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AU SOLEIL.

FRAGMENT DU POÈME DE CARTHON.

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O toi, qui luis sur nous, et roules dans les cieux, Rond comme le pavois que portaient nos aïeux! D'où vient de tes rayons l'éternelle lumière? Soleil! Tu viens d'ouvrir ta brillante carrière; Tes regards ont chassé les astres de la nuit; La lune, pâle et froide, au sein des eaux s'enfuit. Tu puises dans toi seul le mouvement, la vie; Qui peut t'accompagner dans ta course infinie? On voit au haut des monts les chênes ébranlés Tomber; on voit les monts lentement écroulés; L'Océan tour à tour et s'élève et s'abaisse; Et la lune se perd dans les plaines du ciel; Le seul astre du jour se réjouit sans cesse, Inaltérable et pur en son cours immortel. L'éclair vole; on entend retentir les orages; La foudre gronde au loin dans les airs sillonnés; Et tout à coup, Soleil! entr'ouvrant les nuages, Tu ris de la tempête et des vents déchaînés. Hélas! pour Ossian ta lumière est perdue:

Tes feux consolateurs n'enchantent plus ma vue,
Quand tes cheveux dorés flottent sur l'Orient,
Quand ta lumière tremble au bord de l'Occident.
Un jour peut-être, un jour le poids glacé de l'âge
Doit aussi mettre un terme à ton brillant destin;
Et peut-être, endormi dans le sein du nuage,
Tu seras insensible à la voix du matin.
Réjouis-toi, Soleil! et brille en ta jeunesse;
La saison des vieillards amène la tristesse :
C'est l'astre de la nuit dont les pâles rayons
Lancent, durant l'hiver, leur lumière incertaine,
Lorsque le vent du nord vient fondre sur la plaine,
Lorsqu'un brouillard épais enveloppe les monts,
que le voyageur dans sa course lointaine

Et

Tremble, en foulant aux pieds la neige et les glaçons.

CLONAL ET CRIMORA.

Q

CRIMORA.

UEL est celui que mon œil vient de voir?
Quel est celui qui descend des montagnes,
Pareil au nuage du soir,

Quand les derniers rayons colorent les campagnes?
Quelle est la voix dont les accens
Étonnent la forêt calme et silencieuse?

Moins terrible est la voix des vents;
La harpe de Caril est moins mélodieuse.
C'est la voix de mon cher Clonal!

Son glaive brille au loin; mais la tristesse sombre
Sur le front de Clonal a répandu son ombre.
La guerre a-t-elle éteint la race de Fingal?

CLONAL.

Non sa race est encor vivante;

J'ai vu du mont voisin descendre ses guerriers;
Et de l'astre du jour la flamme étincelante
Ravonnait sur leurs boucliers.

Du sommet des vertes collines

Un long fleuve de feu semble rouler ses flots; Long-tems sont prolongés dans les forêts voisines. Les cris de nos jeunes héros.

Demain Dargo, dans sa furie,

Contre nous vient tenter le sort; Mais du puissant Fingal la race est aguerrie Aux combats, au sang, à la mort.

CRIMORA.

Du fier Dargo j'ai vu les voiles
Sur la route des mers s'avancer lentement;
Moins nombreuses sont les étoiles
Dans les plaines du firmament.

CLONAL.

Nos glaives brilleront sur la rive étrangère.
Crimora! viens armer mon bras.

Donne le bouclier de Vinval, de ton père:
Que je vole aux champs des combats.

CRIMORA.

Tiens son bouclier, sa vaillance,

Ont su le rendre illustre, et non le secourir.
Il combattit Gormar, et périt sous sa lance:
Peut-être aussi dois-tu périr!

CLONAL.

Je peux tomber, mais non sans gloire;

Alors tu dresseras le tombeau d'un amant :

OEuvres anciennes. III.

27

Des pierres, des gazons, un simple monument,
Sauront conserver ma mémoire.

La lumière du jour est moins belle que toi;
Le zéphyr du vallon moins tendrement soupire;
C'est pour toi, douce amie! en toi que je respire;
Et cependant je pars! tu vivras loin de moi!
Frappe ton sein charmant si ma valeur succombe;
Entonne le chant des douleurs :

Souviens-toi d'élever ma tombe;
Souviens-toi d'y verser des pleurs.

CRIMORA.

Je veux aussi, je veux des armes : Le bouclier, le glaive et la lance d'acier. Au féroce Dargo reportons les alarmes :

Je combattrai moi-même auprès de mon guerrier. Adieu, rochers d'Arven! adieu, chevreuils sauvages; Torrens aux bondissantes eaux!

Nous ne reviendrons plus: sur les lointains rivages Nous allons chercher des tombeaux.

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