DU LIVRE QUATRIÈME. La reine de Carthage, devenue amoureuse d'Enée, de • couvre à sa sœur la passion nouvellement née dans son cour, avec la honte et la douleur qu'elle lui cause: sa sœur la console, et lui conseille d'épouser le prince troyen. Elles font l'une et l'autre des sacrifices pour rendre les dieux favorables à ce projet. Cependant Junon, pour empêcher Enée de fonder en Italie l'empire glorieux que les destins lui promettent, forme le dessein de l'arréter en Afrique. Pour cet effet, elle propose à Vénus le mariage de Didon avec Enée, et la prévient sur les mesures qu'elle doit prendre pour le faciliter; ce qui fait sourire la déesse des Amours, qui feint d'applaudir à cette ruse. On fait le lendemain une partie de chasse: Didon, Énée, Ascagne, et tous les seigneurs troyens et tyriens, sortent de Carthage. Bientôt Junon excite un orage affreux, qui écarte tous les chasseurs; Didon et Énée se retirent seuls dans une grotte, où ils se donnent réciproquement les plus tendres marques de leur flamme mutuelle. La Renommée divulgue aussitôt dans toute l'Afrique les amours de la reine de Carthage et du héros troyen; et Iarbe, roi de Getulie, en est informé. Ce prince, fils de Jupiter Ammon, à qui Didon avoit refusé sa main, indigné de la preférence qu'elle donne à un étranger, adresse sa plainte à son père, qui aussitôt ordonne à Mer cure de se rendre à Carthage, pour dire de sa part à Énée qu'il lui commande de sortir incessamment de la Libye, et de faire voile pour l'Italie où les destins veulent qu'il s'établisse. Énée, docile aux ordres du souverain des dieux, se met promptement en état d'obéir, et ordonne qu'on prépare secrètement tout ce qui est nécessaire pour le départ. Didon devine son dessein, et lui en fait de vifs et tendres reproches; Enée le lui avoue. La reine a recours aux larmes et aux prières ; rien n'ébranle le prince troyen. Elle emploie inutilement les sollicitations de sa sœur; elle s'emporte, et ne peut rien obtenir, ni par ses reproches, ni par ses menaces. Mercure ayant réitéré à Énée l'ordre de Jupiter, ce prince ne diffère plus, et fait appareiller pendant la nuit ; enfin il lève l'ancre, et part. Didon, désespérée de la fuite de son amant, ne peut survivre à sa douleur, et prend la funeste résolution de se délivrer de la vie; elle feint un sacrifice au dieu des enfers, et fait élever un bucher dans une cour intérieure de son palais. Après avoir trompé sa sœur au sujet de ces lugubres préparatifs, après avoir éloigné d'elle tous ses courtisans et toutes ses femmes, elle monte sur le bûcher; et ayant déploré son sort et regretté son infidèle amant, elle se tue avec l'épée méme qu'il lui avoit laissée en partant. LIBER QUARTUS. AT regina, gravi jam dudum saucia curâ, (1 Anna soror, quæ me suspensam insomnia terrent! Quis novus hic nostris successit sedibus hospes! Quem sese ore ferens! quàm forti pectore, et armis! Credo equidem, nec vana fides, genus esse deorum. Degeneres animos timor arguit (6). Heu ! quibus ille Jactatus fatis! quæ bella exhausta canebat! Si mihi non animo fixum immotumque sederet (7 Ne cui me vinclo vellem sociare jugali, LIVRE QUATRIÈME, « toi qui de mon ame es la chère moitié, Un cour noble se sent de sa noble origine. Qu'au récit des périls que brava son courage |