sa course, lorsque sont aperçus au loin des murs, des tours et quelques toits épars, que la puissance romaine a, depuis, élevés jusqu'aux cieux : c'était alors l'humble royaume d'Évandre. Soudain on tourne les proues, et l'on approche de la ville. Ce jour-là même, dans un bois sacré, auprès de ses remparts, le prince arcadien offrait au grand fils d'Amphitryon et aux dieux de l'Olympe un sacrifice solennel. Avec lui, Pallas, dont il est le père, les chefs de ses guerriers et son humble sénat faisaient brûler l'encens, et au pied des autels fumait le sang des victimes. Dès qu'ils ont vu les vaisseaux s'avancer à travers la forêt, sans que le bruit des rames soit entendu, la frayeur les saisit: tous se lèvent, tous vont abandonner leurs tables, quand l'intrépide Pallas leur défend d'interrompre le festin sacré il saisit un javelot, court au rivage, et, de loin, sur un tertre élevé : « Étrangers, s'écrie-t-il, quel dessein vous fait tenter ces routes inconnues? où allez-vous? qui êtes-vous? est-ce la paix ou la guerre que vous nous apportez? » : ALORS, du haut de sa poupe, montrant le rameau pacifique qu'il tient à la main : « Ce sont, dit Énée, des Troyens que vous voyez, et ces armes ne menacent que les Latins sans pitié pour nos malheurs, ils nous déclarent une guerre cruelle. Nous demandons Évandre. Allez, rapportez-lui ce que vous venez d'entendre, et dites que les premiers chefs de la nation troyenne viennent solliciter son alliance et son appui. » Pallas, que ce grand nom frappe d'étonnement: « Ah! qui que vous soyez, dit-il, descendez! venez vous-même parler à mon père, et agréez, dans nos demeures, un asile hospita Excepitque manu, dextramque amplexus inhæsit. « OPTIME Graiugenûm, cui me Fortuna precari, Non equidem extimui, Danaum quod ductor et Arcas, Dardanus, Iliacæ primus pater urbis et auctor, Insequitur, nos si pellant, nihil abfore credunt, Quin omnem Hesperiam penitus sua sub juga mittant, Et mare, quod supra, teneant, quodque alluit infra. lier. » En même temps il tend la main, et serre étroitement celle d'Énée. Soudain Énée et Pallas s'éloignent du rivage; ils entrent dans le bois sacré, et le héros adresse à Évandre ces paroles de paix: << O LE plus vertueux des Grecs, puisque c'est la volonté du sort qu'aujourd'hui je me présente à vous avec ces rameaux enlacés de bandelettes, je n'ai pas craint de venir trouver un prince arcadien qui commande aux enfans de Danaus, et qui même est uni par le sang aux deux Atrides. Mais ma piété envers les dieux, leurs saints oracles, nos deux familles, qui ont une commune origine, et votre renommée, répandue dans l'univers : tels sont les liens qui d'avance nous ont unis, et qui me font obéir avec joie à l'ordre des destins. Dardanus, qui vint aborder dans la Troade, et fut le premier fondateur d'Ilion, était, ainsi que les Grecs eux-mêmes l'ont publié, fils d'Électre, l'une des Atlantides. Cette Électre eut pour père le grand Atlas, qui soutient sur ses épaules les sphères célestes. Vous descendez de Mercure, qui fut enfanté par la belle Maïa sur le sommet glacé du Cyllène. Or, si l'on en croit la tradition, Maïa était fille du même Atlas qui soutient le ciel et les astres. Ainsi nos deux familles remontent, par le sang, à la même source. Appuyé sur ces titres, je n'ai voulu employer, pour connaître vos dispositions, ni ambassadeurs, ni l'artifice des négociations: moi-même je suis venu en suppliant, et exposant ma vie, implorer votre appui. Les Dauniens, ces peuples qui vous font une guerre cruelle, se flattent, s'ils repoussent les Troyens, qu'ils imposeront leur joug à toute l'Hespérie, et qu'ils asserviront les deux mers dont ils occupent les rivages. Recevez ma foi et donnez-moi la vôtre. Nous avons des guerriers Accipe, daque fidem : sunt nobis fortia bello Interea sacra hæc, quando huc venistis amici, forts et vaillans, et une jeunesse ardente, éprouvée dans les combats. >> AINSI parlait Énée, tandis qu'Évandre, observant et ses traits et ses yeux, le parcourait tout entier. Enfin, il lui répond ainsi en peu de mots : « Avec quelle joie, ô le plus vaillant des Troyens, je vous reçois et je vous reconnais ! que j'aime, en vous voyant et en vous écoutant, à retrouver dans vous les traits et la voix du grand Anchise! Je n'ai point oublié que Priam, fils de Laomédon, allant visiter les états de sa sœur Hésione, descendit à Salamine, et traversa les froides contrées de l'Arcadie. Alors la fleur du jeune âge couvrait mon menton de son premier duvet. J'admirais les chefs des Troyens, j'admirais le fils de Laomédon lui-même ; mais Anchise les effaçait tous par sa taille élevée. Je désirais, avec l'ardeur de la jeunesse, entretenir ce héros et serrer sa main dans la mienne. Je l'abordai, et je m'empressai de le conduire dans les murs de Phénée. En me quittant, il me donna un riche carquois avec des flèches de Lycie; il joignit à ce don une chlamide tramée d'or, et deux freins d'or, que mon fils Pallas possède maintenant. Ainsi, cette alliance que vous désirez, il y a long-temps que ma main l'a formée. Et demain, dès que le jour sera rendu au monde, les auxiliaires que vous demandez partiront avec vous, et je vous aiderai de mes richesses et de mon pouvoir. En attendant, puisque c'est comme amis que vous êtes venus, célébrez, de concert avec nous, cette fête annuelle qu'il n'est pas permis de différer; et, dès ce moment, prenez place aux banquets de vos alliés. >> IL dit, et ordonne que les coupes et les mets qui |