Page images
PDF
EPUB

Suivant

dans le

font pas plus heureux. Pour y aller du Port d'Afiongaber, il eût fallu faire le tour de l'Afrique; & perfonne ne l'avoit encore fait du tems de Salomon.

Mr. Huet, Evêque d'Avranche, prétend Mr. Huet qu'Ophir étoit le Païs de Sophala, ou la Ophir eft Côte Orientale de l'Afrique jufqu'au ZanPaïs de guebar. Il fuppofe que le Roi de Tyr enSophala, voyoit fes Vaiffeaux joindre ceux de Salomon au Port d'Afiongaber par le moyen d'un Canal qui joignoit la Mer rouge à la Méditerranée, & que ces Flotes réunies ayant doublé le Cap de Guadalquivir, rangeoient toute la Côte d'Afrique, & alloient à Tharfis, qui étoit, felon lui, le nom général de toute la Côte occidentale d'Afrique & d'Espagne, & en particulier de la Côte voifine de l'embouchure du Guadalquivir. Mais malheureusement ce Canal n'a exifté que longtems après Salomon.

aux Gran

des. Indes.

Interprê- Le plus grand nombre des Interprêtes tes qui le placent Ophir aux grandes Indes. Ils. placent croient que la Flote de Salomon, équipée fur la Mer rouge, relâchoit au Détroit de Babelmandel, pour entrer dans le Golphe Arabique, & alloit delà aux Indes Orienta les. Ce qui favorife cette opinion, c'eft qu'Ophir, fils de Jectan, établit fa Peuplade dans les Indes, & fans doute lui donna fon nom. Mais où trouver cet Ophir ? Chacun le place au gré de fon imagination, à Goa, à Malaca, au Pegu, à Ceilan, à la Taprobrane, à la Cherfonèfe d'or. Comment la Flote d'Hiram, qui partoit de la Méditerranée, pouvoit elle fe joindre à celle de Salomon, qui faifoit voile d'Afiongaber fur la Mer rouge?

Ophir pla. Don. Calmet place ce Païs loin de la Mé

oé vers la

di

diterranée & de l'Océan, entre le Mont Médie par Mafius & les Montagnes Saphires, vers D. Calmet la Médie, l'Arménie & la Syrie. Il fait partir la Flote de Salomon d'Afiongaber: après l'avoir conduite fur la Mer rouge, il la fait entrer dans l'Océan, & delà dans le Golfe Perfique, enfuite il lui fait remonter l'Euphrate & le Tigre. Mais cet Auteur fe fait des difficultés prefque auffi fortes que les preuves, & on peut lui en faire qu'il n'a pas touchées.

Flotes de

Le Systême, qui fuppofe deux Flotes de Systême Salomon, l'une partant d'un Port de la qui fuppo Méditerranée pour aller en Amérique, fe deux l'autre du Port d'Afiongaber fur la Mer Salomon. rouge pour aller aux Indes, pourroit réunir les fentimens; toute la difficulté confifte à bien prouver l'exiftance de ces deux Flotes, & la connoiffance de l'Amérique. Ceux qui foutiennent cette opinion, prétendent que dans les paffages de l'Ecriture, où il eft parlé des navigations de Salomon, ces deux différentes Flotes font clairement défignées. L'une apportoit de l'Or, de l'Argent, de l'Ivoire, des Singes & des Paons: l'autre n'apportoit que de l'Or, des Pierres précieufes & des Bois rares: l'une étoit trois ans à faire le voyage, & l'autre n'étoit qu'un an: celle-là eft appeltée la Flote d'Hiram, & celle-ci la Flote de Salomon. Voila, difent-ils, la diftinction des deux Flotes bien marquée; ils ajoutent que Jofephe parle encore diftinétement de ces deux Flotes, des différentes routes qu'elles prenoient, & des différentes marchandifes qu'elles apportoient.

Si Ophir

Quant à l'Amérique, on prétend que les eft dans enfans de Sem l'avoient peuplée;, qu'alors l'Améri»

V 4

elle que.

elle étoit jointe à la partie la plus orientale de l'Afie, & par conféquent qu'elle étoit connue du tems de Salomon. Mais les preuves qu'on en apporte font-elles bien folides? Les partifans de cette opinion s'appuient principalement fur l'idée de l'Ile Athlantide décrite par Platon dans le Timée; fur les navigations des Ethiopiens vers l'Océan méridional, qu'on voit rapportées dans Diodore de Sicile; & enfin fur le fameux paffage de Seneque, ou de P'Auteur de la Tragédie de Médée, qui femble en effet annoncer la découverte du Nouveau Monde.

Venient annis

Sæcula feris, quibus Oceanus
Vincula rerum laxat, & ingens
Pateat tellus, Tipbifque novos
Detegat Orbes, nec fit terris
Ultima Thyle.

Suivant ce Systême, la Flote équipée für la Mer rouge, après avoir paffé le Golfe Arabique, alloit, dit-on, droit à Goa, où après avoir doublé le Cap de Comorin, elle alloit à Ceylan, à Bengale, & aux autres Contrées des Indes. Elle faifoit ce voyage en un an. La Flote qui faifoit voile fur la Méditerranée rangeoit d'abord les Côtes de l'Afie & de l'Europe, y trafiquoit fes marchandifes, paffoit enfuite le Détroit de Gadès, & pourfuivoit fa route jufqu'en Améri que, où elle chargeoit de l'Or; elle rentroit enfuite dans la Méditerranée, & reconnoiffoit dans fon retour les Côtes d'Afrique, où elle prenoit de l'Ivoire & des Singes. Ce fecond voyage étoit de trois

ansa

ans. Dans ce Syftême c'est toujours le voyage des Indes qui eft défigné par celui d'Ophir, parce qu'Ophir, fils de Jectan, établit, dit-on, dans les Indes, une Colonie à laquelle il donna fon nom; & le voyage de l'Amérique eft défigné par celui de Tharfis, parce que Tharfis dans l'Ecriture Sainte fignifie ordinairement la Méditerranée, où commençoit ce dernier voyage.

Un Auteur célèbre (a) a repandu fur Opinion cette queftion intéreffante de nouvelles lu- du Préfi mières. Il prétend que les Flotes Juives, tefquicu, dent Mon qui raportoient par la Méditerranée, de

Or & de l'Argent, revenoient d'Afrique, non pas des Indes. Il dit plus. Cette navigation fe faifoit fur la Côte Orientale de l'Afrique, & l'état où étoit pour lors la Marine, prouve affez qu'on n'alloit pas dans des lieux bien reculés. Je fai, dit il, que les Flotes de Salomon & de Jozaphat ne revenoient que la troifième année: mais je ne vois pas que la longueur du voyage prouve la grandeur de l'éloignement. Pline & Strabon nous difent que le Chemin qu'un Navire des Indes & de la Mer rouge, fa briqué de joncs, faifoit en vingt-jours, un Navire Grec ou Romain le faifoit en sept. Dans cette proportion un voyage d'un an pour les Flotes Grèques & Romaines étoit à peu-près de trois pour celles de Salomon:

Les Navires des Indes, qui étoient de jonc, tiroient moins d'eau que les Vaiffeaux Grecs & Romains, qui étoient de bois & joints›

(a) Mr. le Préfident Moutefquieu. Voyez l'E prit des Loix, Liv. XXI, Chap. VI.

joints avec du fer. Les Navires des Indes étoient petits, & ceux des Grecs & des Romains, fi l'on en excepte ces Machines que l'oftentation fit faire, étoient moins grands que les nôtres. Or plus un Navire eft petit, plus il eft en danger dans les gros tems. Telle tempête fubmergeroit un Navire qui ne feroit que le tourmenter s'il étoit plus grand

L'Hiftoire nous apprend', qu'avant la dé couverte de la Bouffole on tenta quatre foisde faire le tour de l'Afrique. Des Phéniciens envoyés par Nécho (a) & Eudoxe (b) fuyant la colère de Ptolomée-Lature, parti-rent de la Mer rouge, & réuffirent. Satafpe (c) fous Xerxès, & Hannon qui fut envoyé par les Carthaginois, fortirent des Colonnes d'Hercule & ne réuffirent pas..

Pour faire le tour de l'Afrique il falloit découvrir & doubler le Cap de Bonne Ef pérance. Mais, fi l'on partoit de la Merrouge, on trouvoit ce Cap de la moitiédu chemin plus près qu'en partant de la Méditerranée. La Côte qui va de la Mer Rouge au Cap eft plus faine que celle qui va du Cap aux Colonnes d'Hercule. Pour que ceux qui partoient des Colonnes d'Her-cule ayent pu découvrir le Cap, il a fallu l'invention de la Bouffole, qui a fait que l'on a quitté la Côte d'Afrique & qu'on a navigé dans le vafte Océan (d), pour aller

(a) Herodote, Liv. IV.

vers

(b) Pline, Liv. II. Chap. 67. Pomponius Mè la, Liv. III. Chap. 9.

(c), Hérodote in Melpomene..

(d) On trouve dans l'Océan Atlantique, aux mois d'Octobre, Novembre, Décembre, & Janvrier, un Vent de Nord-eft; on paffe la Ligne &

pour

« PreviousContinue »