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Ce secret n'a rien que d'innocent. Depuis plus de deux mois, par un effort puissant, Je tâche d'arrêter une guerre onéreuse, Par les conditions d'une paix glorieuse.

lui;

Le roi m'en est témoin; je n'atteste que
Et je saurai prouver que ce n'est qu'aujourd'hui
Que j'ai connu l'Infante, en dépit d'elle-même.
Elle n'est point ici par un ordre suprême;

Et son propre intérêt l'attire à cette cour:
C'est son unique objet.

LE ROI.

Et quel est-il ?

D. PHILIPPE.

L'amour.

Oui, votre gloire, Sire, en tous lieux répandue,
A charmé la princesse; et, sans être connue,
Elle a voulu savoir et juger par ses yeux,
Si vous confirmeriez des bruits si glorieux.
Je sais qu'elle a pour vous la plus vive tendresse :
Mais ayant soupçonné que vous aimiez ma nièce,
Elle étoit sur le point de quitter votre cour.
A peine ai-je obtenu le reste de ce jour,
Afin d'en profiter, en employant mon zèle
Pour vous déterminer à prononcer pour elle.

LE ROI, à D. Philippe.

Qu'on cherche Don Louis. Je veux dès ce moment...

D. PHILIPPE.

L'Infante est avec lui dans mon appartement.

LE ROI, à D. Philippe.

Avec l'ambassadeur priez-la de paroître ;

Mais ne lui dites point que l'on m'a fait connoître
Sa naissance et son rang, que je veux ignorer
Jusqu'à ce qu'il soit temps de le lui déclarer.

SCÈNE XII.

LE ROI, D. FERNAND, DONA CLARICE.

D. FERNAND.

IL tâche d'effacer un soupçon légitime,

Et croit vous éblouir en colorant son crime;
Mais à votre prudence on ne peut imposer.
Quoique, pour me bannir, il ose m'accuser
D'être votre rival, d'être aimé de Clarice,
J'ose tout espérer d'un roi dont la justice
A toujours éclaté pour ses moindres sujets.
J'en fais mon bouclier; et ne crains désormais
Que le trop prompt effet des projets de mon frère.
Il ne sait que parler : mais mon bras peut tout faire.

SCÈNE XIII.

LE ROI, L'INFANTE D'ARRAGON, D. LOUIS, D. PHILIPPE, D. FERNAND, DONA BÉATRIX,

DONA CLARICE.

LE ROI, à D. Louis.

ENFIN, à l'Arragon je veux donner la paix,
Et par un double hymen l'affermir à jamais.

D. FERNAND.

O ciel! je suis perdu.

LE ROI, à D. Louis.

(à l'Infante.)

C'est à quoi je m'engage.

Je me suis résolu sur votre témoignage.

Voyez, auprès de moi, quel est votre crédit,
Madame, et rappelez ce que vous m'avez dit ;
Que votre air, que vos traits représentoient l'Infante.
Si vous lui ressemblez, l'image est si charmante,
Qu'à l'objet qu'elle peint, je suis prêt à jurer
Tout ce qu'en sa faveur l'amour peut desirer.
De ma foi, de mon cœur, présentez-lui l'hommage.
Je vous charge du soin d'accomplir votre ouvrage.

L'INFANTE.

L'Infante d'Arragon va faire son bonheur
De payer ce présent par le don de son cœur.
Vous l'aurez pour jamais, en lui donnant le vôtre,
Qu'on disoit que l'amour destinoit pour une autre.
LE ROI, baisant la main de l'Infante.

Non, divine princesse; il sera tout à vous.

L'INFANTE, se jetant aux pieds du roi.

Ah! Sire, pardonnez...

LE ROI, la relevant.

Acceptez un époux

Qu'un traité que j'approuve aujourd'hui vous assure. Mais il est temps aussi de venger mon injure.

( à D. Fernand.)

Tu vois que tes discours ne m'ont point imposé.
Mes yeux se sont ouverts; je suis désabusé.

Toutes tes trahisons, adroitement voilées,
Par toi-même, à la fin, m'ont été révélées.
Oui, ton frère, ton roi, jusqu'à ta passion,
Tu sacrifiois tout à ton ambition.

Jamais on n'a plus loin poussé la perfidie.
Tu devrois sur-le-champ la payer de ta vie;
Mais ma clémence impose à mon ressentiment.
Qu'un exil rigoureux borne ton châtiment.
Sors de ma cour, ingrat! je sens que ta présence
Ne pourroit y souffrir la paix et l'innocence.
Je destine à Clarice un autre époux que toi.
(D. Fernand sort.)

DONA CLARICE.

Ah! ne m'imposez pas une si dure loi.
Au lieu de le punir, c'est me punir moi-même.
Plus il est malheureux, plus je sens que je l'aime,
En vain à Don Fernand on voudroit m'arracher,
Puisqu'un roi si charmant n'a pu m'en détacher:
Partager sa disgrace, est toute mon envie.

Si vous nous séparez, il y va de ma vie :

Oui, Sire, à vos genoux j'expire en ce moment,
Si vous me condamnez à cet affreux tourment.

L'INFANTE, au roi.

Oserois-je me joindre à l'aimable Clarice?
Souffrez qu'en sa faveur mon ame s'attendrisse.
Accordez-lui l'époux que demande son cœur:
Vous me rendrez heureuse, en faisant son bonheur.

LE ROI.

Je vous entends, Madame; il faut vous satisfaire : Je n'ai plus de desir que celui de vous plaire;

Et je vais vous prouver que je suis pour jamais
Uniquement soumis à vos divins attraits.

C'est est fait; je me rends. Rassurez-vous, Clarice:
Je remplirai vos vœux; mais je ferai justice.
(à l'Infante.)

Vous, venez recevoir et mon cœur et ma foi.

SCÈNE DERNIÈRE.

D. PHILIPPE, DONA BEATRIX.

DONA BEATRIX.

Vous voilà bien content! Vous restez près du roi; Votre frère vivra vis-à-vis de sa femme;

Moi, vis-à-vis de vous. Les beaux exploits!

D. PHILIPPE,

Madame,

Votre zèle indiscret ( disons la vérité)

Nuit plus à Don Fernand que ma fidélité.
Comment n'auriez-vous pas la fortune contraire?
Il n'a pu se borner; vous n'avez pu vous taire.
L'exil est un remède à son ambition:
Puissé-je en trouver un pour l'indiscrétion!

FIN DE L'AMBITIEUX, ET L'INDISCRÈTE.

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