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pafteurs: elles doivent fe rapporter au degré de liberté que la conftitution peut fouffrir à la religion des habitans, à leurs inclinations, à leurs richeffes, à leur nombre, à leur commerce, à leurs mœurs leurs manieres. Enfin, elles ont des rapports entr'elles; elles en ont avec leur origine, avec l'objet du législateur, avec l'ordre des chofes fur lesquelles elles font établies. C'est dans toutes ces vues qu'il faut les confidérer.

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C'est ce que j'entreprends de faire dans cet ouvrage. J'examinerai tous ces rapports; ils forment tous ensemble ce que l'on appelle l'ESPRIT DES Loix (z).

Je n'ai point féparé les loix politiques des civiles car comme je ne traite point des loix, mais de l'efprit des loix, & que cet efprit confifte dans les divers rapports que les loix peuvent avoir avec diverfes chofes, j'ai dû moins fuivre l'ordre naturel des loix, que celui de ces rapports & de ces chofes.

J'examinerai d'abord les rapports que les loix ont avec la nature & avec le principe de chaque

ports qui ont des rapports, &c. & tous ces rapports for-
ment ce qu'on appelle L'ESPRIT DES LOIX. Ce langage
ne paroît guere digne d'un Magiftrat célebre. Il femble
qu'il auroit pu fe contenter de dire, tout uniment : « Les
» loix font des rapports néceffaires qui dérivent de la na
»ture des chofes. Dans un Etat il y a différentes chofes
>>le fouverain, les fujets, le climat le
> pays, &c.
» J'examinerai donc comment les loix font dérivées de
» la nature du fouverain, des fujets, du climat, du
pays, &c. & par-là j'expliquerai pourquoi telle loi a
» lieu ici, & non pas là ; dans tel temps, & non pas dans
»tel autre ». Voyez Bibl. Imp. Tom. XV, p. 1, pag. 86,
(R. d'un A.)

gouvernement; & comme ce principe a fur les loix une fuprême influence, je m'attacherai a le bien connoître; & fi je puis une fois l'établir, on en verra couler les loix comme de leur fource.Je pafferai enfuite aux autres rapports qui femblent être plus particuliers.

LIVRE I I.

Des loix qui dérivent directement de la nature du gouvernement.

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CHAPITRE PREMIER.

De la nature des trois divers gouvernemens.

IL y a trois efpeces de gouvernemens ; le Re

PUBLICAIN, le MONARCHIQUE & le DESPOTIQUE. Pour en découvrir la nature, il fuffit de l'idée qu'en ont les hommes les moins inftruits. Je fuppofe trois définitions, ou plutôt trois faits: l'un que le gouvernement républicain eft celui où le peuple en corps, ou feulement une partie du peuple

(a) Cette division, qui est assez commune, me paroft fort inexacte. Tout gouvernement eft arbitraire ou limi té. Il eft arbitraire dès qu'il n'y a point de loix fondamentales qui fixent la façon dont il faut fe conduire dans la régie des affaires; il eft plus ou moins limité, fuivant que ces loix reftreignent l'autorité publique. Dès qu'à la pluralité des fuffrages un corps d'Etat peut ordonner ce qui lui plaît, c'eft un gouvernement defpotique, tout comme celui dans lequel un feul commande fans fuivre d'autre loi que fa volonté, il en eft de même d'un Etge

a la fouveraine puiffance; le monarchique, celui où un feul gouverne, mais par des loix fixes & établies: au lieu que, dans le defpotique, un feul, fans loi & fans regle, entraîne tout par sa volonté & par fes caprices (a).

Voilà ce que j'appelle la nature de chaque gouvernement. Il faut voir quelles font les loix qui fuivent directement de cette nature, & qui par conféquent font les premieres loix fondamentales.

CHAPITRE II.

Du gouvernement républicain, & des loix relatives à la démocratie.

L

ORSQUE dans la république le peuple en corps a la fouveraine puiffance, c'eft une démocratie. Lorfque la fouveraine puiflance eft entre les mains d'une partie du peuple, cela s'appelle une aristocratie.

Le peuple dans la démocratie eft à certains égards le monarque; à certains autres il eft le fujet.

Il ne peut être monarque que par fes fuffrages qui font fes volontés (b). La volonté du fouverain eft le fouverain lui-même (c). Les loix qui

où la fouveraine puiffance réfide chez quelques-uns des membres de cet Etat. Ainfi le gouvernement démocratique & l'aristocratique, peuvent être defpotiques, tout comme le monarchique ; & c'eft une erreur de croire que le dernier eft le feul qui foit fufceptible de defpotifme. (R. d'un A.)

(b) Les fuffrages font la volonté des particuliers; le decret qui en résulte fait celle du corps. (R. d'un A.)

(c) S'énoncer ainfi c'eft confondre les termos. Qui dira

établiffent le droit de fuffrage, font donc fondamentales dans ce gouvernement. En effet, il eft auffi important d'y régler comment, par qui, à qui, fur quoi, les fuffrages doivent être donnés qu'il l'eft dans une monarchie de favoir quel eft le monarque, & de quelle maniere il doit gouverner.

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LIBANIUS (1) dit qu'à Athenes un étranger qui fe méloit dans l'affemblée du peuple, étoit puni de mort. C'est qu'un tel homme ufurpoit le droit de fouveraineté.

Il est effentiel de fixer le nombre des citoyens qui doivent former les affemblées; fans cela on pourroit ignorer fi le peuple a parlé, ou feulement une partie du peuple. A Lacédémone il falloit dix mille citoyens. A Rome, née dans la petiteffe pour aller à la grandeur; à Rome faite pour éprouver toutes les viciffitudes de la fortune; à Rome, qui avoit tantôt presque tous fes citoyens hors de fes murailles, tantôt toute l'Italie, & une partie de la terre dans fes murailles on n'avoit point fixé ce nombre (2); & ce fut une des grandes causes de fa ruine.

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Le peuple qui a la fouveraine puiffance, doit faire par lui-même tout ce qu'il peut bien faire; & ce qu'il ne peut pas bien faire, il faut qu'il le fafle par fes miniftres.

Ses miniftres ne font point à lui, s'il ne les

que la volonté de M. de MONTESQUIEU eft MONTESQUIEU lui-même ? (R. d'un A.)

(1) Déclamations 17 & 18.

nomme c'eft donc une maxime fondamentale de ce gouvernement, que le peuple nomme fes miniftres, c'est-à-dire, fes magiftrats.

Il a befoin, comme les monarques, & même plus qu'eux, d'être conduit par un confeil ou fénat. Mais pour qu'il y ait confiance, il faut qu'il en élife les membres; foit qu'il les choififfe lui-même, comme à Athenes; ou par quelque magiftrat qu'il a établi pour les élire, comme cela fe pratiquoit à Rome dans quelques occafions.

Le peuple eft admirable pour choisir ceux à qui il doit confier quelque partie de fon autorité. Il n'a à se déterminer que par des choses qu'il ne peut ignorer, & des faits qui tombent fous les fens. Il fait très-bien qu'un homme a été fouvent à la guerre, qu'il y a eu tels ou tels fuccès; il eft donc très capable d'élire un général. Il fait qu'un juge eft affidu, que beau coup de gens fe retirent de fon tribunal contens de lui, qu'on ne l'a pas convaincu de corruption; en voilà affez pour qu'il élife un préteur. Il a été frappé de la magnificence ou des richeffes d'un concitoyen; cela fuffit pour qu'il puiffe choisir un édile. Toutes ces chofes font des faits dont il s'inftruit mieux dans la place publique, qu'un monarque dans fon palais. Mais faura-t-il conduire une affaire, connoitre les

(2) Voyez les confidérations fur les caufes de la grandeur des Romains & de leur décadence, Ch. IX, Paris,

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