul au milieu du deuil et du carnage,
Il n'a pas même une larme en partage.
Oh! si sa mère voyait finir

Un fils qu'elle aime, qu'elle adore !...
Elle espère le voir encore...
Pauvre soldat! qu'il doit souffrir!

Il se souvient qu'une épouse chérie
A son départ voulut cacher des pleurs ;
Il vit pleurer sa petite Marie!
Que ne peut-il soulager leurs douleurs!
La mort pour lui ne serait plus amère,
S'il revoyait son épouse, sa mère.....;
Mais aucun ne l'entend gémir,
Aucun ne sait ce qu'il endure,
Il est tout seul dans la nature...

Pauvre soldat! qu'il doit souffrir!

P. PETITCLAIR.

1842.

LA ROSE ET L'IMMORTELLE.

FABLE.

La Rose et l'Immortelle en un même jardin
S'entretenaient un jour ensemble

Chacune plaignait son destin.

Que mon sort est affreux, amie, ah! qu'il me semble
Que ma triste immortalité

N'est rien près de votre beauté;
Oh! oui, je cèderais sans peine,
Pour le moindre de vos appas,

Cette immortalité qui me gênc et m'enchaîne
Et dont je ne fais aucun cas.

A la Rose en ces mots s'adressait l'Immortelle,
Pleurant sur sa condition,

Sacrifiant tout autre don

Au plaisir d'être belle.

Que votre plainte est indiscrète,
Lui disait la Rose à son tour.
Si vous saviez quelle peine secrète
Me vient consumer chaque jour.
Je possède, il est vrai, des charmes,
Je l'emporte sur mes compagnes
Par mon éclat, par mes attraits;
Mais puis-je jouir du bonheur? Jamais.
Faites attention à mon peu de durée :
Vous voyez la même journée

Bien souvent éclairer et flétrir mes appas.
Non, ma chère, je ne crois pas
Que mon destin soit préférable
A celui dont vous jouissez;
Le vôtre est bien plus agréable
Que celui que vous m'enviez.

Il est vrai, vous n'êtes point belle,

Mais quel bonheur pour vous: vous êtes éternelle.

Elle aurait parlé plus longtemps,

Mais le jardinier survenant

La force à céder la parole.

Cessez votre plainte frivole,

Mes belles, leur dit-il d'un air tout courroucé;

Quand même Jupin irrité

Se rendrait à votre désir,

Vous n'en seriez pas plus contentes;

Vous le feriez encor souffrir

Par vos clameurs impertinentes.
Taisez-vous, ne dites mot,

Remerciez-le de votre lot.

Vous raisonnez comme les hommes:
Il n'est dans le siècle où nous sommes
Personne content de son sort;

Et c'est sur Jupiter que tombe tout le tort.

Depuis l'habitant des chaumières

Jusqu'au plus puissant potentat,
Chacun se plaint de ses misères,
Nul n'est content de son état.

Mais le maître des Dieux fatigué de leurs plaintes
Et de leurs soupirs ennuyeux,

Désormais ne veut plus écouter leurs complaintes,
Et je crois qu'il fera bien mieux:

Car de pouvoir toujours contenter tout le monde
Il n'est rien de si rare en la machine ronde.
Cessez donc de chercher un destin plus heureux :
Aimez l'état où vous ont mis les Dieux.

P. GARNOT.

1842.

VISITE À UN VILLAGE FRANÇAIS,

SUR LA FRONTIÈRE AMÉRICAINE.

LE CAP VINCENT.

Un beau dimanche matin, que le soleil se levait resplendissant de lumières sur la petite et obscure ville de Kingston, dorant de ses premiers rayons la tête blanche des arbres et la cime des clochers des temples, où les fidèles agenouillés remerciaient de ses bienfaits celui qui l'a créé, s'élevant majestueusement dans l'immensité en pénétrant également

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