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sur les biens de leur mari sont inutiles; mais ils seroient très pernicieux dans une république, parce que leurs richesses particulières produisent le luxe. Dans les états despotiques les gains de noces doivent être leur subsistance, et rien de plus.

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CHAPITRE XVI.

Belle coutume des Samnites.

Les Samnites avoient une coutume qui, dans une petite république, et surtout dans la situation où étoit la leur, devoit produire d'admirables effets. On assembloit tous les jeunes gens, et on les jugeoit. Celui qui étoit déclaré le meilleur de tous prenoit pour sa femme la fille qu'il vouloit; celui qui avoit les suffrages après lui choisissoit encore, et ainsi de suite. Il étoit admirable de ne regarder entre les biens des garçons que les belles qualités et les services rendus à la patrie. Celui qui étoit le plus riche de ces sortes de biens choisissoit une fille dans toute la nation. L'amour, la beauté, la chasteté, la vertu, la naissance, les richesses même, tout cela étoit, pour ainsi dire, la dot de la vertu. Il seroit difficile d'imaginer une récompense plus noble, plus grande, moins

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Fragment de Nicolas de Damas, tiré de Stobée, dans le Recueil de Constantin Porphyrogénète.

à charge à un petit état, plus capable d'agir sur l'un et l'autre sexe.

Les Samnites descendoient des Lacédémoniens; et Platon, dont les institutions ne sont que la perfection des lois de Lycurgue, donna à peu près une pareille loi'.

CHAPITRE XVII.

De l'administration des femmes.

Il est contre la raison et contre la nature que les femmes soient maîtresses dans la maison, comme cela étoit établi chez les Égyptiens; mais il ne l'est pas qu'elles gouvernent un empire. Dans le prel'état de foiblesse où elles sont ne leur permet pas la prééminence; dans le second, leur foiblesse même leur donne plus de douceur et de modération, ce qui peut faire un bon gouvernement, plutôt que les vertus dures et féroces.

mier cas,

Dans les Indes on se trouve très bien du gouvernement des femmes, et il est établi que, si les mâles ne viennent pas d'une mère du même sang, les filles qui ont une mère du sang royal succèdent 2. On leur donne un certain nombre de personnes pour les aider à porter le poids du gouver

' Il leur permet même de se voir plus fréquemment.

2 Lettres édifiantes, quatorzième recueil.

nement. Selon M. Smith, on se trouve aussi très bien du gouvernement des femmes en Afrique. Si l'on ajoute à cela l'exemple de la Moscovie et de l'Angleterre, on verra qu'elles réussissent également et dans le gouvernement modéré et dans le gouvernement despotique.

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Voyage de Guinée, seconde partie, page 165 de la traduction, sur le royaume d'Angola, sur la côte d'Or.

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LIVRE VIII.

DE LA CORRUPTION

DES PRINCIPES DES TROIS GOUVERNEMENTS.

CHAPITRE PREMIER.

Idée générale de ce livre.

La corruption de chaque gouvernement commence presque toujours par celle des principes.

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CHAPITRE II.

De la corruption du principe de la démocratie.

Le principe de la démocratie se corrompt non seulement lorsqu'on perd l'esprit d'égalité, mais encore quand on prend l'esprit d'égalité extrême, et que chacun veut être égal à ceux qu'il choisit pour lui commander. Pour lors le peuple, ne pouvant souffrir le pouvoir même qu'il confie, veut tout faire par lui-même, délibérer pour le sénat, exécuter pour les magistrats, et dépouiller tous les juges.

Il ne peut plus y avoir de vertu dans la république. Le peuple veut faire les fonctions des ma

gistrats; on ne les respecte donc plus. Les délibérations du sénat n'ont plus de poids; on n'a donc plus d'égard pour les sénateurs, et par conséquent pour les vieillards; que si l'on n'a pas du respect pour les vieillards on n'en aura pas non plus pour les pères : les maris ne méritent pas plus de défé- ̈ rence, ni les maîtres plus de soumission. Tout le monde parviendra à aimer ce libertinage; la gêne du commandement fatiguera comme celle de l'obéissance. Les femmes, les enfants, les esclaves, n'auront de soumission pour personne. Il n'y aura plus de mœurs, plus d'amour de l'ordre, enfin plus de vertu.

On voit, dans le banquet de Xénophon, uné peinture bien naïve d'une république où le peuple a abusé de l'égalité. Chaque convive donne à son tour la raison pourquoi il est content de lui. « Je << suis content de moi, dit Chamidès, à cause de << ma pauvreté. Quand j'étois riche, j'étois obligé <«< de faire ma cour aux calomniateurs, sachant << bien que j'étois plus en état de recevoir du mal <«< d'eux que de leur en faire; la république me << demandoit toujours quelque nouvelle somme: « je ne pouvois m'absenter. Depuis que je suis «< pauvre j'ai acquis de l'autorité; personne ne me << menace, je menace les autres; je puis m'en << aller ou rester; déja les riches se lèvent de leurs places et me cèdent le pas. Je suis un roi,

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