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ARIETTE.

Cher protecteur de mon enfance,
C'est pour toi seul qu'en ce bosquet,
Ma main façonne ce bouquet,
Que t'offre la reconnaissance;
Du sort éprouvant la rigueur,
En naissant je perdis mon père;
Sans toi quel était mon malheur !
Mais tu me vis, je te fus chère,
Et tu devins mon bienfaiteur.
Cher protecteur de mon enfance,

C'est pour toi seul qu'en ce bosquet,
Ma main façonne ce bouquet,

Que t'offre la reconnaissance.

Mais ce négligent de Colas, qui peut donc l'avoir arrêté!........ Oh, je veux le quereller, le quereller...Pourtant je sais qu'il m'aime et il n'ignore pas aussi mes sentiments pour lui. II est si bon !...Il est si franc, si sincère !... Une chose pourtant me déplait en lui, il est jaloux. C'est un défaut que je hais

anglaise et conduit à Halifax, où ayant trouvé des amis il séjourna quelque tems, et se rendit à Québec muni d'une lettre de recommandation pour le Général Haldimand qui avait connu sa famille en France. M. Quesnel ayant résolu de s'établir permanemment en Canada obtint des lettres de naturalisation par l'entremise du même Général Haldimand alors Gouverneur de la Province de Québec. Il se maria à Montréal et fixa sa résidence à Boucherville, à son retour d'un voyage qu'il entreprit pour visiter et connaître la vallée du Mississipi. M. Quesnel était né poète et musicien; Molière, Boileau, et son violon, tels étaient ses compagnons de voyage. Il composait avec une grande facilité, et se plaignait souvent de cette disposition qui l'exposait à des incorrections presque inévitables. Outre des pièces fugitives et autres pièces diverses, M. Quesnel a laissé quatre ouvrages dramatiques dont il a fait la musique, savoir: Lucas et Cécile. opéra; Colas et Colinette, comédie-vaudeville, imprimée à Québec; l'Anglomanie, comédie en vers, non imprimée; et les Républicains Français, comédie en prose, imprimée à Paris. Aussi un petit traité sur l'art dramatique, écrit en 1805 pour une société de jeunes amateurs canadiens de Québec.

Ses ouvrages en musique consistent en plusieurs symphonies à grand orchestre, des quatuors et duos, nombre de petits airs de chansons, ariettes, etc., et plusieurs motêts et autres morceaux de musique sacrée, composés pour l'Eglise Paroissiale de Montréal et qui se trouvent au répertoire de l'orgue. M. Quesnel est mort à Montréal le 3 Juillet 1809, à l'âge de 59 ans et quelques mois.

et dont je voudrais qu'il se pût corriger...je ne crois pas qu'on puisse être heureuse en ménage quand la jalousie vient en troubler la paix. Allons, il est temps bientôt d'aller présenter ce bouquet à M. Dolmont, car les miliciens vont venir et en voilà pour toute la matinée.....Ah! Ah!... j'entends quelqu'un! C'est sans doute Colas...Non, c'est M. le Bailli qui vient encore m'ennuyer de ses propos. Oh! que je voudrais qu'il fût loin d'ici!

SCÈNE II.

COLINETTE, LE BAILLI.

LE BAILLI. Hé bon jour, belle Colinette.
COLINETTE. Bon jour, monsieur le Bailli.
LE BAILLI. Que fais-tu donc ici si matin?
COLINETTE, (se levant.) Vous le voyez ; je fais un bouquet.
LE BAILLI. Sera-t-il pour moi?

COLINETTE. Pour vous?

LE BAILLI. Oui. J'aimerais beaucoup un bouquet de ta jolie main. (Il veut lui baiser la main.)

COLINETTE. Finissez.

LE BAILLI. Dis-moi, seras-tu toujours aussi farouche? COLINETTE. Aussi farouche ? Qu'est-ce que cela veut dire ? LE BAILLI. C'est que si tu voulais m'aimer, je saurais te rendre fort heureuse; tu ne sais pas tout le bien que je pourrais te faire.

COLINETTE, (ironiquement.) Je vous suis obligée de votre bienveillance.

LE BAILLI. C'est répondre assez mal à mon empressement; tu n'ignores pas que je t'aime, et tu ne fais que rire de mon

amour.

COLINETTE, (riant.) Eh! que voulez-vous donc que je fasse? LE BAILLI. Tu badines toujours, mais je te parle sérieusement moi; il ne tiendrait qu'à toi de devenir en peu ma petite femme.

COLINETTE. Votre petite femme?

LE BAILLI. Oui, je te donnerais mon cœur et tout ce que je possède.

COLINETTE. Vous avez bien de la bonté.

LE BAILLI. Je me flatte que M. Dolmont n'y mettrait point d'obstacles.

COLINETTE. Vous vous flattez peut-être un peu légèrement. LE BAILLI. Pourquoi ?

COLINETTE. Parce que M. Dolmont pourrait bien n'y pas consentir.

LE BAILLI. Il n'y consentirait pas ?...Mais si tu y consentais toi?

COLINETTE. Oh! pour cela, non, je vous assure.

LE BAILLI. Diantre! tu me parais bien décidée, est-ce que tu serais assez folle pour refuser la main d'un homme qui t'aimerait?

COLINETTE. Je serais du moins assez sage pour ne pas accepter celle d'un homme que je n'aimerais pas.

LE BAILLI. C'est parler clairement, mais j'espère que tu deviendras moins insensible, et que tu pourras m'aimer quelque jour.

COLINETTE. Cela pourra venir.

LE BAILLI. Eh bien! tâche donc que cela vienne, et considère que je suis riche, et que ce n'est pas une chose à dédaigner.

COLINETTE, (à part.) Voici de quoi faire à Colas une histoire assez jolie.

LE BAILLI. Tu n'ignores pas, mon enfant, que l'argent dans le ménage...

COLINETTE, (l'interrompant.) Tenez, M. le Bailli, je ne songe point à me marier; souffrez que je vous quitte, pour aller porter ce bouquet à M. Dolmont, avant l'arrivée des miliciens.

LE BAILLI. Eh! quoi, si pressée? reste donc encore un moment; les enrôlemens ne commencent pas si matin et nous pouvons causer encore.

COLINETTE. Je n'en ai pas le tems. (Elle s'enfuit.)

SCÈNE III.

LE BAILLI. Elle est charmante, mais c'est dommage qu'elle ne m'aime pas; cependant ne désespérons de rien. Le cœur d'une jeune fille est comme l'amadou, une étincelle suffit pour l'embraser, j'espère qu'elle s'apprivoisera. (Il rêve.) Je me croirais heureux avec cette enfant-là! c'est un cœur tout neuf, cela s'attachera à son mari; cela se ferait à mes caresses, et dans peu, elle m'aimerait à la folie; mais d'autre part, épouser une fille si jeune à mon âge!...Il y a bien quelques risques à courir...ceci demande quelques réflexions. Pendant la ritournelle, il se promène sur le bord du théâtre d'un air pensif.

ARIETTE.

Colinette est jeune et jolie,

De l'épouser ferai-je la folie,

L'amour dit oui, mais, hélas, la raison
En l'écoutant me dira toujours non.
Non, non, non, non,

Pourtant, pourtant sa mine

Sa mine est si mutine!

Si fine!

Non, non, mon cœur n'y saurait résister;

Lequel des deux dois-je écouter?
C'en est fait, elle a su me plaire,
Oui, je veux hâter cette affaire,
Colinette sera mon lot;

Sitôt que l'amour dit un mot,

C'est la raison qui doit se taire.

Me voilà tout-à-fait décidé, à quoi sert de délibérer? Je n'ai pas de tems à perdre pour prendre un parti, mais je me crois encore très propre à faire le bonheur d'une femme; il s'agit seulement de lui plaire, et quand j'aurai gagné ce point-là, il me sera facile de renverser les obstacles que M. Dolmont pourrait mettre à notre mariage. C'est une espèce de misantrope que ce M. Dolmont... Eh puis, la petite friponne

n'est peut-être pas sans avoir déjà quelqu'amoureux, je l'ai vue quelquefois avec un certain Colas des environs....La jeunesse a de grands avantages, et cela ne laisse pas que de me donner quelque inquiétude.

Colas chantant sans être aperçu.

Allons danser sous les ormeaux, etc.

Mais le voici! tachons de découvrir ce qui en est.

SCÈNE IV.

COLAS, LE BAILLI.

COLAS. Serviteur à M. le Bailli.

LE BAILLI. Ah! te voilà, maitre Colas, tu me parais bien gai ce matin.

COLAS. Pas beaucoup, M. le Bailli.

LE BAILLI. Comment? il me semble qu'on n'est pas triste quand on chante.

COLAS. Je ne sis pourtant pas ben content, je vous assure. LE BAILLI. Qu'as-tu donc, es-tu malade?

COLAS. Je m'porte assez ben, mais je n'mange ni n'dors, et pis par fois j'poussons des soupirs comme si m'étions arrivé quelque malheur.

LE BAILLI. Mais c'est être malade que de ne pouvoir manger ni dormir.

COLAS. C'est une maladie sans mal, je sentons seulement là dedans queque chose qui m'tarabuste furieusement, et je viens pour en parler à M. Dolmont.

LE BAILLI. A M. Dolmont? est-ce qu'il est médecin ? COLAS. Non, c'est l'Seigneur du village.

LE BAILLI. Et bien ! que peut-il faire à cela?

COLAS. Ly! y pourrions d'un seul mot m'rendre gai comme un pinçon.

LE BAILLI, (à part.) Je crains bien d'avoir deviné. (haut) Sais-tu que je suis un peu devin, moi, et que je puis te dire d'où vient cette langueur! Voyons, montre-moi tes yeux.

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