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rebelles; l'enfer du Dante engloutit la postérite malheureuse de l'homme tombé.

Page 136. Il rit des lamentations du pauvre.

Je suis, je crois, le premier auteur qui ait osé mettre le pauvre aux enfers. Avant la révolution, je n'aurais pas eu cette idée. Au reste, on a loué cette justice. Si Satan prêche ici une très-bonne morale, rien ne blesse la convenance et la réalité même des choses. Les démons connaissent le bien et font le mal; c'est ce qui les rend coupables. Ils applaudissent à la justice qui leur donne des victimes. D'après ce principe, admis par l'Église, on suppose dans les canonisations qu'un orateur plaide la cause de l'enfer, et montre pourquoi le saint, loin d'être récompensé, devrait être puni.

Page 137. Tu m'as préféré au Christ

Même principe. Satan sait qu'il n'est pas le fils de Dieu, et pourtant il veut être son égal aux yeux de l'homme. L'homme une fois tombé, Satan rit de la crédulité de sa victime.

Page 137. La peine du sang.

Aucun poëte, avant moi, n'avait songé à mêler la peine du dam à la peine du sang, et les douleurs morales aux angoisses physiques. Les réprouvés, chez le Dante, sentent, il est vrai, quelque mal de cette espèce; mais l'idée de ces tourments est à peine indiquée. Quant aux grands coupables qui sortent du sépulcre, quelques personnes sont fåchées que j'aie employé ces traditions populaires. Je pense, au contraire, qu'il est permis d'en faire usage, à l'exemple d'Homère et de Virgile, et qu'elles sont en elles-mêmes fort poétiques, quand on les ennoblit par l'expression. On en voit un bel exemple dans le serment des Seize ( Henriade). Pourquoi la poésie serait-elle plus scrupuleuse que la peinture? Et ne pouvais-je pas offrir un tableau qui a du moins le mérite de rappeler un chef-d'œuvre de le Sueur ?

Page 138. L'Éternité des douleurs, etc.

C'est la fiction la plus hardie des Martyrs, et la seule de cette espèce que l'on rencontre dans tout l'ouvrage.

Page 138. Il ordonne aux quatre chefs,

etc.

C'est ainsi que le Satan de Milton et celui du Tasse convoquent le sénat des enfers.

Chiama gli abitator, etc.

Vers magnifiques, dont je parlerai au XVIIe livre.

Page 138. Ils viennent tels que les adorent...

C'est l'olympe dans l'enfer, et c'est ce qui fait que cet enfer ne ressemble à aucun de ceux des poëtes mes devanciers. L'idée d'ailleurs est peutêtre assez heureuse, puisqu'il s'agit de la lutte des dieux du paganisme contre le véritable Dieu : enfin ce merveilleux est selon ma foi; tous les Pères ont cru que les dieux du paganisme étaient de véritables démons. Page 138. Filles du ciel, etc.

Tout ceci est à moi, et le fond de cette doctrine est conforme aux dogmes chrétiens.

Page 139. Non plus comme cet astre du matin, etc.

Le Tasse compare Satan au mont Athos, et Milton à un soleil éclipsé. Page 139. Dieux des nations.

L'exposition du côté heureux de l'action, et la désignation des bons personnages, se sont faites dans le ciel : dans l'enfer on va voir l'exposition du côté infortuné de la même action, et la désignation des personnages méchants.

Page 140. Moi je l'aurai couronnée en exterminant les chrétiens.

Ce démon propose un des avis qui seront adoptés par Satan, c'est-àdire la persécution sanglante; et Satan ne sait pas que Dieu a décrété cette persécution pour éprouver les chrétiens. L'enfer obéit à Dieu, en croyant lui résister.

Page 140. Alors le démon de la fausse Sagesse.

Ce démon n'avait point été peint avant moi. Il est vrai qu'il a été mieux connu de notre temps que par le passé, et qu'il n'avait jamais fail tant de mal aux hommes. On a paru trouver bien que le démon de la fausse Sagesse fût le père de l'Athéisme. Il semble aussi qu'on ait applaudi à cette expression: Née après les temps, par opposition à la vraie Sagesse, née avant les temps.

Page 141. Déjà Hiéroclès...

Voilà, comme je l'ai dit, la désignation du personnage vicieux, et la peinture de la fausse philosophie; second moyen qui doit servir à perdre les chrétiens.

Page 141. A ce discours de l'esprit le plus profondément corrompu de l'abîme, les démons, etc.

La peinture du tumulte aux enfers est absolument nouvelle Le suaire embrasé, la chape de plomb, les glaçons qui pendent aux yeux remplis

de larmes des malheureux habitants de l'abîme sont des supplices consacrés par le Dante.

Page 142. Le démon de la volupté.

Ce portrait est encore tout entier de l'imagination de l'auteur. Il y a dans la Messiade un démon repentant, Abadonis; mais c'est une tout antre conception. Au reste, le démon des voluptés sera en opposition avec l'ange des saintes amours.

Page 144. Le chaos, unique et sombre voisin de l'enfer.

C'est Milton qui met le chaos aux portes de l'enfer, et c'est Virgile qui, embellissant Homère, fait pénétrer la lumière au séjour des mânes par un coup du trident de Neptune.

Page 144. Ces oiseaux douteux...

Il était assez difficile de peindre noblement une chauve-souris. Page 144. Sous le vestibule, etc.; jusqu'à la fin du livre. Tout ce passage est nouveau, et ne rappelle aucune imitation. Les mots qui terminent le livre font voir l'action prête à commencer.

Il y a une chose peut-être digne d'être observée : on a pu voir, par les notes de ce livre, que les imitations y sont moins nombreuses que dans les livres mythologiques; la raison en est simple: il faut beaucoup imiter les anciens, et fort peu les modernes ; on peut suivre les premiers en aveugle, mais on ne doit marcher sur les pas des seconds qu'avec précaution.

SUR LE NEUVIÈME LIVRE.

Page 145. Les Belges de la Sequana.

Sequana, la Seine.

Il y avait trois Gaules: la Gaule Celtique, la Gaule Aquitanique et la Gaule Belgique. Celle-ci s'étendait depuis la Seine et la Marne jusqu'au Rhin et à l'Océan. ( CÆS., lib. 1, pag. 2.)

Page 145. Le premier objet qui me frappa dans les marais des Parisii, ce fut une tour octogone, consacrée à huit dieux gaulois.

Les Parisii étaient les peuples qui environnaient Lutèce, et ils composaient un des soixante ou des soixante-quatre peuples des Gaules: Optima gens flexis in gyrum Sequana frenis. Ils se battirent contre La

bienus, lieutenant de César. Le vieillard Camulogènes, qui les commandait, fut tué dans l'action ; et Lutèce, que les Parisii avaient mise en cendres de leurs propres mains, subit le joug des vainqueurs. (CÆSAR, de Bell. Gall., lib. vii, cap. x; Ess.-sur Paris, pag. 5.) On croit que cette tour octogone, consacrée à huit dieux gaulois, était celle du cimetière des Innocents. (Voyez FÉLIBIEN et SAINT-Foix. ) Ce fut Philippe le Bel qui fit murer le cimetière des Saints-Innocents. (GUILL. LE BRETON, dans sa Philippid., apud Dubreuil, 830.)

Page 145. Du côté du midi, à deux mille pas de Lutèce... on découvrait le temple d'Hésus.

Le temple d'Hésus, ou de Mercure, occupait l'emplacement des Carmélites du faubourg Saint-Jacques. (Traité de la police, par LA MARE, tom. I, pag. 2.)

Page 145. Plus près, dans une prairie... s'élevait un second temple, dédié à Isis.

Ce temple d'Isis est aujourd'hui l'abbaye de Saint-Germain des Prés. Le collége des prêtres d'Isis était à Issy. (Voyez LA MARE, loc. cit., et SAINT-FOIX, Essais, tom. 1, pag. 2.)

Page 146. Et vers le nord, sur une colline.

C'est Montmartre. Le temple de Teutatès est marqué par la Mare (LA MARE, t. I, pag. 2.)

Page 146. En approchant de la Sequana, j'aperçus, à travers un rideau de saules et de noyers,

etc.

Tout cela est de Julien (in Misopogon). Il y a bien loin de ces saules au Louvre. Ce qu'on dit ici de la Seine est précisément l'opposé de ce qui existe aujourd'hui. On trouve, dans Grégoire de Tours et dans les Chroniques, divers débordements de la Seine: ainsi il ne faut pas croire Julien trop implicitement.

Page 146. Deux ponts de bois, défendus par deux châteaux, etc.

Ces ponts étaient de bois du temps de l'empereur Julien (in Misopogon), et Duplessis montre très-bien qu'ils devaient être encore de bois avant cet empereur. (Ann. de Paris, pag 5.) Quant aux châteaux où l'on paye le tribut à César, Saint-Foix les retrouve dans le petit et le grand Châtelet. La Mare et Félibien prétendent que ces châteaux furent bâtis par César. (Traité de la Police, tom. 1; FÉLIBIEN, tom. 1, pag. 2-13.) Du temps de Corrozet, on lisait encore, sur une des portes du graud Châtelet: Tributum Cæsaris. (CORROZET, Antiquités de Pa

ris, édit. in-8°, pag. 1550, fol. 12, verso.) Abbon, dans son poëme sur le Siége de Paris, parle du grand et du petit Châtelet.

Horum (pontium) hinc inde tutrices

Çis urbem speculare phalas (turres), citra quoque flumen.
(Lib 1, Bellorum Parisiacæ urbis, v. 18, 19.)

On demande si ces tours étaient bâties au bout du Pont-au-Change et du Petit-Pont, où étaient le grand et le petit Châtelet, ou si elles étaient sur le pont que Charles le Chauve avait fait construire à l'extrémité occidentale de la ville. (Voyez Annales de Paris, pag. 171, 172.)

Page 146. Et je ne vis dans l'intérieur du village, etc.
C'est toujours Julien qui est ici l'autorité.

Page 146. Je n'y remarquai qu'un seul monument, etc.

Les Nautes étaient une compagnie de marchands établis par les Romains à Lutèce, Nautæ parisiaci. Ils présidaient au commerce de la Seine: ils avaient élevé un temple ou un autel à Jupiter, à l'extrémité orientale de l'île. On trouva des débris de ce monument en 1710, ou le 15 mars 1711, en fouillant dans le choeur de la cathédrale. (Voyez Mémoires de l'Académie des inscriptions, tom. III, pag. 243 et 596; FéLIBIEN, Histoire de Paris, tom. I, pag. 14; PIGANIOL DE LA FORCE, Description de Paris, tom. 1, pag. 360.)

Page 146. Mais hors de l'île, de l'autre côté... de la Sequana, on voyait sur la colline Lucotitius un aqueduc romain, un cirque, un amphithéâtre, et le palais des Thermes, habité par Constance.

La colline Lucotitius, mons ou collis Lucotitius. - C'est la montagne Sainte-Geneviève. On trouve ce nom employé pour la première fois dans les Actes des Saints de l'ordre de Saint-Benoit, par Gislemar, écrivain du neuvième siècle.

Un aqueduc romain. C'est l'aqueduc d'Arcueil, qui, selon les meilleurs critiques, fut bâti avant l'arrivée de Julien dans les Gaules. L'aqueduc moderne est peut-être élevé sur l'emplacement de l'ancien. (Mémoire de l'Académie des inscriptions, tom. xiv, pag. 268.)

Un cirque, un amphithéâtre. — On avait cru ce cirque bâti par Chilpéric 1er; mais il est prouvé qu'il ne fut que le restaurateur d'un ancien cirque romain. Outre ce cirque, il y avait au même lien un amphithéâtre. Tous ces monuments occupaient la place de l'abbaye de SaintVictor, ou l'espace qui s'étendait depuis les murs de l'université jusqu'à la rue Villeneuve Saint-René. On appela longtemps ce terrain le clos des

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