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il y avait :

Non, je ne tente point les choses impossibles :
Organes du public, d'autres plus inflexibles,
Exerçant à loisir le pouvoir d'un bon mot,
Puniront Lormian du malheur d'être un sot.
Gardons-nous d'imiter sa lourde intolérance:
S'il sait l'art d'ennuyer, on sait bailler en France.
On ne me verra point, Dom-Quichote, etc. etc.

Page 11, vers 17 et suivans.

Au lieu de

On condamne à l'oubli de petits charlatans
Mécontens du public, et d'eux-mêmes contens,
Etc. etc.

il y avait :

L'ambition perdit ces petits charlatans :

Nature les fit sots; ils se sont faits méchans.

Tout grand nom leur déplaît ; tout succès les déchire;
A leur honte vénale, etc. etc.

DISCOURS

SUR

LES POÈMES DESCRIPTIFS.

1805.

LE Pinde a vu des jours en talens plus fertiles;
Des lois y séparaient les genres et les styles;
Et les chantres fameux s'empressaient d'obéir
A ces lois du bon sens, du goût et du plaisir.
Sa trompette à la main, l'héroïque Épopée
Célébrait les exploits, les crimes de l'épée;
Simple avec majesté, la Tragédie en pleurs
Consacrait dans ses vers les illustres malheurs;
L'aimable Comédie au sourire pudique
Offrait à nos travers un miroir véridique;
L'Ode mélodieuse, et chantant tour à tour
Les Dieux et les festins, les héros et l'amour,
Aux élans du Génie abandonnait sa lyre;
Le ridicule heureux d'une utile satire
Flétrissait les méchans, humiliait les sots;
Et la Description, se plaçant à propos,
A ces genres divers sobrement départie,
Venait dans chaque tout former une partie.

Aujourd'hui, nous dit-on, c'est un genre nouveau :
Des grimauds impuissans, dont jamais le cerveau
N'a saisi les contours d'un sujet noble et riche,
D'une image stérile enflent chaque hémistiche,
Sur un papier rebelle, et d'un esprit glacé,
Riment avec effort ce qu'un autre a pensé,
De vingt compilateurs compilent les merveilles,
Assomment le public endormi par leurs veilles;
Et chacun d'eux, vanté sans mesure et sans choix,
Devient dans un journal le grand homme du mois.
L'un, en moitiés de vers distribuant sa prose,
Comptant chaque pistil dans l'œillet ou la rose,
Oubliant les parfums, négligeant les couleurs,
A l'aide de Jussieu rime un traité des fleurs.
L'autre, d'un air niais qu'il prend pour de la grâce,
En pleine basse-cour établit son Parnasse,
Ronfle avec l'animal aux Hébreux défendu,
Nasille avec l'oison dans sa mare étendu,
Et, toujours au bon goût alliant l'harmonie,
Glousse avec les dindons, ses rivaux en génie.

Un bruit soudain s'élève aux marais d'Hélicon.
D'où vient-il? Un Orphée, argonaute gascon,
Sur la foi de Giguet, et non pas de Zéphire,

1. Esménard, auteur d'un poème sur la Navigation. 2. Giguet, libraire, associé de Michaud.

Va courir l'Océan sans boussole et sans lyre;
Mais, lourd ménétrier, tremblant navigateur,
Il trompera l'espoir de Giguet l'armateur :
Il n'ira point creuser les mines de Golconde;
Ne le soupçonnez pas de découvrir un monde;
Sans même avoir l'honneur d'être battu des flots,
Le chantre monotone endort les matelots,
Et, dans un calme plat faisant tous ses naufrages,
Traverse avec l'Ennui de stériles rivages,

Jusque sous l'équateur va porter les hivers,
Et gravit sur des monts moins glacés que ses vers.

Ne sachant se borner, la Sottise étourdie
Voit dans chaque matière une encyclopédie;
Elle offre en un sujet tristement alongé
Du monde en raccourci l'éternel abrégé,
Et, s'égarant toujours, toujours plus en arrière,
Croit, en quittant la route, étendre la carrière.
Tel on vit autrefois le marseillais Dulard 1,
Riche en mots superflus, et maître d'Esménard,
Sur les œuvres de Dieu broder un long ouvrage :
Ainsi que les Gascons, les Marseillais font rage.

1. Dulard (Paul-Alexandre), secrétaire de l'Académie de Marseille, et auteur d'un poème intitulé: Grandeurs de Dieu dans les merveilles de la nature. Un critique a dit de cette production que c'était le Spectacle de la Nature mis en vers par le poète Ronsard.

S'il avait voulu plaire, il eût manqué son but;
Il était sûr au moins d'opérer son salut.

Il ennuya; d'accord: tout rimailleur apôtre

Use amplement du droit d'ennuyer plus qu'un autre. Béni par les croyans quand ses vers sont maudits, S'il ne monte au Parnasse, il monte en Paradis.

Pour vous, auteur profane, en un sujet fertile
Fuyez des longs discours l'étalage inutile.
L'éloquent écrivain n'est jamais babillard :
Qui sait beaucoup dit peu, mais choisit avec art;
Qui ne sait rien dit tout, hors ce qu'il fallait dire.
Et ne rirait-on pas du poète en délire

Qui, chantant le bel art par l'amour inventé,
Et qu'au point le plus haut Raphaël a porté,
Au lieu de peindre aussi nous déduirait par liste
L'école, les travaux, le nom de chaque artiste,
Et, poursuivant au Louvre, une plume à la main,
Titien, Michel-Ange, et Rubens, et Poussin,
Épuisant Gérard-Dow, Miéris et Van-Ostade,
N'osant nous épargner la moindre bambochade,
Copiste sans génie, et même sans pinceaux,
Du Muséum entier rimerait les tableaux?

Que le Pinde français laisse à la Germanie
Du geure descriptif l'insipide manie.

Thompson, chez les Anglais, l'a sans doute illustré;

Et son vers, toujours noble, est souvent inspiré.

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