PRÉFACE. Je n'aurois point fait de préface à cet ouvrage, si je n'avois cru devoir achever de détruire les bruits injurieux qu'on a fait courir avant sa représentation, et si je ne croyois nécessaire d'opposer quelques raisons à la prévention avec laquelle on pourroit encore le lire. Je dirai donc, pour me justifier de ces bruits si contraires à la pureté de mes intentions, que j'ai toujours regardé comme indigne de la probité, le trop facile et le punissable talent de la satire, genre d'écrire par lequel, souvent aux dépens de la vérité, on se prépare des succès fondés sur la malignité du cœur humain. Mes ouvrages font foi de ce que j'avance. J'ai toujours moins pensé, en écrivant, à m'acquérir la réputation d'homme de lettres, qu'à m'assurer celle d'honnête homme et de bon citoyen. Si ces ouvrages ne peuvent me placer au rang des auteurs illustres, ils me distingueront du moins de ceux qui ont sacrifié leur honneur au desir de plaire, de ces auteurs forcés à se cacher à mesure que leurs productions éclatent, et à qui le public fait payer les applaudissemens passagers qu'il leur donne, par toute la haine et le mépris dont il les accable. Cette réflexion suffiroit aux personnes qui me connoissent; mais je dois ajouter qu'il y a près de six ans que cette comédie est faite, et que dèslors la plus grande partie de mes amis, parmi lesquels il en est de respectables par le rang et par la naissance, l'ont entendu lire. Je répète que je ne combats ici ne combats ici que le préjugé de mes lecteurs, puisque je suis persuadé que la lecture de la pièce produira, à cet égard, le même effet que la représentation; elle confondit l'espoir de ceux qui n'y trouvèrent pas l'attrait qu'ils y cherchoient. Ils m'accusoient, avant de m'avoir entendu, d'avoir abusé de la liberté d'écrire ; mais après la représentation, aussi condamnables dans leur jugement qu'ils l'avoient été dans leur prévention, ils me firent un crime d'avoir frustré leur attente. Je n'en dirai pas davantage sur cet article; et, puisque l'occasion s'en présente, je rendrai compte en peu de mots des caractères principaux que j'ai introduits dans ma pièce, et de la manière dont j'ai cru devoir les mettre en œuvre. Ce détail pourra servir de réponse à quelques critiques qu'on a faites de mon ouvrage. L'étude de la nature, objet de l'attention principale d'un auteur dramatique, lui fait connoître qu'un ridicule ou qu'un vice, quoique toujours le même, prend une forme particulière dans les |