Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

TIEME.

point le progrès de la propagation. Le Prince n'y peut pas dire comme Pharaon, opprimons-les avec Jageffe. Il feroit plutôt réduit à former le fou- Hu 1hait de Néron, que le genre humain n'eût qu'une tête. Malgré la tyrannie, la Chine par la force du climat fe peuplera toujours, & triomphera de chap. XXI. la tyrannie.

ci deffous,

La Chine, comme tous les païs où croît le Ris (a), eft fujette à des fami- (a) Vy. nes fréquentes. Lorfque le peuple meurt de faim, il fe difperfe pour cher- le Liv. 23. cher de quoi vivre; il fe forme de toutes parts des bandes de trois, quatre chap. 14. ou cinq voleurs. La plupart font d'abord exterminés; d'autres fe groffiffent & font exterminés encore. Mais dans un fi grand nombre de Provinces & fi éloignées, il peut arriver que quelque troupe faffe fortune. Elle fe maintient, fe forme en corps d'armée, va droit à la Capitale, & le Chef monte fur le trône.

Telle est la nature de la chofe, que le mauvais Gouvernement y eft d'abord puni. Le défordre y naît foudain, parce que ce Peuple prodigieux manque de fubfiftance. Ce qui fait que dans d'autres païs on revient fi difficilement des abus, c'eft qu'ils n'y ont pas des effets d'abord fenfibles; le Prince n'y eft pas averti d'une manière prompte & éclatante comme il l'eft à la Chine. Il ne fentira point comme nos Princes, que s'il gouverne mal, il fera moins heureux dans l'autre vie, moins puiffant & moins riche dans celle-ci. Il faura que fi fon Gouvernement n'eft pas bon, il perdra l'Empire & la

vie.

Comme, malgré les expofitions d'enfans, le Peuple augmente toujours à la Chine (b), il faut un travail infatigable pour faire produire aux terres dequoi le nourrir. Cela demande du Gouvernement une attention qu'on n'a point ailleurs. Il eft à tous les inftans intéreffé à ce que tout le monde puiffe travailler fans crainte d'être fruftré de ses peines. Ce doit moins être un Gouvernement civil qu'un Gouvernement domestique.

Voila ce qui a produit les réglemens dont on parle tant. On a voulu faire régner les Loix avec le Defpotifine; mais ce qui eft joint avec le Defpotifme n'a plus de force. Envain ce Defpotifme preffé par fes malheurs a-t-il voulù s'enchaîner; il s'arme de fes chaînes & devient plus terrible

encore.

La Chine eft donc un Etat Defpotique dont le principe eft la crainte. Peut-être que dans les prémières Dynafties, l'Empire n'étant pas fi étendu le Gouvernement déclinoit un peu de cet efprit. Mais aujourdhui cela n'est pas.

(b) Vey. le Mémoire

no gtou pour qu'on défri

che, Lettres Edif. 21. Recueil,

[blocks in formation]
[blocks in formation]
[ocr errors]

A VEC

LA FORCE DEFENSIVE.

CHAPITRE PREMIER.

Comment les Républiques pourvoient à leur fûreté.

I une République eft petite, elle eft détruite par une force étrangère; fi elle eft grande, elle fe détruit par un vice intérieur ( 1 ).

Ce double inconvénient infecte également les Démocraties & les Ariftocraties, foit qu'elles foient bonnes, foit qu'elles foient mauvaises. Le mal eft dans la chofe même ; il n'y a aucune forme qui puiffe y reinédier.

Ainfi il y a grande apparence que les hommes auroient été à la fin obligés de vivre toujours fous le Gouvernement d'un feul, s'ils n'avoient imaginé une manière de Conftitution qui a tous les avantages intérieurs du Gouvernement Républicain & la force extérieure du Monarchique. Je parle de la République fédérative.

Cette forme de Gouvernement eft une convention par laquelle plufieurs Corps politiques confentent à devenir citoyens d'un Etat plus grand qu'ils veulent former. C'eft une Société de Sociétés, qui en font une nouvelle, qui peut s'aggrandir par de nouveaux affociés, jufqu'à ce que fa puiffance fuffife à la fûreté de ceux qui fe font unis.

Ce furent ces affociations qui firent fleurir fi longtems le Corps de la Grèce. Par elles les Romains attaquèrent l'Univers, & par elles feules l'Univers se défendit contr'eux; & quand Rome fut parvenue au comble de fa grandeur, ce fut par des affociations derrière le Danube & le Rhin, affociations que la frayeur avoit fait faire, que les Barbares purent lui résister. C'est par-là que la Hollande (2), l'Allemagne, les Ligues Suiffes font regardées en Europe comme des Républiques éternelles.

(1) Fato potentia, non fuâ și nixa, Tacite.
(2) Elle eft formée par environ cinquante Répu-

Les

bliques, toutes différentes les unes des autres, Etat des Provinces Unies, par Mr. Janisson,

Les affociations des Villes étoient autrefois plus néceffaires qu'elles ne le Liva. font aujourdhui. Une Cité fans puiffance couroit de plus grands périls. NuLa conquête lui faifoit perdre, non feulement la puiffance exécutrice & la VIIME. légiflative, comme aujourdhui; mais encore tout ce qu'il y a de propriété chap. I. parmi les hommes (1).

Cette forte de République capable de réfifter à la force extérieure, peut fe maintenir dans fa grandeur fans que l'intérieur fe corrompe; la forme de cette Société prévient tous les inconvéniens.

Celui qui voudroit ufurper ne pourroit guère être également accrédité dans tous les Etats confédérés. S'il fe rendoit trop puiffant dans l'un, il allarmeroit tous les autres; s'il fubjuguoit une partie, celle qui feroit libre encore pourroit lui réfifter avec des forces indépendantes de celles qu'il auroit ufurpées, & l'accabler avant qu'il eût achevé de s'établir.

S'il arrive quelque fédition chez un des membres confédérés, les autres peuvent l'appaifer. Si quelques abus s'introduifent quelque part, ils font corrigés par les parties faines. Cet Etat peut périr d'un côté fans périr de l'autre, la Confédération peut être diffente & les Confédérés refter Sou

verains.

Compofé de petites Républiques, il jouit de la bonté du Gouvernement intérieur de chacune; & à l'égard du dehors, il a, par la force de l'association, tous les avantages des grandes Monarchies.

CHAPITRE II.

Que la Conftitution FEDERATIVE doit être composée d'Etats de même nature, fur-tout d'Etats Républicains.

ES Cananéens furent détruits, parce que c'étoient de petites Monarchies qui ne s'étoient point confédérées, & qui ne fe défendirent pas en commun. C'eft que la nature des petites Monarchies, n'eft pas la confédé

ration.

[ocr errors]

La République fédérative d'Allemagne eft compofée de Ville libres & de petits Etats foumis à des Princes. L'expérience fait voir qu'elle est plus imparfaite que celle de Hollande & de Suiffe.

L'efprit de la Monarchie eft la guerre & l'aggrandiffement: l'efprit de la République eft la paix & la modération. Ces deux fortes de Gouvernement ne peuvent que d'une manière forcée fubfifter dans une République fédéra

tive.

Auffi voyons-nous dans l'Hiftoire Romaine, que lorfque les Véiens eurent choifi un Roi, toutes les petites Républiques de Tofcane les abandonnèrent, Tout fut perdu en Grèce, lorfque les Rois de Macédoine obtinrent une place parmi les Amphictions.

(1) Liberté civile, biers, femmes, enfans, temples & fépultures même.

La

LIVRA NEUVIEME,

Chap. 111.

&ir.

La République fédérative d'Allemagne, compofée de Princes & de Villes libres, fubfifte parce qu'elle a un Chef, qui eft en quelque façon le Magiftrat de l'Union, & en quelque façon le Monarque.

DA

CHAPITRE III

Autres chofes requifes dans la République fédérative.

ANs la République de Hollande une Province ne peut faire une alliance fans le confentement des autres. Cette Loi eft très bonne & même néceffaire dans la République fédérative. Elle manque dans la Conftitution Germanique, où elle préviendoit les malheurs qui y peuvent arriver à tous les Membres, par l'imprudence, l'ambition ou l'avarice d'un feul. République qui s'eft unie par une confédération politique, s'eft donnée toute entière, & n'a plus rien à donner.

Une

Il est difficile que les Etats qui s'affocient, foient de même grandeur & (a) Stra- ayent une puiffance égale. La République des Lyciens (a) étoit une affobon, Liv. 4. ciation de vingt-trois Villes; les grandes avoient trois voix dans le Confeil commun, les médiocres deux, les petites une. La République de Hollande eft compofée de fept Provinces, grandes ou petites, qui ont chacune

(b) Ibid.

(c) Ibid.

une voix.

Les Villes de Lycie (b) payoient les charges felon la proportion des fuffrages. Les Provinces de Hollande ne peuvent fuivre cette proportion; il faut qu'elles fuivent celle de leur Puiffance.

En Lycie (c) les Juges & les Magiftrats des Villes étoient élus par le Confeil commun, & felon la proportion que nous avons dite. Dans la République de Hollande ils ne font point élus par le Confeil commun, & chaque Ville nomme fes Magiftrats. S'il falloit donner un modèle d'une belle République fédérative, je prendrois la République de Lycie.

CHAPITRE IV.

Comment les Etats Defpotiques pourvoyent à leur fûreté.

OMME les Républiques pourvoyent à leur fûreté en s'uniffant, les Etats Defpotiques le font en fe féparant & en se tenant, pour ainfi dire, feuls. Ils facrifient une partie du païs, ravagent les frontières & les rendent défertes; le Corps de l'Empire devient inacceffible.

Il eft reçu en Géométrie que plus les Corps ont d'étendue, plus leur circonférence eft rélativement petite. Cette pratique de dévaster les frontières eft donc plus tolérable dans les grands Etats que dans les médiocres.

Cet

Cet Etat peut faire contre lui-même tout le mal que pourroit faire un cruel LIVR ennemi, mais un ennemi qu'on ne pourroit arrêter.

[ocr errors]

L'Etat Defpotique fe conferve par une autre forte de féparation, qui VIME. fe fait en mettant les Provinces éloignées entre les mains d'un Prince qui Chap. SVI. en foit feudataire. Le Mogol, la Perfe, les Empereurs de la Chine ont leurs feudataires; & les Turcs fe font très bien trouvés d'avoir mis entre leurs ennemis & eux les Tartares, les Moldaves, les Valaques, & autrefois les Tranfilvains.

L

[blocks in formation]

A Monarchie ne fe détruit pas elle-même comme l'Etat Defpotique; mais un Etat d'une grandeur médiocre pourroit être d'abord envahi. Elle a donc des places fortes qui défendent fes frontières, & des armées pour défendre fes places fortes. Le plus petit terrain s'y difpute avec art, avec courage, avec opiniâtreté. Les Etats Defpotiques font entr'eux des invafions; il n'y a que les Monarchies qui faffent la guerre.

Les Places fortes appartiennent aux Monarchies; les Etats Defpotiques craignent d'en avoir. Ils n'ofent les confier à perfonne; car perfonne n'y aime l'Etat & le Prince.

P qu'il

[blocks in formation]

De la force défenfive des Etats en général.

OUR qu'un Etat foit dans fa force, il faut que fa grandeur foit telle, y ait un rapport de la vitesse avec laquelle on peut exécuter contre lui quelque entreprife, & la promptitude qu'il peut employer pour la rendre vaine. Comme celui qui attaque peut d'abord paroître par-tout, il faut que celui qui défend puiffe fe montrer par-tout auffi, & par conféquent que l'étendue de l'Etat foit médiocre, afin qu'elle foit proportionnée au degré de viteffe que la Nature a donnée aux hommes pour se transporter d'un lieu à un autre.

La France & l'Espagne font précisément de la grandeur requife. Les forces fe communiquent fi bien qu'elles fe portent d'abord là où l'on veut, les armées s'y joignent & paffent rapidement d'une frontière à l'autre, & on n'y craint aucune des chofes qui ont befoin d'un certain tems pour être exécutées.

En France, par un bonheur admirable, la Capitale fe trouve plus près des différentes frontières justement à proportion de leur foibleffe, & le Princey voit mieux chaque partie de fon païs à mesure qu'elle eft plus exposée. Tome I.

Mais

« PreviousContinue »