terloo. Depuis un quart de siècle une paix inouie règne entre elles. Aux luttes de sang et de carnage ont succédé des batailles intellectuelles sur tous les points qui peuvent intéresser la société. Et partout la victoire paraît se déclarer en faveur des principes de l'ordre et de la religion. On entrevoit un retour prochain des peuples à la grande unité chrétienne. Ainsi la terrible tempête, qui a bouleversé la société, aura produit un résultat salutaire. Il en devait être ainsi. Le vent de l'orage se lève... De terribles commotions ont signalé la violence de son premier souffle... Mais voyez, il a emporté les vapeurs qui de leur maligne influence couvraient la terre, l'atmosphère est purifiée. L'agitation de l'air n'a servi qu'à chasser les nuages et à donner une vivifiante fraîcheur. C'est, dans les desseins bienveillants de la providence, l'histoire de toutes les révolutions sociales. D'une autre part, de magnifiques découvertes dans les arts améliorent le sort matériel de la société. "L'industrie "crée des merveilles. Au moyen de la vapeur, les distances "s'effacent, les continents se rapprochent, les nations se don"nent la main; elles mettent en commun leurs intérêts et "leurs richesses. Elles se voient, se connaissent, s'aiment, "et bientôt peut-être, un jour viendra où elles ne formeront "plus qu'une immense famille dont les membres auront les "mêmes croyances." Pourquoi ne serait-il pas permis de croire que la société, abjurant peu à peu ses erreurs, marchera dans les routes du progrès sous les maximes de l'évangile, et que la croix saluée de tous les peuples comme le seul signe de salut, de même qu'elle a régénéré l'homme, régénèrera aussi la société, autant qu'elle peut l'être sur la terre, et la fera entrer dans une voie de bonheur inconnue jusqu'à ces jours ? JOSEPH S. RAYMOND (1). (1) M. Raymond, prêtre, est le supérieur et le directeur du collège de St. Hyacinthe. Ce discours a été écrit pour être prononcé par deux élèves de ce collége, lors des examens publics de 1841. 1841. LES EXILES. I. Assis aux bords lointains, près de la mer lympide, Mais le flot qui s'en va, de la troupe captive O vague fortunée! ô toi qui de l'orage Le ciel pour nos enfants et l'épouse chérie Ainsi les exilés adressaient au passage Le flot calme et tranquille emporté vers le nord. Comme en un jour brûlant les lèvres de zéphire Cependant tout se tait: le vieux barde se lève, On dirait le doux bruit de l'onde sur la grève, Un chant commence; chant d'exil et de souffrance, Dans les tours de Sidon le croisé de Provence Venu pour venger la croix. II. "Heureux le barde, heureux celui qui sur la rive Où le destin avait mis son berceau, Peut au soir de ses jours où tranquille il arrive, "Heureux celui qui voit à son heure dernière "Heureux il va dormir au milieu de ses pères "Heureux-mais nous, hélas! sans foyer, sans patrie, Qui donc viendra pour nous fermer les yeux? Jouets de la tempête, exilés qu'on oublie, Peut-être on nous renîra pour aïeux. "Mais j'insulte nos fils. Ah! le nom de leurs pères Car ils ont tout donné pour que des jours prospères "Ils ont osé naguère et sans chefs et sans armes Jeter le gant au géant des combats : Le colosse ébranlé, le cœur saisi d'alarmes A Saint-Denis un jour lâcha le pas. "Mais le nombre bientôt écrasa la vaillance; Avec Chénier tombèrent nos héros. Heureux, aux bords chéris, témoins de leur naissance, Ils vont en paix dormir dans leurs tombeaux "Mais nous, pauvres bannis, c'est l'exil, le servage. Tel le lion des déserts africains, Par le maure vaincu, traîne son esclavage, Chargé de fers, dans les pays lointains. "Arrachés pour jamais du sol qui nous vit naître, Comme ces bois dont l'ombrage nuisait, On nous transporte au loin où l'on croyait peut-être Que chaque jour l'un de nous périrait. "Hélas! oui, l'air natal manque à notre poitrine. Où sont nos monts, nos pins, nos caps dont l'aubépine, "Où sont les verts penchants de nos riches vallées, Les toits nombreux de nos blanches maisons? "Où sont et nos hivers et leurs grandes tempêtes, Et ces frimas épais et ces joyeuses fêtes "Ici, même saison, même ciel monotone; Le temps à peine y change quelquefois. Au milieu d'un air chaud un vent poudreux bourdonne, "Avec leur grand silence où sont ces nuits si belles "O ma chère patrie! ô qu'es-tu devenue? Et ton fleuve si pur où se mire la nue "Jamais! l'homme puissant l'a dit dans sa colère, lyre. "Non jamais!"-A ces mots on voit trembler sa Le chantre pleurait. Quoi! sous ses cheveux blancs a-t-il des pleurs encore Pour tant souffrir le génie est donc fait ? Mais la nuit sur les flots jetait ses voiles sombres. Nuls cris joyeux d'enfants, nuls sourires de femmes, F. X. GARNEAU. 1842. ÉTRENNES POÉTIQUES DU PREMIER JANVIER. Salut! concitoyens, à ce nouveau soleil ! Encore un cri d'adieux à l'an qui s'évapore, Encore un pieux hymne aux pieds de liberté! Salut! nature en deuil qu'adorait le Corrége! "Etre qui nous a faits, soutiens-nous ici-bas, "Les hommes, quels qu'ils soient, sont tombés de ta main: "Et le pauvre en haillons, qui grelotte au chemin, "Et le néant superbe, étourdi dans la joie, |